mardi 2 août 2022

30 juillet - Sospel - Menton

 La journée d'hier ayant été particulièrement éprouvante, nous prenons notre temps ce matin. J'étais même tenté de prendre ma première journée de repos mais nous avons décidé de tailler la route pour rejoindre Menton.

Quoiqu'il en soit, nous profitons de Sospel et nous prenons notre petit déjeuner "américain" (œuf et saucisson en plus du bon vieux croissant) dans un salon de thé. Quelques courses au supermarché du coin et il est quand même 10h30 quand nous prenons la route en direction de Menton.



Sospel est à seulement 340 m d'altitude et il y fait donc très chaud surtout à cette heure avancée de la matinée. En allant encore plus vers le Sud et en dégringolant vers la mer, je n'ai quasi aucun espoir de croiser le moindre point d'eau sur le trajet. Hier soir, la descente vers Sospel faisait penser à la Corse avec la même végétation et les mêmes odeurs. Aujourd'hui, nous nous sentons comme à la maison, avec les mêmes paysages de calcaire, d'oliviers et de pins. J'embarque 3 litres d'eau avec moi pour être en autonomie sur la journée.

Des oliviers et des restanques... Un air de déjà vu ;-)

Je suis donc parti pour ma dernière journée sur ce voyage. Bizarrement je n'ai pas du tout la même sensation que lors de la fin de mes trails précédents. Je n'ai pas l'impression de cette petite mort qui m'obsède habituellement lorsque se pointe la fin du voyage. Pas de pressentiment de retour difficile à la "vie normale". Je n'ai même pas l'impression d'avoir décroché complètement. Je ne sais pas d'où vient cette absence de ressenti. Je peux penser à plusieurs facteurs : c'est un GR donc un tracé facile (pas de difficulté technique), beaucoup de monde (voire trop sur le Tour du Mont Blanc), beaucoup de refuges (vie sociale intense), peu d'introspection de ma part (plutôt la tête dans le guidon à manger du dénivelé)... Ce voyage a été différent des précédents. Il est le plus court (moins d'un mois de marche), le plus balisé et le plus organisé (aucun pb de ravito). Avec le recul, je ne pense pas que c'est ce que je recherche ni ce que j'aime. Bien évidemment les paysages sont fabuleux et l'engagement physique intense mais il manque le piment émotionnel de "l'aventure". Seule mon excursion sauvage en Italie entre Maljasset et Larche m'a procuré la dose d'adrénaline qui me fait vibrer. Sinon le reste du trajet était une plongée dans la montagne touristique française. Un business un peu trop surexploité à mon goût. Peut être que cette ambiance est exceptionnelle du fait de la sortie de Covid et que beaucoup se sont précipités sur la randonnée après avoir souffert du confinement. 

C'est donc sans nostalgie que j'attaque cette dernière étape. Une fois à Menton, nous devrons retourner à Auron pour récupérer notre voiture. Bien évidemment, nous parlons d'un dimanche et il y a donc un seul bus qui fait Nice-Auron ce qui nous oblige à prendre un TER à 6:44. Nous n'allons rester que quelques heures à Menton mais je suis habitué à partir aux aurores une fois l'objectif atteint. De toute façon ce n'est pas le but qui compte en randonnée, c'est le chemin pour y aller.

La chaleur nous accompagne donc dans cette première montée de 1000 m. Car même si nous finissons au niveau de la mer, le GR ne nous lâche pas comme ça et nous propose de belles grimpettes et une descente de compétition pour la finale (1000 m en 7 km). 

Heureusement la plupart de la montée se fait sous le couvert des arbres. Je ne vois pas grand chose du paysage mais les arbres nous fournissent une ombre bienfaitrice. Il y a peu de points de vue sur les montagnes couvertes de forêt. 


Nous déjeunons au Colla Bassa à 1107 m. Nous échappons aux éternelles nouilles chinoises grâce à nos emplettes matinales. Nous avons mêmes des produit frais comme des tomates et une salade de carottes. C'est la grande fête du dernier jour !

En reprenant la route, nous apercevons la Méditerranée et Menton qui semble encore bien loin.


Les montées se succèdent aux descentes et la fatigue accumulée la veille finit par se ressentir. Anne souffre beaucoup de ses chevilles surtout celle qui a été tordue 2 fois. Il faut dire qu'elle est rentrée dans le jeu du jour au lendemain sans avoir le temps de se mettre en jambe. Hier nous avons fait 2 étapes en une journée alors que ça fait 7 jours qu'elle ne ménage pas sa peine. Forcément  le physique montre naturellement des signes de fatigue...


