mardi 22 août 2023

22 août - Tende > Soarge

Le camping municipal de Tende est dans un état de saleté innommable. Les employés municipaux en charge de nettoyage du bloc sanitaire devraient avoir honte. On est à la limite du problème d'hygiène. Il y a de la crasse partout. Les syphons des douches sont bouchés. Les toilettes sont dans un état pitoyable. Je préférerais me laver dans la rivière que dans ce bouge.

Quoiqu'il soit ce matin je me lève à 6h pour reprendre la route comme d'habitude. Mais au fond de moi, je sais que c'est différent. J'ai quitté le GTA et l'Italie. J'attaque ma petite mort, celle où je vois finir mon trek et ou je dois penser à reprendre la vie normale. Néanmoins je ne dois pas me laisser aller car le GR52A n'a pas prévu de me faire de cadeaux. Au programme 1600 m de montée et 1900 m de descente, le tout sur 23 km. C'est du lourd qui n'a rien à envier au GTA. La grosse différence aussi est la chaleur qui dès les premières heures du matin tombe sur les épaules.

Parce que je ne suis pas bien réveillé et que je n'ai pas encore intégré le changement d'environnement, je pars avec 2 litres d'eau. Cela va rapidement devenir un problème.
Tende endormie et moi aussi..

Pour l'instant, je savoure l'instant présent. Une chose est sûre, le GR52A n'est utilisé par absolument personne. En réalité, il fait partie du tour du Mercantour mais tout le monde va dans la vallée des Merveilles. Personne n'aurait l'idée farfelue de faire le tour alors que les Merveilles sont juste à portée de chaussures de marche. Et j'avoue que dans l'état d'esprit dans lequel je suis, j'apprécie cette solitude.


Au lieu de passer des cols ou des "colles", on passe des "baisses". Ils ne sont moins difficiles pour autant. Le premier, le col de Loubaira me permet d'accéder au village de la Brique. Pour cela je me suis envoyé un chemin carrossable où j'ai mangé la poussière de ceux qui partent au boulot. La descente est plus jolie et plus typique d'un GR digne de ce nom.

Je passe devant le lieu d'escalade où 2 jeunes sont déjà à pied d'oeuvre. J'arrive en ville au moment où le TER composé de 2 locos et d'un seul wagon démarre. 

Quand je déboule sur la route, je vois un arrêt de bus avec écrit "Menton - gare routière". Je ne regarde pas les horaires mais je sais qu'il ne faut que quelques heures (minutes ?) pour faire ce qui va me prendre 4 jours. Il m'a bien fallu 35 jours pour faire un après midi de voyage en train jusqu'à Thonon. Ce qui est important dans le voyage, ce n'est pas la destination, c'est le chemin.

Brique est une jolie ville avec du cachet et je décide de boire un coca à l'hôtel du village en plein centre ville. A la table à côté, un vieil homme raconte sa vie à un plus jeune. La guerre d'Indochine, ses blessures, la médaille militaire, sa vie de capitaine de voilier. Je ne sais pas s'il s'agit d'une interview mais c'est passionnant. Maintenant que je peux comprendre la langue des gens autour de moi. Dommage que je ne puisse pas m'attarder car j'ai pas mal de grimpette à faire. En fait, je monte pendant 18 km pour redescendre en 7. 

Bien entendu, plus l'heure tourne plus la chaleur monte. De ce que j'ai compris, nous sommes en canicule. Et je m'en rends vite compte. Et avec les montées en direct dans les pierriers, ma consommation d'eau monte en flèche.

A midi, alors que j'attaque ma 3eme baisse, celle de Géréon à 1252 m, je me pose des questions sur le ravitaillement d'eau. Il serait temps. Il y a soit disant une rivière au km 14 (sûrement à sec fin août) et un point d'eau indiqué au km 15. Hasardeux tout cela. Une chose est sûre, il m'est impossible de faire 12h de marche avec 2 litres. Petit coup de stress.

