jeudi 31 mai 2018

31 Mai - Zero A Pagosa Springs

Alors que ça devrait être mon unique objectif, j'ai du mal à récupérer en ville. Il y a tellement de choses à faire que je n'ai pas assez de temps. Au lieu de traîner au lit et de dormir tout mon saoul, je suis debout à 5h comme d'habitude alors que je me suis couché tard. Je suis débile...

Pagosa Springs est une ville touristique qui fonctionne quasiment toute l'année. L'hiver avec le ski et l'été avec la rivière et les sources d'eau chaude.



Quand en plus les hikers se pointent durant la saison basse, on peut dire que cette petite ville vit bien. Ici pas de maison abandonnée et tous les restaurants affiche le panneau "Help wanted" qui veut dire qu'ils recrutent du personnel.

C'est une ville bien proprette, fleurie qui durant le printemps se refait une beauté pour mieux aborder la saison haute.
Le motel où nous sommes descendus est le moins cher de la ville car il y a beaucoup de resorts, gros hôtels luxueux, qui exploitent les sources d'eau chaude.
Voilà pourquoi les hikers n'aiment pas l'endroit. Ils ne descendent pas dans les resorts. Ce n'est pas du tout le même monde.

Le Motel First Inn est tenu par 2 vieux hyppies qui visiblement apprécient la clientèle des hikers où ils retrouvent leur jeunesse. Il y a un tarif officiel "hiker" qui est de 70$ soit 30% inférieur au tarif normal.
Il est donc le dernier bastion permettant aux hikers au budget limité de rester à Pagosa Springs. Ceci concerne principalement les jeunes, étudiants ou ayant mis de côté juste assez entre 2 jobs.

Je passe sur les habituelles corvées, lessive, courses, internet etc... qui ne présentent aucun intérêt pour me consacrer sur l'atout majeur de cette bourgade : c'est la première ville depuis la frontière mexicaine qui possède un magasin spécialisé dans les activités extérieures (outfitters en anglais).

Après un mois et demi à vivre avec le même matériel dont certains éléments, comme le tapis de sol, sont défectueux, j'avoue que je rêve de ce magasin.

Donc après un vrai petit déjeuner oeuf, bacon, pancakes, notre première tâche est de pénétrer dans ce temple du renouvellement de matériel pour y faire curée. Priorité aux piolets.
Le vendeur, fort aimable au demeurant, nous explique gentiment qu'ils ont vendu absolument tous les piolets en stock depuis les 10 derniers jours. Il n'y a plus qu'un seul piolet. Mathieu et moi même nous regardons car nous sommes 2.
Bien entendu, nous prenons l'unique rescapé et nous notons le nom de tous les magasins de la ville susceptibles de disposer de piolets.

Pour mon matelas, ils sont désolés mais il ne dispose pas de ce type de modèle et surtout pas à ma taille. Pour le réparer, il faut que je m'adresse au fabricant dont le laboratoire de réparation était justement en ville la semaine dernière. Mais il est reparti et je dois aller à Durango si je veux trouver le style de matériel que je cherche.
Je crois que je vais pleurer au milieu du magasin à moins que j'étrangle le vendeur pour calmer mes nerfs. Je me dis que le matelas n'est rien par rapport au problème du piolet. Je décide de plutôt consacrer mon énergie sur les boutiques restantes.

Nous visitons donc pas mal de boutiques et téléphonons même à certaines. Il n'y a plus de piolet à vendre dans la ville.
Je reste ébahi qu'un magasin regarde fondre son stock de piolets consommé par une horde de hikers qui ne décroît pas, sans prendre la peine d'en recommander.

En final nous avons marché comme des malades et nous sommes bredouille. Quelle déception ! Pas de piolet et pas de matelas !

Pour se venger, on trouve 2 excellents restaurants pour se gaver midi et soir. Je vois que Mathieu prend rapidement le rythme hiker. C'est il faut qu'il reprenne des forces pour lutter contre la bronchite. Il ne tousse quasiment plus et à bon appétit. Bientôt il pourra porter mon sac en plus sien.

Demain nous partons pour Lake City qui se trouve à 7 jours de marche en passant par les mythiques montagnes de San Juan. J'ai fait livrer un piolet par Amazon au motel de Lake City. Nous devrions y retrouver Claire, la fille de Bertrand qui veut nous accompagner pendant 2 semaines. Dans la vingtaine, elle ne va pas tarder à nous attendre en haut des côtes. A moins qu'elle ne se greffe à un groupe  à son niveau ;-)

En tous cas, vous allez avoir des vacances de mes histoires pendant 7 jours jusqu'à ce que je récupère un accès Internet..

mercredi 30 mai 2018

30 Mai - Wolf Creek Pass

Hier soir nous avons arrêté la journée à côté d'un ruisseau pour disposer d'eau. J'ai trouvé à proximité une petite zone aménagée par un campeur qui a creusé la pente pour disposer d'un lieu à plat. Visiblement cet endroit n'a pas été utilisé depuis des années.
Mathieu et moi même avons installé nos 2 tentes dans cet emplacement. Nous sommes sous les arbres ce qui nous protège du froid et du vent. Mathieu tousse beaucoup.

