vendredi 18 août 2023

18 août - Bacino del Chiotas > Collette del Valleto

Le tonnerre et les éclairs s'en sont donnés à cœur joie cette nuit. J'ai cru que le déluge allait me tomber sur la tête. Mais il n'est tombé que quelques gouttes et la fanfare est allée jouer de la grosse caisse dans une autre vallée.

Ce matin grand bleu. C'est souvent comme ça en montagne. Beau temps le matin puis les nuages arrivent en milieu ou fin d'après midi. C'est pourquoi il faut démarrer tôt.

Au programme de la journée 28 km, 2 cols pour aller à la ville de Entracque. Ça c'est typiquement un délire du GTA pour vous faire finir dans une ville. C'est comme ça que Inigo s'est brûlé les ailes. Mon objectif à moi est de marcher jusqu'à 17h et de trouver un bivouac. J'ai encore assez de nourriture et de batterie pour me le permettre.

Première étape monter au Colle dell Fenestrelle à 2463 m. Je suis absolument seul et le versant n'est pas encore baigné par le soleil. Je vois d'ailleurs les rayons lever petit à petit le rideau sur les montagnes qui m'entourent et se reflètent dans le lac. C'est un moment magique.


Le col est un farceur car chaque fois que je crois arriver, il y a une nouvelle butte derrière. Comme le sentier est une succession de longs zigzags sur le même principe qu'hier, la montée est plutôt longue. Mais ce matin, je me régale grâce au spectacle. J'ai même droit à des chamois qui me font une démonstration d'escalade sur parois verticales. L'agilité de ces animaux est bluffante.


Une fois le col passé, je vois le refuge de Soma Ellena dans la vallée. Encore une collection de zigzags pour rejoindre la vallée.


Je croise 3 randonneurs qui montent au col mais le gros des troupes remonte depuis la route carrossable dans la vallée. Ils se dirige tous vers le refuge. Il faut dire qu'il est 11h.
L'idée m'avait effleuré d'aller prendre un coca au refuge mais la marée humaine qui arrive me fait changer d'idée. Une chose est sûre, j'en déduis qu'il y a un parking à l'entrée de la vallée.

Et me voilà parti pour une séance de buenjourno en rafale. Je revis la même chose qu'hier. Je suis le seul en sens inverse du troupeau qui monte. L'etat de la route est strictement identique avec des pierres qui freinent ma progression. La seule différence est que ce chemin est encore plus long que celui d'hier. J'ai du mal à comprendre le plaisir des vacanciers de se prendre une longue bavante en mauvais état pour aller manger dans un refuge. D'ailleurs je croise drame sur drame ou des enfants épuisés et écrasés par le soleil refusent d'avancer. La plupart des gens ne sont pas équipés. Pas de chapeau, pas d'eau, pas de crème solaire... 

Effectivement la vallée se termine par le lieu dit de San Giacomo. Composé de 3 maisons qui se courent après, il y a un refuge où j'espère pouvoir manger. La terrasse est pleine à craquer avec de grandes tablées qui n'ont rien à voir avec des randonneurs. Le parking et le bord de route lui aussi a été pris d'assaut par des cohortes de véhicules en tout genre. Je demande à l'un des 4 serveurs qui courent dans tous les sens s'il est possible de manger. La réponse est polie mais reste sans appel : il n'y a plus de menu du jour. On peut me faire une polenta mais il faudra attendre minimum 40 minutes. Sans garantie.
Une façon bien polie de me dire d'aller ailleurs. Mais il n'y a pas d'ailleurs...

Je reprends donc le GTA qui longe un petit camping lové au creux de la rivière sous les arbres. Je tente ma chance pour manger un morceau. Je m'aperçois rapidement qu'il y règne une ambiance baba cool à la limite du caricatural. On m'explique qu'il n'y a pas à manger mais qu'on est en train de préparer les lasagnes de ce soir. De fait, le cuistot et son aide sont installés sur une grande table en bois centrale et entourés d'une miriade d'enfants qui les regarde confectionner la pasta.
Des ados sont vautrés sur des divans en train de lire des bds. Pas de coca ici, seulement de la limonade bio. Les employés virent et tournent en commençant tout et en ne finissant rien. Le directeur est au téléphone faisant les 100 pas d'un air traumatisé. A mon avis, il est en communication avec son banquier...

