lundi 31 juillet 2023

31 juillet - Balme > Lago di Malciaussia

La mécanique semble mieux tourner ce matin. Les douleurs des ampoules ont disparues et les muscles bien reposés. Je suis toujours étonné de la capacité du corps à s'accoutumer à des cadences inhabituelles. Parce que entre marcher 10 heures par jour en s'envolant des 1000 m de dénivelé et regarder Netflix sur son canapé, il y a tout un monde. Et ce n'est pas les 3 footings hebdomadaires qui arrivent à la cheville d'une seule journée de marche.

Donc au début le corps rechigne aidé par son copain le cerveau et tente par tous les moyens à retourner sur le canapé à bouffer du chocolat. Tout semble insurmontable et le cerveau insiste bien sur la totale inutilité de ce qu'on fait subir à son corps. Il insinue même que ça va empirer. Le plus difficile est donc de ne pas l'écouter à ce stade. Et là d'un coup d'un seul tout rentre dans l'ordre comme si on avait toujours marché toute la journée. Le cerveau comprends qu'il est battu et le corps se dit que puisque on est obligé autant le faire bien. 

Ce matin, j'en suis là et je profite à 100% de la beauté du site. Je suis seul mis à part de Mathias un allemand de la ex RDA qui a 67 ans est parti en même temps que moi de l'hôtel. Il fait lui aussi le GTA et nous ne croiserons strictement personne de toute la journée. 
J'en suis à conclure que les Italiens ne sont pas vraiment intéressés par la marche, du moins au long cours. Et franchement, ça m'arrange bien quand je vois l'immense cirque de l'autre côté de la frontière.
Mathias et moi ne marchons pas au même rythme donc nous ne verrons pas beaucoup dans la journée. La encore tant mieux pour moi.

La difficulté de la journée est que j'ai regroupé 2 étapes officielles en une seule. C'est plutôt gonflé quand je vois la difficulté d'en faire une seule. Mais bon ça se tente surtout que je suis en autonomie au niveau bouffe et campement.

Au programme 1600 m de montée et 1500 de descente pour les 12 premiers km. Pour finir 9 km de montée pour arriver au Lago di Malciaussia. Bref une belle grosse journée !

La montée se fait dans un beau soleil matinal et la vue est parfaitement dégagée. Le chemin est parsemé de grosses pierres mais me convient tout particulièrement au niveau du rythme. C'est comme monter un escalier et donc c'est très régulier. Je suis un cours d'eau qui laisse voir des cascades. 


Le clou du spectacle est l'arrivée au lac Verdi (vert) oú il est évident de comprendre d'où vient son nom. L'eau est d'une limpidité et d'une pureté hallucinante. A donner la chair de poule.


Après le lac la vallée s'ouvre et la montée au col se fait entre 2 montagnes immenses où l'on se sent infiniment petit. Grain de sable insignifiant qui ne laissera aucun trace alors que ces mastodontes seront encore là dans des millénaires. 


Il est 11h30 quand j'arrive au col de Paschiet à 2435 m. Comme tous les jours, les nuages sont en train de remonter de la vallée et s'accrochent aux cîmes des montagnes. Je connais la suite : les nuages vont retomber et je vais me retrouver dans la brume. En attendant je dois d'abord redescendre avant de me taper un autre col. 

Arrivé dans le creux, il y a une rivière et un terrain plat. Il est midi et c'est l'endroit idéal pour la popote. La plupart des marcheurs ont horreur de faire l'effort de monter sur la digestion. Ce n'est pas mon cas. Bien au contraire, j'aime bien être plein d'énergie pour la montée.

Bien entendu, je remonte dans la brume totale et je passe le col sans voir grand chose de l'autre côté. 


Tout ce que je peux immédiatement voir c'est que le sentier est extrêmement escarpé. Tout ce que j'aime. Il me faudra plus de 3h de descente pour arriver dans la vallée. Pas un instant le tracé ne me donnera pas de répis tellement il est raide et casse gueule. J'arrive en bas épuisé et les nerfs en pelote. Je comprends mieux pourquoi l'étape officielle s'arrête là. Je décide de pousser quand même sur la 2eme étape car il ne s'agit que de monter et qu'une bonne partie se fait sur une route. Il est 16h et je ne doute pas pouvoir couvrir les km restant facilement malgré mon physique un peu entamé.