Ce matin nous devons faire 19 km pour rejoindre Wolf Creek Pass où passe une route qui rejoint la ville la plus proche à 40 km, Pagosa Springs. Le CDT s'éloigne des lieux habitables et reste dans les montagnes. En fait, ce sont plutôt les villes qui ne se sont pas installées sur le Divide, la ligne de séparation des eaux.

Le chemin que nous empruntons ce matin va de col en col. Alternativement, il traverse des forêts et emprunte des sentiers escarpés où la vue est magique.



Nous sommes toujours aux alentours de 3500 m d'altitude.



Les traversées de forêts sont pénibles car elles sont encombrées de plaques de neige que le soleil à du mal à atteindre avec l'ombre des sapins. Le nombre d'arbres morts est hallucinant et un grand nombre d'entre eux jonchent le sol et rend notre progression difficile. Naturel m'a donné une explication sur la quantité d'arbres morts que nous croisons : ils sont décimés par un insecte qui ne cesse de se propager et que personne ne sait stopper. Visiblement le problème n'est pas prêt d'être résolu.

Quoiqu'il en soit ces arbres morts nous obligent à des acrobaties pour passer soit en dessus soit en dessous en s'égratignant souvent avec les branches. Si la pente est escarpée, il est alors nécessaire de contourner au risque de glisser avec le sac à dos qui nous désiquilibre.



Nous arrivons à un sommet qui surplombe la station de ski et où se trouve un remonte pente et du matériel hors d'âge. Visiblement les Américains skient peu.


Nous déjeunons et j'en profite pour brancher mon téléphone. Naturel est déjà reparti car la ville était trop chère pour lui. Le Colorado compte beaucoup de zones touristiques et est réputé pour être chère. Internet me confirme que le motel que je vise est l'un des moins cher de la ville.

Nous suivons la ligne de crêtes des montagnes au dessus de la station de ski et le paysage est magnifique.




Nous arrivons à Wolf Creek Pass aux alentours de 15h. Il y a des voitures garées. Malgré le temps menaçant et le vent violent, des personnes ont décidé faire un tour sur le Trail. Nous en avons croisé qui montaient et qui sont là pour la journée.

Des véhicules de toutes sortes, du camion américain au camping car plus gros qu'une maison s'arrêtent au col pour prendre des photos
Des cyclistes itinérants avec armes et bagages accrochés au cadre  arrivent au col. Ils se jettent sur nous et nous identifient comme des Thru-hiker. Eux ne sont sur la route que 2 semaines et ils font une boucle entre le Colorado et l'Utah. Ils sont épatés par ce que nous faisons alors que ce sont eux qui sont couverts de transpiration. Le vent est froid et ils doivent se changer pour continuer.

Mathieu et moi même en profitons pour changer de côté de la route pour être dans la bonne direction
J'applique les mêmes recettes que lors de ma dernière tentative d'auto stop. Le temps de me préparer et il se met à pleuvoir.

Au bout de 5 minutes, un vieux 4x4 s'arrête. Le conducteur est très jeune et le plateau arrière de son véhicule regorge de matériel de camping. En fait, il est en train de traverser les États Unis, de l'état de New York jusqu'à celui du Colorado, pour prendre un job dans une société de guide touristique à Durango.
Il conduit et campe depuis 2 jours pour économiser les hôtels. C'est la 1ère fois de sa vie qu'il prend des auto stoppeurs et c'est tombé sur nous. Trail Magic ! J'ai juste peur que l'odeur pestilentielle que nous dégageons ne le dégoûtent à jamais de recommencer.

Nous discutons de politique et de différences sociales entre nos 2 pays. Il rêve de notre système de protection de maladie. Il est très intelligent et cultivé ce qui fait que le temps du trajet est trop court. Il nous dépose directement devant notre hôtel. Vraiment super gentil !

Mathieu tousse beaucoup depuis plusieurs jours et veut consulter un médecin car le mal des montagnes ne lui fait habituellement pas cet effet. Il se rend au centre médical où on lui diagnostique une bronchite. Rien de grave mais rien à voir avec le mal des montagnes. Le toubib l'autorise même à reprendre le Trail. Nous allons tout de même prendre un zéro pour qu'il puisse récupérer un peu.



mardi 29 mai 2018

29 Mai - Montée... D'Adrénaline

Ce matin c'est la grèle en guise de bonjour. Un plafond de nuages noirs barre le col où nous devons nous rendre. À l'opposé, le ciel est bleu ce qui est rassurant. Le vent qui avait calé dans la nuit vient de se relever. Il souffle fort et les nuages circulent à la vitesse grand V. En fait, tout est possible au niveau de la météo. Nous avons la tentation de rester sous la tente en attendant le beau temps mais il faut absolument profiter du la neige gélée pour parcourir le plus de distance dans des conditions plus faciles.

Nous voilà donc partis sous la grèle et le vent pour l'ascension des 4000 m, point culminant de cette section.
Mis à part le froid, l'ascension au 1er col se passe bien. Quelques névés à traverser mais rien de méchant.

Nous pensons être arrivé au sommet mais en basculant de vallée, le col suivant est encore plus haut.

Les pentes deviennent escarpées et sont recouvertes de neige. La neige est si dure qu'il est difficile de creuser des marches pour assurer la sécurité. Quelques gouttes de sueur froide font leur apparition au fur et à mesure de la progression.