C'est à ce moment que je repère 2 chevaux en contrebas du chemin. S'il y a des animaux, il y a de l'eau. Effectivement je trouve 2 gros bidons bleu en plastique remplis d'eau à destination des chevaux. La surface est grise de poussière et toutes sortes d'insectes se sont noyés dedans. Des guêpes tournent tout autour et cherchent le meilleur moyen de se poser sans boire la tasse.
L'eau des animaux ne me fait pas peur. J'ai passé un mois sur le CDT à boire uniquement dans des abreuvoirs à vaches remplis d'algues fluorescentes du plus bel effet. La première fois, j'étais vraiment choqué mais c'était ça ou mourir de soif. Après ça devient notmal. Ici c'est un peu le même cas. Dans le désert, et ici on est aussi sans une goutte d'eau, on ne laisse jamais passer une occasion. C'est LA règle. Quelque soit la qualité de l'eau, on l'a récupère pour la boire. Aucune saleté ou microbe ne résiste à un bon filtre. A ce sujet, je traine toujours mon filtre bouché. Il ne laisse passer qu'un maigre filet d'eau mais il va faire l'affaire. Ça me prendra le temps que ça me prendra, mais je ne laisse pas passer l'occasion.

Avec mon filtre asmatique, je remplis mon camelback et j'en profite pour manger mes nouilles chinoises. Je suis tout simplement sauvé. Je bois tout mon saoul alors que je m'étais restreint ne sachant pas comment les choses allaient tourner.

Je repars chargé d'eau prêt à affronter l'après-midi. Il est 13h et le soleil tape comme un sourd. Je suis de retour sur une route carrossable sans un seul arbre pour me faire de l'ombre. 

Au km 14, la rivière marquée sur carte est complètement à sec. Pas vraiment une surprise.
Km 15 par contre, il y a une cabane de berger avec une cuisine extérieure. Un bien grand mot pour un réchaud à gaz et un évier qui déborde de vaisselle sale. Au dessus un robinet rudimentaire avec un tuyau souple et une vanne. Je tourne celle ci et de l'eau coule. Il n'y a personne à la cabane car le berger doit être au travail. Je refais les niveaux mais l'eau qui coule est brûlante chauffée par le soleil qui cogne. Mais ne sachant pas la provenance de l'eau, je ne vais pas m'amuser à laisser couler jusqu'à avoir de l'eau fraîche. Si l'eau vient par camion, ça serait un beau gâchis. En gros, je réchauffe l'eau que je porte et qui est déjà désagréablement chaude.

2 virages plus loin, je tombe sur le troupeau de moutons et bien évidemment les 5 patous qui les accompagnent. Ceux ci sont sous un arbre en plein sur mon chemin, totalement écrasés par la chaleur. Ils aboient mais le cœur n'y est pas. Tant mieux, je passe juste derrière eux et poursuis mon chemin. Par contre, un des patous ne l'entends pas de cette oreille. Il me suit en aboyant malgré mes invectives à retourner à son troupeau. Je l'entendrais aboyer longtemps alors qu'il a cessé de me suivre. Un excès de zèle sans doute.

Soudainement, le chemin carrossable s'arrête net et laisse place à un magnifique pierrier. Et avec lui, la pente prend des allures de grimpette de col. C'est la dernière baisse avant la grande descente, la baisse de Lugo à 1487 m. Et pour marquer le coup, j'ai droit à une approche digne du GTA avec virages serrés et peu de prises pour se hisser en sécurité. J'arrive en nage à la baisse. 

Heureusement la descente passe par une grande prairie jaune brûlée par la sécheresse.
Au bout de la prairie, le GR plonge vers la vallée. Le problème est que le sentier est bordée d'arbustes dont les branches à hauteur d'homme gènent considérablement le passage. C'est déjà épuisant de descendre à pic mais avec les branches au milieu, ça devient épique. Quand je disais que personne ne vient sur le GR52A, j'en ai la preuve. D'ailleurs depuis 10h que je marche, je n'ai pas vu un seul randonneur.


L'objectif du jour est d'aller à Soarge. Mais en réalité, je n'ai rien à faire là bas. Il n'y a ni camping ni hôtel. Il y a juste 3 gîtes/maison d'hôtes mais je n'ai rien réservé. Et en cette saison... Bref j'ai dans l'idée de bivouaquer. Mais pour cela il faut de l'eau qui manque cruellement dans la région. Je tente ma chance.


Et elle me sourit. Après avoir passé quelques bâtiments, dont la Chapelle Sainte Croix, je tombe sur un lavoir. Du robinet coule un mince filet d'eau, les bacs sont remplis d'algues vertes mais dans cet environnement c'est inespéré. Juste devant il y a la place de mettre ma tente. C'est en plein sur le chemin mais je n'ai vu personne de la journée.
Je décide d'y bivouaquer pour la nuit ! Je ne suis qu'à 1 km de Soarge. L'objectif est atteint.


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