En gros c'est la maison bleu de Maxime le Forestier ! Je bois ma limonade, achète un sorbet - bio bien entendu - et je reprends la route.
J'ai bien la tentation de passer la nuit ici mais il n'est que 13h. Je continue le GTA le long de la rivière. 

En réalité, je suis à la hauteur de Saint Martin Vésubie côté français. Comme son homologue, la région italienne a connu les affres de la tempête. Les rivières se sont transformées en tsunamis dévastateurs. J'ai vu les séquelles toute la matinée mais ici c'est encore plus frappant. Des portions de route ont été emportées même si tout été réparé. Le GTA lui aussi a été détruit sur des sections et il faut jouer au yoyo pour contourner en montant le versant les sections prises par la rivière. Ce petit jeu est assez épuisant surtout après 15 km de marche.


Il est maintenant 16h et j'arrive à une intersection. Soit je reste près de la rivière soit je pars vers le col del Valleto qui se trouve 600 m au dessus de moi.

Mon objectif n'est pas de passer le col. A cette heure, je cherche un bivouac pour passer la nuit. Ma seule angoisse est que je ne vois sur la carte aucun point d'eau sur la montée. Il y a néanmoins un replat au km 20 car le coin est terriblement escarpé. Comme toutes les rivières ne sont pas répertoriées sur la carte, je tente ma chance.

Me voila parti pour une grimpette de compétition. Ce ne sont pas les 600 m qui m'inquiète mais le dénivelé. Finis les zigzags. Il s'agit de monter directement dans la pente. C'est tellement pentu que le sentier a été équipé avec des petits troncs de bois afin de constituer des marches. C'est non seulement difficile mais terriblement éreintant de grimper.


Il y a même des passages équipés de câbles pour s'aider à esclader.


Je monte pas après pas sous une chaleur suffocante. Pas la moindre trace d'eau.
Il est 18h quand j'atteins enfin le lieu que j'avais identifié. Il y a bien moyen de poser une tente mais pas une goutte d'eau à l'horizon. Il n'y a plus qu'à continuer jusqu'à ce que j'en trouve.


Je finis par passer le col sans plus de succès. La ville se trouve encore à 7 km. Si ça continue je ne vais pas avoir d'autre choix que d'aller jusque là bas. Physiquement je suis déjà bien entamé.

Sur la carte, je vois dans la descente une rivière et un chemin pour y accéder. Je croise des routes qui ne sont pas répertoriées. Elles pourraient peut être m'enmener vers de l'eau. Dans mon état de fatigue, j'enrage de l'imprécision de mes cartes.

Je rejoins enfin la bifurcation que j'ai repérée. Il s'agit d'un sentier de randonnée qui descend dans un sous bois encaissé et sinistrement obscur. Le soleil a du mal à pénétrer les feuilles des arbres qui se battent pour la lumière. La grandeur des arbres me rassure sur le fait qu'il y a bien de l'eau dans le coin.

Je trouve bien une rivière. Tout autour un immense tapis de feuilles d'arbres en décomposition. Ça fera bien l'affaire pour une nuit malgré l'odeur. 


Je suis content de me laver car je suis couvert de transpiration. 
Le temps de m'occuper des tâches habituelles, je finis à la frontale aidée par l'obscurité du lieu.
Demain je vais me retrouver très tôt à la ville d'Entracque où il y a un camping. Je vais en profiter pour laver mes affaires et recharger ma batterie externe. Un peu de repos ne pourra pas nuire ne serait ce qu'avec la journée que je viens de passer. Il ne faudrait pas que tout craque juste à quelques encablures de l'arrivée (le fameux syndrome Yves Montand du "Salaire de la peur").
Le plus inquiétant reste la crevasse dans ma chaussure qui ne cesse de s'agrandir.Je vois le jour à travers maintenant. Est ce que je pourrais l'amener jusqu'au bout du chemin ?

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