Si effectivement la partie sur la route se passe bien, la partie sur sentier se transforme rapidement en Khô Lantha. Ça grimpe sec dans une jungle constituée principalement d'orties. Heureusement il y a de petits arbres pour s'accrocher et se hisser sur les passages verticaux. Ce n'est donc pas très "roulant" et le compteur tourne. Il est 20h quand je passe un col et que je vois une rivière qui coule dans une prairie. Ça sera le lieu de bivouac avant que la nuit ne tombe. Je ne suis qu'à 1 km du Lago di Malciaussia, l'objectif du jour mais il est tard et j'ai en ce lieu tout ce qu'il me faut pour passer une bonne nuit. Mathias me recolle un peu plus tard et décide de faire la même chose 

dimanche 30 juillet 2023

30 juillet - Piapetta > Balme

Ce matin tout part de travers. La compeed de mon pied droit se fait la malle, mon téléphone n'a pas chargé car la prise ne fonctionne pas, j'oublie la moitié des choses en faisant mon sac. Bref pas un bon jour... 

Néanmoins 1600 m de montée et 1200 m de descente m'attendent. Pas une journée de Mickey malgré l'état de mes pieds. 

A la sortie de l'hôtel, une personne âgée (je ne pas dire un vieux car j'en suis un) m'invective pour m'encourager pour ma journée. Je ne comprends pas un traître mot à son discours mais comme je suis poli je le remercie avec un "Gracié" de circonstance. C'est un des seuls mots que je connais.

Je descends vers la rivière et tout de suite les choses sérieuses commencent. Une montée de compétition sous les arbres. Un grand classique quand on quitte un village dans une vallée encaissée Une bonne grosse montée des familles pour se mettre en jambe. L'eau que j'ai prise à l'hôtel est chaude mais je ne croise pas de ruisseau suffisamment gros pour changer mon eau. Le tableau est complet !

Je suis seul depuis une bonne heure - vraiment la fréquentation du GTA est hyper faible - quand un groupe d'italiens monte derrière mois à vitesse grand V. Je suis impressionné car même si le poleton de tête est constitué de jeunes sportifs, celui qui ferme la marche à bien mon âge et quelques kilos de plus. Je ne me prends pas la tête et je m'arrête sur le côté pour les laisser tous passer.

Il est vrai que nous sommes Dimanche et que nous ne sommes qu'à 50 km de Turin. Il est clair qu'il s'agit de citadins car je les redoublerai plus tard lorsqu'ils auront brûlé leurs cartouches avec leur départ sur les chapeaux de roue.

En attendant, les voir me doubler à une telle vitesse me fait poser des tas de questions. Ne suis je pas au fond du trou ? Ai je encore le physique pour faire ces journées de malade ?
Comme d'habitude, la marche fait tourner mon petit vélo.

Quoiqu'il en soit ce groupe sera le seul que je verrai de la journée. Il faut dire que la montée est vraiment terrible. Non seulement elle est longue mais elle est démoralisante. Chaque fois qu'on pense avoir atteint le col, il y a une autre ligne de crête qui apparaît.


La vue est vraiment magnifique. Heureusement que l'effort est à la hauteur de la beauté du paysage. Il est 13h quand j'atteins le col. Cela fait 5 heures que je marche et je n'ai pas mangé.


De l'autre côté, la vue est tout aussi belle mais le versant est extrêmement sec.


Il y a seulement un lac qui n'est plus que l'ombre de lui même et qui semble avoir diminué au 3/4. Aucune rivière ne l'alimente.


Ça sera néanmoins mon point de chute pour déjeuner afin de disposer d'un minimum d'eau pour manger et remplir mes gourdes.

Le reste de la descente se fait dans un versant herbeux de la montagne. Le GTA est si peu fréquenté que ses traces se confondent avec celles créés par les vaches. Je n'arrête pas de me perdre en prenant de mauvaises pistes. Je finis par marcher avec mon GPS dans la main.

Il est 16h quand un hiker me dépasse. Il est clairement en train de faire le GTA avec l'équipement de professionnel qu'il trimballe. Nous discutons rapidement et nous nous donnons rendez-vous à l'hôtel pour boire une bière. En fait j'ai vu sa tête hier dans la salle de restaurant. Mais en "civil" je ne pouvais pas imaginer qu'il faisait le GTA.

Je me perds encore une fois avant d'arriver à l'hôtel. L'accueil est encore une fois des plus sympathique. Je me fais engueuler parce que je n'ai pas réservé et que je refuse de dormir dans le dortoir. Je m'apercevrai plus tard qu'il n'y a quasiment personne à l'hôtel. 
Visiblement ma tronche ne revient pas aux Italiens. Va falloir que je m'y fasse.

