mercredi 9 août 2023

10 août - Pontechianale > Grange dell'Autaret

Inigo a abandonné. Il m'a envoyé un message hier soir. Après 20 jours et 400 km, il jette l'éponge. Du coup, j'ai regardé où j'en étais : 23 jours et 480 km. C'est son moral qui a lâché plus que le reste. Car après avoir fait la HRP et le GR5, il peut parfaitement faire la GTA.

Des humains - une machine n'est pas humaine - il ne reste plus que moi. J'ai des hauts et des bas. Il y en a toujours mais je continue la route. Je commence même à apprécier l'extrême difficulté des journées. C'est un challenge et j'adore les challenges. Puisque tout le monde lâche, je vais me faire un plaisir de la terminer. Du moins si mon physique et surtout mes chaussures me le permettent. Hier soir je discutais avec un traileur en lui montrant mes chaussures. Il a été sans appel : à la benne et ne pas continuer avec. D'accord mais il n'y a aucun magasin à des km à la ronde. Donc j'ai pas bien le choix.

La nuit a été agitée. Je passe sur mes voisins avec leurs camping cars qui ne bougent plus depuis des années. Il y a même un jardin potager attenant. Ils se connaissent tous depuis des années et discutent à des heures indues pour un marcheur. Heureusement c'est en Italien, donc je comprends rien et ça ne m'empêche pas de dormir.

Je passe aussi sur le bal qui a lieu dans le village où tout le monde reprend en coeur des classiques italiens. A 2h du mat, ça chantait toujours.

Non le pire ce sont les chiens qui se sont mis à aboyer alors qu'enfin les humains dormaient. Les chiens hurlaient comme des forçonnés et se renvoyaient la balle. Totalement insupportable. Au bout de 30 minutes de ce vacarme qui raisonnait dans toute la vallée, j'ai fini par mettre mes boules Quies. Le pire se sont les propriétaires qui ne s'occupent pas de leurs animaux qui indisposent tout le monde.

Ce matin je prends la route alors que tout le monde dort encore. J'ai décidé de faire une variante. Le nouveau tracé du GTA fait passer par des villages alors que l'ancien était dans la haute montagne. Je ne sais plus où j'ai retrouvé ce tracé mais ça sera l'ancien. Si je m'enfonce dans les montagnes, je serai peut-être plus solitaire.

J'attaque donc la variante. Finis les marques du GTA, il faut tout faire au GPS. Et ça démarre mal car je me mélange les pinceaux entre 2 rivières parallèles. 


Je retrouve le sentier et on part tout de suite dans les tours. Ça monte sérieusement. Une moto arrive dans mon dos et me double. C'est une moto de trial, donc une petite cylindrée sans siège (le conducteur est forcément debout) capable de passer n'importe quel obstacle - du moins si on a de la technique. Mon cousin Xavier était un fana de cette discipline et faisait des compétitions. Ici rien de cela, il s'agit d'un berger suivi de son chien qui se rend sur son lieu de travail. D'ailleurs tous les bergers que je croise sont équipés de ces motos.

Tous ? Non ! Car un cavalier arrive bientôt avec son chien qui le suit. Un autre berger qui fonctionne comme à l'ancien temps. Le far west version Italienne mais sans Sergio Leone.


En fait je suis le 3eme de la bande car je vois les traces de pneu de moto et de fer à cheval sur le sentier que je suis. D'ailleurs ils doivent passer souvent car le chemin est bien marqué.

Après le passage d'un cours d'eau, je vois la moto appuyée sur un pin. Le berger a rejoint son troupeau. Par contre pour moi les ennuis commencent. Mais où est donc le chemin ? J'arrive à retrouver des traces de peinture delavées par le temps mais il n'y a pas de chemin tracé au sol. Pas assez de passage sur ce chemin oublié. Je dois monter au col Bondormir et il faut que je trouve la voie qui y mène.
Voilà à quoi ça ressemble : une vieille marque et basta cosi (je m'améliore vraiment en Italien)


Moi qui voulait quelque chose de confidentiel, me voilà servi. Heureusement que mes amis les vaches continuent à maintenir les tracés. Grâce à elles, je peux me faufiler au milieu des buissons et de la végétation. Je tombe d'ailleurs sur le troupeau très étonné de voir un être humain dans son terrain de jeux 

Je suis aussi doublé par 2 italiens, sûrement des habitants du coin tout étonnés de me voir. Ils montent à toute allure et le cliquetis de leur bâton est si rapide que je croyais que c'était un paysan qui clouait une clôture.