Pour ne rien arranger, nous suivons de mauvaises traces de pas de quelqu'un qui est passé avant nous et je fais une erreur de navigation avec le GPS. Résultat, nous devons remonter toute une pente escarpée et enneigée depuis une vallée oú nous n'aurions jamais du descendre. Là aussi la pente donne des sensations et l'effort est important. Nous changeons alors à nouveau de vallée.

Depuis ce matin nous n'avons pas cessé de gagner de l'altitude en passant de col en col et de vallée en vallée. La quantité de neige présente est en adéquation avec l'altitude.
Cette dernière vallée est couverte de neige et le chemin est donc entièrement enseveli. Le GPS nous aide à nous maintenir sur le tracé.

Il y a peu ou pas de trace de personnes ayant réalisé le parcours avant nous ce qui est très étonnant car depuis le début nous avons des traces de pas dans la neige qui nous aide à nous repérer.

Nous arrivons sur une pente extrêmement raide coincée entre 2 rochers. Logiquement il nous faudrait passer sur cette voie mais elle fait vraiment peur car nous sommes proches du sommet et la vallée est très loin au bas de la pente. Nous cherchons des alternatives pour éviter ce passage mais il nous faut nous rendre à l'évidence, c'est la seule solution.

Nous ne équipons de nos crampons, nous nous traitons de tous les noms d'oiseaux pour ne pas avoir de piolet et nous nous lançons dans la voie.
La montée d'adrénaline est immédiate. Chaque pas peut se terminer par la grande glissade. Mis à part le passage près des rochers où nous pourrions nous blesser, la quantité de neige nous permettrait de survivre à une chute. Néanmoins aucun de nous n'a envie de tester une glissade sur une pente de 200 m.
La pente est tellement raide que je ne peux pas me servir du bâton côté parois. Je le pose directement à plat sur la neige et j'appuie ma main dessus. Le vent souffle comme un diable comme pour me coller sur la parois. Je tente de creuser le plus possible des marches avec mes crampons mais la neige est dure et seulement la moitié de ma semelle y loge dans le sens de la longueur. Je n'ose pas penser si cette demi marche se dérobe lorsque je prends appuis pour avancer mon autre pied. À chaque pas, je me répète de ne pas regarder en bas. Si le fait, je vais rester tétanisé au milieu de la pente. Un pas après l'autre en ne pensant qu'à sécuriser la marche qui me sert à avancer. J'ai l'impression que cette traversée ne s'arrêtera jamais. Mais je lève la tête et je vois le chemin de terre à moins de 2 m de moi. Surtout ne pas se précipiter, ça serait stupide de tomber à l'arrivée même si mon vœux le plus cher est d'en finir avec ce cauchemar. Plus que 50 cm, assurer le pas et ne pas regarder en bas, 10 cm, je retiens ma respiration et enfin le pas qui emmène sur la terre ferme. J'ai les jambes qui flageolent et j'ai besoin de m'asseoir. Je peux alors regarder en bas et me faire peur rétrospectivement. Mathieu est dans le même état que moi et nous espérons que cette expérience ne va pas se renouveler.
Nous sommes heureux d'avoir fait cette expérience et que tout se soit bien passé. C'est aussi pour ce type de sensations que je suis sur le CDT. J'ai eu ma dose.

En fait, le Dieu du CDT nous a entendu car c'est effectivement l'épreuve finale. Nous sortons des pentes escarpées couvertes de neige pour passer à de grandes étendues herbeuses comme nous en avons connues lorsque nous avons commencé cette section.

Il y a bien sûr quelques névés à traverser mais les pentes sont douces et donc sans danger. À cette heure, la neige a fondu et nous devons à nouveau batailler avec le "post holing'. Mais nous acceptons cette contrainte facilement après l'épreuve que nous venons de traverser.

À midi, nous avons réalisé 11 km ce qui vu les conditions est honorable. D'ailleurs nous croisons d'autres hikers qui n'ont pas fait mieux et qui ont eu la même frousse que nous, même avec un piolet à la main. Nous apprenons d'ailleurs qu'il existe une alternative à ce que nous avons fait, ce qui doit expliquer pourquoi nous n'avons pas vu de traces.

L'après midi se déroule dans des vallées où il y peu de neige. Nous marchons àun moment donné sur une corniche aussi escarpée que celle de ce matin.

Pourtant la sensation n'est pas du tout la même alors qu'une chute dans la pente aurait des conséquences encore plus funestes.

Mais nous sommes sur la terre ferme et non sur la neige donc nous avançons normalement. La nature humaine est vraiment bizarre.

En fin de journée nous avons réalisé 23 km. Il est restera 19 pour se rendre à la route où nous pourrons faire de l'auto stop pour se rendre à Pegosa Springs.

lundi 28 mai 2018

28 Mai - Névés Land

La nuit a été horrible. Le vent n'a pas cessé de souffler à travers la tente. Impossible de ne pas être transit de froid. J'ai pourtant enfilé l'intégralité de mes vêtements. Mon matelas à encore des problèmes de fuite. Je le changerai à Pegosa Springs mais je vais souffrir en attendant. J'ai peu dormi et je n'arrive plus à me réchauffer.