Je retrouve mon hiker du jour au moment du repas, excellent en passant. Il s'agit de "machine" un hiker belge flamand qui a fait le PCT et l'AT. Cela nous donne de quoi discuter bien après que le service soit terminé. Lui a fait le GTA depuis le début et il prend une journée de repos dans cet hôtel. Il confirme qu'il n'y a personne sur le GTA sauf des allemands qu'il ne semble pas porter dans son cœur. Comme Inigo il trouve que les dénivelés sont conséquents et qu'il est difficile de faire 2 étapes en une. C'est pourtant ce que j'ai prévu pour demain. Va peut être falloir revoir mes plans...


vendredi 28 juillet 2023

29 juillet - Cuorgné > Piapetta

Je suis dans la plaine proche de Turin et je ne profite plus de la fraîcheur des montagnes. Il fait 30 degrés dans la chambre et je branche la clim. De toute façon, les jeunes font la fête du Vendredi soir et les beugleries ne me permettront pas de dormir. C'est à tel point que j'ai d'abord pensé que c'était une manif ou une émeute. Mais non ils se saoulent juste en hurlant à l'unisson. Qu'ils profitent alors que je ferme la fenêtre.

Ce matin plus d'eau chaude alors que j'ai pris 2 douches hier sans problème. Pas grave. Si tout va bien dans 2 heures je serai en train de suer sang et eau sur les 1400 m de montée qui m'attendent. La douche aurait été un lointain souvenir.

Je rejoins mon arrêt de bus et je revis le même voyage à l'envers. 15 minutes de retard pour me faire poser des questions sur la réalité de sa venue. Le chauffeur refuse mon billet de 20 € car il n'a soit disant pas la monnaie et me fait monter gratuitement. En fait chaque fois qu'un passager essaye de payer, il fait signe de monter. C'est spécial car visiblement il a pas le envie de se prendre la tête a encaisser de l'argent. Bienvenu en Italie. Il y a même une ado qui monte en disant qu'elle n'a ni billet ni argent. Même traitement par le chauffeur et la jeune fille s'installe.

Il a son bus bien dans l'oeil car contrairement au chauffeur d'hier il n'a pas besoin de manœuvrer pour passer les virages en épingle à cheveux. Moi qui suis sur le premier rang pense qu'on percuter le muret. Il n'en est rien et je reste pantois à chaque fois.

Je débarque à Ceresole que j'ai quitté hier. L'aventure reprend où elle s'est arrêtée. Je pourrais retourner au col de Nivolet et au refuge Savoia mais le sentier ne fait que suivre la route où c'est un défilé de motos bien trop bruyantes. Il y a aussi énormément de vélos car ce col est la Mecque des pratiquants de ce côté de la frontière. Le Tourmalet version Italienne. J'apprends d'ailleurs que le parc national Gran Paradisio est jumelé avec le parc de la Vanoise qui le jouxte. Il est d'ailleurs bien antérieur à son homologue français et a été créé pour sauver les bouquetin en voie de disparition à l'époque. Les français ont visiblement copié le concept aux italiens...

Aujourd'hui j'attaque vraiment le tracé du GTA.


J'ai un peu peur de me retrouver comme sur le GR5 avec une foule de randonneurs qui descend en troupe vers la Méditerranée. Inigo, un basque espagnol que j'avais rencontré sur la HRP est actuellement sur le GTA qu'il a attaqué depuis le départ officiel. Il me dit que le parcours est très sauvage et qu'il n'y a personne. J'ai du mal à  croire que ces constatations s'appliquent ici car il est encore sur la partie non touristique contrairement à moi avec le Mont Blanc et les parcs nationaux.


Néanmoins ce matin je suis complètement seul. Force est de constater que Inigo a raison. Le GTA est extrêmement bien indiqué et le sentier est à peine marqué au sol, preuve que peu de personnes le pratique. Je dois attendre la fin de matinée pour qu'un jeune nordiste dans la 20aine me double alors qu'on arrive au col. C'est un hiker au long cours comme le montre son matériel. Nous échangeons quelques banalités en anglais et il file comme l'éclair vers le sommet. Privilège de l'âge.

La montée laisse voir un paysage fantastique sur le lac artificiel de Ceresole et les montagnes environnantes.


Arrivé au col de Crocetta à 2641 m, je tombe sur 2 québécois qui vivent à Turin depuis 13 ans. C'est bizarre de parler de Montréal sur un col italien. En tout cas eux parlent couramment italien ce qui n'est pas mon cas.

La vue de l'autre côté du col est complètement bouchée. Les nuages vont et viennent en laissant peu apparaître des montagnes qui me font face.