Bien entendu, il n'y a aucune trace d'eau depuis le début de la journée. Il y a juste un particulier qui a aménagé un coin de son jardin pour accueillir les randonneurs et leur proposer du sirop en libre service. Le seul trail angel sur les 700 km du voyage. Quoiqu'il en soit c'est vraiment sympa de voir des gestes altruistes et Anne laisse un petit mot sur le livre d'or. Ceci nous permet de voir qu'un couple "Laurent et Anne" sont passés la veille. Petit signe rigolo du destin...
Nous poursuivons notre chemin avec une dernière côte de 200 m qui nous amène au col du Berceau à 1050 m.
Ce col serait un bel endroit pour bivouaquer s'il y avait un peu d'eau aux alentours. La vue sur la mer est impressionnante mais celle sur la baie de Menton est encore plus belle quand on s'avance sur la crête.

Le moral est bon mais il reste 1000 m à dégringoler sur 7 km pour arriver au niveau de la mer. Le chemin est parsemé de rochers et de cailloux qui roulent sous nos pieds. La descente va être douloureuse car elle nécessite une attention de tous les instants. Et mes semelles usées n'oublient pas de me le rappeler à chaque pas.
Avant la descente, le bonheur est sur le col...

Nous avons Menton en vue sur toute la descente mais je ne sais pas si c'est une bonne chose. J'avais eu la même sensation en descendant sur Briançon où la ville semble à portée de main alors que les heures s'égrainent sans avoir l'impression de beaucoup s'en approcher. Forcément cela impacte le moral.

La descente sur Menton est particulièrement raide


Nous sommes doublés par 2 jeunes dans la vingtaine qui courent avec leur gros sac à dos car ils en ont marre et qu'ils n'ont plus d'eau. Insouciance et privilège de l'âge. Nous ne sommes pas dans le même cas et surtout il nous est impossible de courir vu l'état des chevilles de Anne qui gonflent à vue d'oeil.

La descente vers la destination finale se transforme en enfer où d'ailleurs la chaleur augmente avec la baisse d'altitude. Menton semble inaccessible même si la ville se rapproche inexorablement.
Nous arrivons enfin sur la première route en goudron et voyons les premières villas sur les hauteurs de Menton. Et le terme "hauteur" n'a jamais aussi bien porté son nom car nous sommes encore très au dessus du niveau de la mer. Le GR enchaine les escaliers pour nous y amener. C'est très éprouvant physiquement et mentalement car il y a une impression d'être arrivé alors que les escaliers restent une épreuve.
Anne souffre énormément mais continue comme un bon petit soldat. Je sais que le camping est en hauteur mais nous devons descendre au niveau de la mer pour prendre un tunnel qui nous fait passer sous la vieille ville. Nous ne sommes pas au bout de peine alors que la fatigue est à son comble.

L'arrivée dans une grosse ville comme Menton est toujours un choc psychologique alors que depuis des jours on vit avec le silence de la nature et que le plus gros village qu'on peut croiser à moins de 5000 habitants. Ici nous devons composer avec le bruit agressant de la vie urbaine. Les sirènes de pompiers, le bruit assourdissant du viaduc de l'autoroute sous lequel nous passons, les travaux, les scooters... Cette agression sonore et visuelle n'aide pas au retour à la vie normale.

D'escaliers en ruelles étroites nous atteignons enfin le bord de la mer. A Menton, ce bord de mer est une immense double voie chargée de véhicule de toutes sortes. Même si le mer est d'un bleu paradisiaque, l'urbanisation est trop importante pour celui qui débarque des montages.
Anne n'a qu'un seul objectif, celui d'aller le plus rapidement possible au camping pour terminer cette journée et se reposer. Pour ma part, j'ai du mal à ne pas m'arrêter sur la plage au moins pour marquer la fin du voyage du lac Léman à la Mer Méditerranée. Je prends donc quelques minutes pour me tremper dans l'eau afin d'officialiser la fin du GTA.