Ce matin, chaussures et chaussettes sont complètement gelés et ressemblent à des morceaux de bois. Il faut bien les enfiler en y ajoutant les chaussettes waterproof.


Nous voilà parti sur le premier névé qui est à quelques mètres de notre campement. Il est complètement gélé et il supporte facilement notre poids. Si la traversée s'en trouve grandement simplifiée, ce n'est pas pour autant que nous nous déplaçons comme sur un sentier en terre. En effet, il faut caler ses pieds dans les traces réalisées par les marcheurs précédents. La progression reste lente et laborieuse surtout lorsque la pente est forte. Si le pied dérape, c'est la glissade assurée jusqu'au bas de la pente. Et la réception peut se faire sur des rochers.


Nous enchaînons les névés et certains d'entre eux sont dangereux à cause de leur taille et de la glissade mortelle qu'il pourrait se produire.

Nous nous équiperons de piolets dès que nous arriverons à Pegosa Springs. En attendant, nous devrons redoubler d'attention.

Nous enchaînons les faces couvertes de neige où il faut enchaîner les traversées de névés avec les faces parfaitement dégagées qui nous permettent d'avancer normalement.

Certains névés sont tellement important que leur traversée n'est pas envisageable. Il faut alors descendre dans la pente rneigée jusqu'à une zone dégagée pour le contourner. Ces descentes sont toujours effrayantes car il est facile de glisser. Je m'équipe de mes crampons après avoir fait une chute sur la terre gelée à la sortie d'un premier névé de la descente.

La pompe à adrénaline fonctionne à plein régime et nous ne regardons pas en bas quand nous bataillons dans la neige.

Jusqu'à 10h du matin la neige reste dure ce qui nous facilite la vie.
Après, c'est le retour du "post holdings" et la neige abrasive nous déchire les mollets quand notre jambe s'enfonce dans la neige.

À midi, nous nous arrêtons au 3eme col de la matinée. Nous n'avons parcouru que 8 km. Nous ne ferons pas les 25 km de la veille et l'arrivée à Pegosa Springs vient de reculer d'une journée. Cela n'aide pas au moral.

L'après midi est conforme à la matinée et nous enchaînons toujours les névés dangereux et les descentes à pic. Cela nous permet de faire de la luge sur les fesses lorsque nous sommes quasiment en bas. Nous retrouvons les hikers de la veille ce qui veut dire que notre rythme est équivalent à ceux des autres.

À 16h, ces mêmes hikers plantent la tente, ce qui n'est vraiment pas leur heure. En regardant le dénivelé, nous nous apercevons que nous devons monter à 4000 et le redescendre dans la foulée. Effectivement il serait imprudent de s'aventurer alors que le soir approche. Nous plantons nous aussi la tente et décidons de nous lever à 4h pour profiter de la neige gélée. De plus Mathieu souffre du mal des montagnes. Il faut qu'il se repose pour l'ascension de demain.

Malheureusement nous n'avons parcouru que 16 km aujourd'hui et j'ai bien peur que la journée de demain ait des airs de similitude avec aujourd'hui.


dimanche 27 mai 2018

27 Mai - La Neige

La nuit n'a pas été aussi froide que prévue. Le vent a calé ce qui a évité au thermomètre de passer sous la barre du zéro. J'ai dormi comme une masse épuisé par la journée d'hier.

Ce matin, je suis le premier réveillé à 5h. Je commence mon rangement ce qui ne manque pas de réveiller le campement au complet. En résultat, tout le monde part en même temps pour cette nouvelle journée. Nous ne cesserons de nous croiser et recroiser au gré des pauses des uns et des autres.
Naturel semble avoir changé d'avis dans la nuit et me donne un hug pour me dire au revoir. On se reverra à l'arrivée.

Rapidement nous arrivons sur le premier névé. La fille qui précède Mathieu s'équipe de ses crampons ce qui nous influence à faire la même chose. Nous sommes en train de déballer le matériel quand le gars qui arrive derrière nous regarde comme des extra terrestres et passe sans crampon. Le névé ne fait que quelques mètres et ne présente strictement aucun danger. Il ne faut pas faire tout ce que font les autres.

La matinée se poursuit en montée régulière. Le plus compliqué est d'éviter les névés qui sont de plus en plus nombreuses et volumineuses au fur et à mesure de l'élévation car nous dépassons les 3700 m.


Les névés sont à éviter car ils représentent 2 difficultés en cette période de fonte des neiges :
- les traverser revient souvent à se trouver enfoncé jusqu'au short dans la neige. C'est froid, mouillé et retirer sa jambe de son trou est épuisant. Ici on appelle cette activité le "post holing" (faire des trous de poteau)
- passer en dessous revient à patauger dans la boue créée par l'eau de fonte. Les chaussures pleines d'eau sont désagréables et surtout très froides.

En final, les névés ont lourdement impacté notre moyenne et nous n'avons fait que 15 km à midi. Les autres hikers n'ont pas fait mieux. Malheureusement nous n'avons encore pas tout vu.

Il ne fait vraiment pas chaud car le vent s'est relevé. À cette altitude avec la quantité de neige qui nous entoure, le vent est forcément froid. Mais le ciel est bleu et le soleil fait son travail. Entre autre, il fait fondre la neige.