En tout cas la vue pour monter au col est superbe. Une fois arrivé, l'autre versant n'a rien à envier. Il y a d'ailleurs tout un groupe de français qui arrive. Je ne comprendrai jamais d'où ils sortent.


En effet sur l'autre versant, le sentier est tout aussi confidentiel. Il s'agit d'une grande étendue d'herbes, très pentue, mais les vaches s'en sont données à cœur joie et il y a des traces partout. Je me perds 10 fois à prendre les mauvais tracés.

Je galère pas mal et il fait de plus en plus chaud. Mine de rien, je perds de l'altitude et midi approche. L'idée est d'aller manger au refuge des Mélèzes mais l'heure tourne.

Le pire est quand le GPS m'indique de prendre un sentier qui descend alors qu'il n'y a pas de chemin. Je n'ai pas le choix. Si je reste sur le sentier où je me trouve, je pars dans une montagne totalement à l'opposé de la direction souhaitée.

Je prends donc le sentier qui n'existe pas ou plus. Je ne retrouve absolument aucune trace dans cette pente à la verticale. Je prends des sentiers tracés par les vaches quand je le peux. Je me dis que si je me casse la figure dans ce no man's land, personne n'aura l'idée de venir me chercher ici.

Je finis par arriver sur des magnifiques bâtiments à moitié détruits - une ancienne grange - Je retrouve donc un chemin ce qui me permet de descendre en sécurité jusqu'à la route.


En chemin je croise enfin un cours d'eau. Il est 13h30, je n'ai plus d'eau et j'ai faim. Je vais diminuer le poids du sac qui le cisaille les épaules ce matin, syndrome typique du ravitaillement. Je mange mes provisions. Tant pis pour le repas au refuge.

Quand j'y arrive enfin, il est 15h. Coca et tarte expédié à la vitesse grand V pour attaquer la 2eme journée de la variante. Car je viens de m'apercevoir que celle ci fait 5 jours et non 4. Je vais devoir mettre les bouchées doubles pour compenser.

J'attaque la nouvelle montée dans une chaleur suffocante. Il est d'ailleurs prévu un orage en fin d'après midi, ce qui n'arrange pas mon planning.

Mon objectif est de marcher jusqu'à 17h, 18h max pour bivouaquer. Mais encore faut il trouver un endroit adéquat.

Je dois monter en haut de gorges très encaissées. C'est magnifique mais inquiétant pour le bivouac. Un groupe de français descendent. Je le sais car ils parlent entre eux dans la langue de Molière que je maîtrise un peu.
Je leur demande s'il y a possibilité de bivouaquer sous le col. Ils me répondent par l'affirmative. Fin du stress pour moi et je peux profiter de la beauté du paysage sans me poser de question.


J'ai bien fait d'aborder des compatriotes parce que je ne croise aucun endroit de bivouac. Il n'y a personne qui monte par contre tout le monde descend. Il faut dire que les nuages noirs s'accumulent à l'horizon. Il y a même un couple d'italiens qui essayent de me dissuader de monter. Mais nous ne pratiquons pas la montagne de la même manière. Eux se promènent à la journée et il est effectivement plus sage de rentrer à la maison quand le temps menace. Mais je n'ai pas de maison. Juste ma tente.

D'ailleurs il commence à pleuvoir alors qu'on se parle. Vu qu'ils n'ont qu'un T-shirt sur le dos, ils écourtent la conversation et partent à toute vitesse vers le parking. Je m'équipe mais le temps que je le fasse, c'est fini. Ça n'aura été qu'une ondée de courte durée.

Je continue de grimper et je commence à me demander si les français ne m'ont pas raconté des salades. Il est 18h, je suis bien sorti des gorges mais c'est toujours aussi pentu.


Soudain juste en dessous du col, il y a une zone plus plate qui apparaît. Je vois 2 bâtiments qui sont visiblement d'anciennes granges. Il y a tout un troupeau de vache qui occupe la place. Leurs cloches raisonnent dans toute la vallée. J'ai déjà dormi près d'un troupeau de vache et le bruit des cloches ne s'arrête jamais de toute la nuit
Ces animaux sont des ruminants qui même couchés sur leurs pattes continuent de faire bouger leur cloche.

Mais le vrai problème est de trouver une zone plate pour la tente. A vrai dire je ne trouve rien de vraiment plat. Je devrais me contenter d'une petite pente. Ce n'est pas la première fois. Mais j'ai un endroit où dormir, une vue magnifique et un torrent juste à côté pour l'eau courante. Il y a juste une dernière petite ondée pour essayer de gâcher le moment repas mais ça ne marche pas. J'ai atteint mon objectif et réalisé un jour et demi en une seule journée de marche. Todo va bene !



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