La descente nous a pris beaucoup de temps à cause des problèmes physiques et il est déjà 20h. J'avais réservé un emplacement au camping et je rappelle pour m'assurer que tout va bien. Le GPS m'annonce 20 minutes de marche pour atteindre le camping. Le gars du camping rigole en me disant qu'il nous faudra bien ce temps là. Son rire ne me rassure pas vraiment et je m'abstiens d'en faire part à Anne qui jetterait bien ses bâtons et son sac à dos à la mer si je la laisse faire :-)
Nous partons donc vers le camping. Depuis la plage, la première épreuve est de passer par le tunnel qui traverse la veille ville. C'est une réelle agression sonore et olfactive. Le bruit des 2 roues avec leur pot d'échappement trafiqué couplé aux odeurs de gasoil des camions dans cet endroit clos sont insupportables en cette fin de journée.
Mais le pire est à venir. Il faut maintenant grimper 300 marches d'escalier pour atteindre le camping...

Anne fait bonne figure et adresse ces deux dernières difficultés avec un grand courage. Nous arrivons au camping ou le gardien nous accueille gentiment et nous fourni un emplacement au plus près. Deux cocas et une douche plus loin, nous avons retrouvés figure humaine. Nous allons manger au premier restaurant à la sortie du camping qui a une vue magnifique sur la baie en Menton. Le moral est revenu au beau fixe avec un bon repas - et un peu de vin - même si les traces physiques sont bien visibles sur les chevilles gonflées d'Anne.


Demain il faudra se lever à 5h et la nuit sera plutôt courte. Le trajet nous mènera à Nice en TER où nous prendrons le seul bus de la journée qui mène à Auron. De là nous récupérerons notre voiture pour rentrer tranquillement à la maison. 

Pour le mot de la fin, je dirai que la "Grande Traversée des Alpes" (GTA) se prête bien pour les personnes qui n'ont jamais fait de trail au long cours. Il y a beaucoup d'infrastructures (refuges, épiceries) qui permettent de limiter son stock de nourriture à 2 jours. Inutile de prendre plus même sur les sections sans village. Pour ceux qui veulent éviter de bivouaquer, je pense qu'il faut vraiment s'y prendre à l'avance pour réserver les refuges et les hôtels. Ils sont pris d'assaut des mois à l'avance et il n'y a aucun espoir d'y trouver une place sans réservation.
Pour une première expérience, les paysages sont fabuleux mais il ne faut pas espérer pouvoir profiter d'un moment de solitude. Le GR est surpeuplé. Il n'y a que très tôt le matin où on peut espérer avoir un sentiment de solitude et de liberté. Le reste du temps on croise des 10aines de personnes par jour dans les 2 sens.
Beaucoup de personnes que j'ai croisées font le GR en 2 fois, du Léman jusqu'à Modane puis de Modane à Menton l'année suivante. Cela permet de limiter à 2 semaines de vacances l'engagement sur la GTA. Modane étant un nœud ferroviaire, il est facile de trouver un train pour sa destination quelque soit elle en France.
En terme de sécurité, le GR ne présente aucun passage difficile. Certains comme la crête de Peyrolles sont aériens mais sont vraiment faciles. Après il y a toujours des alternatives pour ceux qui ont des appréhensions du vide. 
L'engagement physique est réel. En moyenne, il faut faire entre 1000 et 1500 m de dénivelé positif et autant en négatif par jour si on ne veut pas bivouaquer (ce qui est impossible dans la Vanoise). Sans entrainement, le risque de se blesser ou de souffrir est réel. Pour ma part, je cours 3 fois par semaine pour un total d'une quarantaine de km. Cela a suffit pour me permettre de faire le trajet sans jour de repos et en court-circuitant 2 étapes. Mon bilan final est de 27 jours, 700 km, 36 500 m de dénivelé positif et 37 000 de négatif. 
Quoiqu'il en soit je recommande de s'entrainer un minimum en faisant des week-ends randonnées avec son sac à dos chargé comme au long cours pour avoir les meilleurs atouts en main une fois parti. On peut aisément partir solo car il est très facile de rencontrer des personnes qui font le GR5. En terme de sécurité, vous n'aurez pas à attendre longtemps avant de croiser des randonneurs si vous avez le moindre problème. Inutile d'emporter une balise de secours GPS. Votre portable devrait suffire car on capte très souvent au niveau des points hauts comme les cols. Bref une bonne randonnée bien adapté pour des nouveaux adeptes !








 


 







25 août - Sospel > Menton

Il est 6h, l'heure des braves et de l'apparition du soleil. Je suis tellement proche d'eux que je réveille les squatteurs du jar...