Alors que jusqu'à maintenant nous étions sur des grandes plaines herbeuses où nous pouvions prendre des latitudes par rapport au tracé du chemin pour éviter les névés, nous nous retrouvons sur une pente escarpée plantée d'arbres où nous devons respecter l'emplacement du sentier. Nous sommes sur une face Nord où la neige a peu fondu. Il nous faut obligatoirement traverser les névés.


La première difficulté est de monter dessus car la marche d'acceuil fait souvent 1 m de haut. La neige est bien molle et s'écroule lorsqu'on essaye de poser un pied. Heureusement il y a souvent des branches de sapin qui permettent de se hâler sur le névé. Une fois dessus le cauchemar commence. On s'enfonce complètement à chaque  pas et d'extraire demande une énergie monumentale. Rapidement, on se retrouve exténué alors que ce n'est que le début de l'après midi.

À la sortie de la zone escarpée, on fait face à un champ de neige immense sous lequel le sentier disparaît. Il n'est pas possible de s'y risquer. À l'aide du GPS on cherche des alternatives avec des zones plus ou moins dégagées.

En coupant à travers bois et en pataugeant dans l'eau de fonte, nous finissons par nous en sortir et nous retrouvons tous les hikers près d'un lac où ils font une pause.

Il n'y a rien de dangereux dans ce que nous faisons. Cela demande un peu de navigation mais surtout beaucoup d'énergie pour une distance parcourue dérisoire. À 15h, nous n'avons fait que 18 km. Nous reprenons le sentier qui a nouveau s'engage sur une face Nord escarpée. La galère continue alors que le soir se profile. En plein vent, sur une pente escarpée, nous ne pouvons pas envisager de planter la tente.

Heureusement le sentier descend dans une vallée et nous voyons une porte de sortie. Nous descendons en traversant d'immenses névés qui ont l'avantage de supporter notre poids la plupart du temps. À 18h30, nous nous apercevons que le Trail remonte, ce qui est incompatible avec notre recherche d'un emplacement pour la nuit. Nous décidons donc de bivouaquer comme nous le pouvons sur un sol en pente à 3500 m d'altitude. Le vent ne nous a pas lâché d'une semelle. Les pieds trempés ne tardent pas devenir trés froids avec le soleil qui se couche derrière la montagne.

Dès le repas terminé, nous nous réfugions rapidement dans les duvets.

Demain nous nous équiperont de nos chaussettes waterproof et de guêtres pour moins souffrir.

La journée a été dure et nous n'avons fait que 24 km. Pegosa Springs est encore à 60 km...

samedi 26 mai 2018

26 Mai - Début Du Colorado

Cela fait plusieurs jours qu'un vent de panique agite la communauté des hikers. Quelqu'un a posté sur Facebook un message annonçant que le Colorado est dangereux car il y a beaucoup de neige, qu'il est nécessaire de se suréquipé ou carrément de ne pas y aller.

Cette information est totalement contraire à toutes celles qui ont circulé jusqu'à maintenant mais ce message a suffit pour mettre le doute dans tous les esprits. Entre autre, alors que tout le monde jurait ses grands Dieux qu'il était inutile de prendre du matériel spécialisé glacier, la majorité des hikers courrent aprés crampons et piolets. Certains ont fait 4 heures de route avec des Trail Angels pour aller chercher le matériel dans la "vraie" ville la plus proche Durango.

J'ai toujours été un grand fan de Facebook surtout lorsqu'il s'agit de nouvelles alarmistes. Mathieu et moi même partons avec une paire de crampons et nous allons nous rendre compte sur place de la situation s'il est nécessaire de s'équiper d'autres choses.

Naturel comme les autres a subi l'influence de la mauvaise nouvelle. Il ne veut plus faire le trajet seul et souhaite nous accompagner, Mathieu et moi. Je sais pertinemment que son rythme n'est pas le mien mais il ne veut rien savoir.
Il organise notre trajet de retour vers Cumbres Pass où nous avons quitté le CDT grâce au Trail Angel Ralf. Dommage pour le train du Far west que je ne verrai pas.

À 8h, nous nous retrouvons avec 5 autres hikers pour le trajet vers Cumbres Pass. Il y a la Panzer Division au grand complet et équipée avec piolets et crampons.

De droite à gauche : Mathieu, Naturel, Anker, Snake Farm, Panzer, Storytime, The Tall man

Une fois arrivés à destination, nous prenons des photos mais personne ne semble vouloir attaquer le Trail. C'est très étrange comme comportement car nous sommes là pour ça. Je m'attends à ce que la Panzer Division, bien plus rapide que les autres, se jette puisqu'ils seront devant... Bref je finis par pousser tout le monde en même temps, le mouvement se lance et bien sûr la Panzer Division disparaît au bout de quelques minutes.

Pour ma part, c'est difficile. Je sens bien que 24h hors du Trail n'ont pas suffit à effacer un mois de fatigue. Je n'ai pas récupéré mais je ne peux pas décemment prendre un jour en plus et faire attendre Mathieu plus longtemps. Puis l'horloge amenant l'hiver dans le Nord continue de tourner.

Nous avons une méchante montée à faire. En réalité, nous allons enchaîner des montagnes pendant 4 ou 5 jours avec de gros dénivelés. Je vais essayer de faire face mais je ne suis pas en état de me dépasser.

Au démarrage, le paysage est très similaire à la dernière section avant Chama.

Bien sûr, le sentier grimpe et nous rencontrons de plus en plus de plaques de neige. Mais comme nous sommes à plus de 3000 m, cela est tout à fait normal.


À la fin de la première montée, nous avons une vue dégagée sur les montagnes du Colorado.


Le sentier de poursuit sur un plateau balayé par un vent violent. Le temps est couvert et avec le facteur vent, la température est glaciale . Un peu inquiétant pour la nuit à venir.



Les plaques de neige deviennent plus fréquentes et plus grosses et les traverser est un peu technique. Mais nous sommes à des années lumières de la pratique de glacier.

Le sentier redescend est passe devant un premier lac. Il n'est que 17h30 et nous hésitons à y passer la nuit car le Trail remonte en pente raide après un 2eme lac. Ça ne serait pas une bonne idée de passer la nuit sur un sommet avec le vent qui souffle.

Nous décidons de pousser plus loin pour voir à quoi le paysage ressemble et trouver le meilleur endroit pour camper.
Quand nous arrivons au 2eme lac nous tombons sur Naturel que je ne pensais plus voir avant Pegosa Springs. Il va tellement plus vite que moi que je pensais qu'il avait abandonné l'idée de nous accompagner. Je ne l'ai d'ailleurs pas vu de l'après midi. En réalité, il a fait le même calcul que nous et se prépare à passer la nuit en compagnie d'un autre hiker. Nous nous joignons à eux. Nous mangeons rapidement tellement il fait froid. Au moment de nous réfugier dans les tentes, 4 hikers supplémentaires se joignent à notre campement.

La nuit va être glaciale...

vendredi 25 mai 2018

25 Mai - Zéro À Chama

Je pense que Chama est la plus petite des villes que nous avons croisées jusqu'à maintenant. Pour tout dire, il n'y a même pas de Mac Do :-) Cela n'empêche pas la ville d'être super étendue sur sa rue principale qui est aussi la route qui la traverse. Il y a plusieurs centres de vie, notamment autour de la gare mais tous les hikers de concentrent au Y Motel qui est l'hôtel le moins cher de la ville. D'ailleurs ce motel à mauvaise réputation car il est vraiment miteux. What you pay is what you get...

J'ai eu pitié de Mathieu qui devait potentiellement attendre plusieurs jours à Chama mon arrivée et j'ai choisi un motel plus confortable avec un peu de cachet. Il est tenu par un vieux couple qui devrait être à la retraite depuis des années et qui est un peu dépassé par la technologie. Ils n'ont pas réussi à lire le mail que je leur ai envoyé pour prendre soin de mes colis. Même la carte de crédit étrangère est un drame. Mais à côté de ça, le look de cowboy de Monsieur est impressionnant. Grand chapeau blanc, tout habillé de Jean avec un foulard autour du cou et une paire de bottes à faire pâlir John Wayne.

Car nous sommes toujours au Far west. Le saloon en face l'hôtel en fait foi et le port du chapeau de cowboy conseillé. Ce lieu devient mon endroit favori en ville car il me permet d'engloutir des quantités phénoménales de calories. Je me suis regardé dans la glace après ma douche hebdomadaire et j'ai pris peur. Je ne sais pas combien de kg j'ai perdu mais mon corps a puisé partout où il a trouvé de la graisse. Même mes bras ont maigri. Donc l'objectif en ville est de se gaver autant que possible et je vois bien que Mathieu se demande si je ne me suis pas transformé en boulimique maladif.

Bien évidemment, le zéro appelle ses obligations habituelles : lessive, courses au supermarché, réparation en tout genre y compris reprise de chaussette, accès Internet (celui de l'hôtel ne fonctionne pas) pour les mails et le blog...

Cette fois ci, j'ai décidé d'ajouter une nouveauté : descente chez le coiffeur, autrement dit chez le "Barber" font j'ai repéré l'échoppe hier soir.
Quand j'arrive, il y a un cowboy qui attend assis sur un fauteuil. Un vrai cowboy car il s'occupe de chevaux et enseigne même à l'Université. Pendant qu'il me parle, il enlève son chapeau qu'il fair glisser sur le bout de sa botte car il a croisé les jambes. Le geste est totalement maîtrisé et c'est vrai qu'il y a peu d'endroit où mettre son chapeau même si l'hygiène d'une botte est discutable.

Le salon du barber est comme au temps du western. Deux grands fauteuils qui s'inclinent dans tous les sens avec des reposes pieds plus larges que le fauteuil.
Le coiffeur est un papi d'une gentillesse extrême. En fait, le cowboy n'est pas un client et il est là pour discuter. En réalité, l'échoppe du barber est un autre lieu social où les gens s'arrêtent pour discuter.
Le barber est au téléphone et il a l'air de se prendre la tête avec un helpdesk quelconque, d'où ma conversation avec le cowboy qui m'apprend qu'il a des origines françaises. Mais il en a aussi d'Irlandaise et anglaise... Oui comme tous les Américains mais ça nous fait un sujet de conversation parce que mes connaissances équines sont très limitées.
Alors que j'attends, un indien, pardon un américain natif, demande s'il peut passer devant moi car il doit prendre la route pour aller à une fête. Mais bien sûr, je suis en journée de repos. Il demande à ce qu'on lui rase la tête sans toucher à la tresse qui pend dans son dos. Il le répète plusieurs fois d'un air très sérieux qui détonne avec son air jovial en entrant. Vidiblement on touche au domaine du sacré. La boule à zéro est vite exécutée et je prends place à mon tour sur le fauteuil. Je suis intimidé. Mon barber est un artiste et il fait virevolter mon fauteuil dans tous les sens. Ça monte, ça descend, à droite, à gauche, tout en changeant de ciseaux et sans cesser de parler. C'est un vétéran du Vietnam qui a aussi été en Europe à la fin de la guerre. Je n'arrive pas à savoir quel âge il peut avoir mais lui aussi devrait être à la retraite. On parle de l'Allemagne et de la France qu'il a traversé de long en large. On parle de vin et le cowboy m'annonce que le Nouveau Mexique se met à produire du vin comme l'a fait la Californie avant elle. Si ça continue, les ricains vont finir par nous botter les fesses avec leur pinard. Le dernier vin californien que j'ai bu était juste excellent et le Nouveau Mexique ne manque ni de soleil ni de terre disponible. La viande de bœuf ne doit pas rapporter tant que ça. D'ailleurs j'apprends que la viande que j'ai mangé au saloon provient d'un rancher de Chama. Et c'est vrai qu'elle était à tomber par terre !

Ma séance chez le barber s'achève et m'a rappelé le coiffeur de mon enfance. La boutique était toujours bondée et on y parlait principalement de foot, de pêche et de tous les ragots du village. Je ne disais jamais un mot parce qu'à cette époque les minots n'avaient pas la parole mais je n'en perdais pas une miette.
Je suis retombé en enfance version Western. Encore une magie du Trail.

Suite à la mise à jour de mon blog, j'ai reçu un commentaire avec une photo extraordinaire. Toute l'équipe Reservit du bureau qui tient un dessin de Némo. Pour tout dire, j'ai même écrasé une larme tellement j'étais ému. Touché en plein cœur le Némo. Cela ne pouvait pas me faire plus plaisir. Je vous embrasse tous du fond de mon âme de hiker.



jeudi 24 mai 2018

24 Mai - Cumbres Pass

J'ai eu la même nuit que la précédente. Je pensais avoir réglé mon problème de matelas mais il y a d'autres trous. C'est une vraie torture chinoise. Je dors par petits bouts sachant exactement comment ça va finir : sur le sol gelé avec une séance de gonflage inutile. Le mythe de Sisyphe version Trail.

À 5h je me lève car je dois faire 34 km pour aller à Cumbres Pass qui est le col où le CDT traverse la route qui mène à la ville de Chama. Il y a 18 km entre Cumbres Pass et Chama donc il faut recourir à l'auto stop. C'est d'ailleurs la 1ėre d'une longue série car à partir de maintenant, le Trail ne passe plus par des villes comme ce fut le cas jusqu'à maintenant. J'ai même vu qu'à un moment donné, il faut faire du stop pour une ville qui se trouve à plus de 60 km !

Donc je dois arriver à Cumbres Pass tôt afin d'avoir une chance de me faire prendre. Si j'arrive entre chien et loup ou à la nuit tombée, je n'ai aucune chance de me faire prendre en stop.

Je me mets en route et très rapidement je sens une gêne respiratoire. Ça fait plusieurs jours que je ressens cette gêne. Je pense même d'où elle provient. Je crois que c'est le mal des montagnes. Je viens de dormir à 3300 m d'altitude et mes premiers pas viennent de me faire monter à 3400 m.
A vrai dire, j'arrete pas de monter et descendre entre 2500 et 3000. Habituellement pour une sortie, on monte et on redescend dans la journée. Pas le temps d'être géné. Actuellement ça fait 5 jours que je fais le yoyo. Mon organisme semble se rebeller un peu. Ça lui passera et pour le Colorado ça va même monter à 4000 et on ne redescendra pas en dessous de 3000... Le seul problème avec le mal des montagnes est là non performance physique. Je monte comme un asmathique.

À 3400 la vue est imprenable. Elle me permet d'ailleurs de voir les premières montagnes du Colorado. C'est impressionnant comme elles semblent massives et couvertes de neige. Je me rassure en me disant qu'il s'agit des faces Nord. Dire que dans 2 jours je serai en train de crapahuter là dedans. Une autre aventure commence !

À midi, alors que j'ai fait mes 18 km (au lieu de 20 habituels - maudit mal des montagnes), je tombe encore sur une immense plaine herbeuse balayée par un vent déchaîné.

Une seule solution : en sortir si je veux pouvoir manger. Après une heure de marche, j'arrive dans un petit vallon encaissé protégé du vent. Je m'installe entre sapins et plaques de neige. Je ne lézarde pas longtemps car il est 14h et j'ai encore 11km à faire.

J'ai d'ailleurs raison de me méfier car je traverse des zones de forêt non entretenues. Encore des arbres couchés en travers du Trail. Les enjamber est épuisant et les contourner revient à patauger dans la boue à cause de la fonte des neiges. Et pendant ce temps, l'horloge tourne pour mon auto-stop.


Mes pieds de rebellent aussi. Ça fait trop longtemps que je leur impose une marche forcée dans des chaussures en ruine. De nouvelles douleurs apparaissent surtout au niveau de la voûte plantaire. Des chaussures toutes neuves nous attendent à Chama donc ce n'est pas le moment de faire un caprice. Le mieux est d'avancer pour atteindre l'objectif. De toute façon, il n'y a rien d'autre à faire. Mais mon pied droit est vraiment douloureux, j'espère ne pas me blesser...

Au sortir d'un bois, la vue se dégage sur toute la vallée où passe la route de Chama. C'est fabuleux !


Il y a des lacs et la route est doublé par la voie ferrée du train à vapeur de Chama. En effet, la ville dispose d'un des derniers trains historiques de l'époque du Far west. C'est bien sûr un train touristique mais j'espère bien pouvoir l'emprunter pour revenir sur le Trail.
D'ailleurs j'aperçois bientôt, la mignone petite gare jaune de Cumbres Pass.

Je suis arrivé. Il est 17h45. Je n'ai pas énormément de temps devant moi avant que la journée s'assombrisse.

Je m'installe sur le bas côté de la route en respectant les règles pour me faire prendre : pas de lunettes de soleil et pas de chapeau car il faut que l'on voit bien le visage, toutes les affaires dans le sac y compris les bâtons afin d'embarquer et débarquer dans rien oublier, être dans une zone où les véhicules vous voient longtemps à l'avance et disposent de place pour s'arrêter. Dernier point très important : sourire comme si c'était votre meilleur ami qui arrivait pour venir vous chercher. Si j'enchaîne les échecs, pas sur que mon sourire ne se fige pas rapidement.

J'ai bien respecté les consignes mais la route est peu fréquenté. Le peu de voitures qui passent m'ignore allègrement. Je ne peux pas leur en vouloir, est ce que je prendrai un espèce de clodo hirsute avec un sac à dos sur le bord de la route ?
En plus, je dégage une odeur épouvantable. Ma dernière douche remonte à 8 jours et je n'ai pas lavé les vêtements depuis 5 jours.

Je branche mon téléphone et j'ai du réseau. Je reçois plein de SMS en attente de mes hikers préférés que sont Natural et Finch. Ils me donnent même le no du portable d'un Trail Angel qui vient chercher les hikers qui restent plantés à Cumbres Pass. Je viens d'arriver. Je me donne jusqu'à 18h30 avant de l'appeler.

Je reprends donc la pause et le sourire. Ce dernier est plus détendu car j'ai une porte de sortie. Et visiblement ça fonctionne. Une gros 4x4 à plateau tirant un petit raft s'arrête. Je suis étonné car c'est une femme seule qui conduit. Habituellement, pour des raisons de sécurité bien évidentes, je suis loin d'être le candidat idéal.
Je me précipite vers la vitre conducteur en expliquant que je veux juste aller à Chama. L'accueil est un peu spécial car la conductrice me répond froidement qu'elle ne s'est pas où elle est et qu'elle ne sait pas où est Chama. Euh... Qu'est-ce que je dois faire ? Elle s'affaire alors sur le siège passager à trifouiller dans ses affaires. Petit moment de gène où je ne sais pas ce que je dois faire de moi. Elle relève alors la tête pour me dire que c'est bon. Toujours pour des raisons de sécurité, je lui demande si je monte sur le plateau arrière du 4x4. Et puis ça lui évitera de supporter mon odeur. Que nenni ! Elle me dit de mettre mon barda à l'arrière et de monter à côté d'elle.
Dès que je m'installe, elle m'offre un brownie d'une énorme boîte qui en contient pour un régiment. En fait elle part avec des amis descendre le Rio Chama avec son petit raft. Elle suit son GPS vers le lieu de rendez-vous ce qui  explique ce qu'elle m'a répondu. Elle fait beaucoup de marche et m'a pris parce qu'elle a compris que j'étais un hiker - sous entendu, pas un clodo. Elle est super gentille comme tous les gens que je croise ! Elle connaît le CDT car elle habite à Grand Lake qui est une ville par lequelle passe le Trail. Elle me donne son numéro pour que je la contacte quand je passerai pour que je rencontre sa petite famille.

Elle me dépose directement devant mon hôtel et m'offre une bière. Franchement je reste stupéfait de la gentillesse et de la spontanéité des personnes que je croise. C'est quelque chose qui n'existe plus chez nous où nous nous méfions tout le temps de tout le monde.

Au Motel, je retrouve Mathieu qui est là depuis 2 jours. Finch et Little Baby Ray partent demain matin car c'est la fin de la section du Nouveau Mexique. Pour eux, finies les vacances ! Nous décidons de partager un repas pour cette dernière soirée et bien sûr j'embarque Mathieu avec nous. Grosse séance d'anglais pour lui surtout avec des accents du sud. J'en souffre pour lui :-)



25 août - Sospel > Menton

Il est 6h, l'heure des braves et de l'apparition du soleil. Je suis tellement proche d'eux que je réveille les squatteurs du jar...