Je descends au lac de Vercellina afin de manger un morceau et de prendre de l'eau. Je m'aperçois que les noms sont maintenant italiens alors qu'ils étaient français jusqu'à maintenant. En fait depuis Ceresole, je suis au Piémont. Fini le val d'Aoste.


J'ai 1850 m à descendre dans la purée de pois. La pente est assez raide et ça va être long. Je sors mon lecteur MP3 et me branche "Le Grand Monde" de Pierre Lemaitre lu par l'auteur. Je plonge immédiatement au coeur de son univers et oublie ce qui m'entoure. Ça tombe bien il n'y a rien d'autre que de la brume.


A une bergerie, je retombe sur mes Québécois en train d'acheter du fromage. Ils m'ont doublé pendant que je déjeunais. Ils ont du mal à comprendre que je dorme sous la tente avec tous les animaux qui rôdent. Encore des citadins qui ont peu pratiqué le "bois" comme on dit au Québec. Ça ne les empêche pas d'être très sympathiques comme tous les habitants de la Nouvelle France.

1800 m de descente n'est pas une sinécure et je me blesse à nouveau. 2 ongles de mon pied droit sont bleus. Je vais les perdre mais en attendant ils me font bien souffrir. Un autre doigt de pied saigne sans que je sache d'où ça vient. Je ne me serai jamais autant blessé que sur ce voyage. Inigo m'envoie un message pour le dire qu'il a trop d'ampoules et qu'il pense abandonner. Il pense qu'il y a trop de dénivelé à avaler au quotidien et que c'est pour cette raison que son corps ne tient pas la distance. J'ai marché avec lui sur la HRP et c'est un grand sportif habitué à la marche. Ça m'inquiète un peu qu'il lâche prise surtout que je vis les mêmes problèmes physiques que lui.

Je complète l'étape du jour en arrivant à Piapetta. Il est 16h et vu mon état je n'irai pas plus loin. Je vais au seul hôtel du village et je prends une chambre. Il y a aussi un gîte communal réservé aux personnes qui font le GTA mais je n'irai pas dormir en dortoir même si je pense qu'il n'y a personne.
Je fais un saut à l'épicerie du coin et je retombe dans les années 60. C'est tout petit et il y a de tout partout empilé sur des étagères qui montent au plafond. Sans parler italien c'est injouable de demander quelque chose sur une étagère. J'abandonne. A la place, je vais à la boucherie pour acheter un saucisson. La aussi c'est typique. Chaque client achète tout un ensemble de charcuteries qui prennent 3 plombes a être découpés minutieusement par le boucher. Sa femme se limite à peser et empaqueter. Elle s'occupe bien sûr de la caisse. J'attends mon tour en me demandant comment faire pour commander. Heureusement il y a une étagère à l'entrée oú sont exposés des saucissons. J'en prends un que je tends au boucher. Il me demande pourquoi j'ai attendu aussi longtemps juste pour ça. La réponse est simple : Non parlo italiano.

Retour à l'hôtel pour le repas. La salle est immense et totalement vide à 19h ou on est supposé servir à manger. Bien que le lieu soit super typique, le problème c'est que personne ne parle anglais. Déjà tout à l'heure on est allé me chercher le cuisinier, un jeune qui parle anglais. Donc pas possible de comprendre comment ça se passe. 20 minutes plus tard quand je redescends, la salle est comble. Ma table est réservée avec les petits vieux qui mangent seuls. Nous sommes tous alignés au fond de la salle face à ceux qui sont accompagnés. Un serveur black essaye d'aligner 2 mots en anglais pour me faire choisir le menu. J'ai vraiment l'impression d'être un gros boulet. Je pensais m'en sortir avec l'anglais mais ça ne fonctionne pas. Je suis trop enfoncé dans les petits villages de montagne. Encore une preuve que le GTA est confidentiel. Sur le GR5 j'ai croisé pléthore des marcheurs qui ne parlait pas un mot de français. 
Je veux du typique et de l'isolement et bien je suis servi. C'est juste frustrant de ne pas pouvoir communiquer... l'Europe n'est pas pour demain !

28 juillet - Orvieille > Cuorgné

A 5h30 le réveil sonne et j'ai dormi comme un bébé malgré le stress au moment du coucher. En fait, j'étais plus contrarié par mon histoire de câble que la peur du Ranger du parc. Ce matin le spectacle des glaciers dans le soleil levant est juste magique.


J'ai tout le parc pour moi tout seul et cela vaut tout l'or du monde.
J'ai allumé mon téléphone pour faire des photos. Tant pis pour la consommation. Je devrais y arriver. Mon objectif est de faire les 18 km qui me mène au refuge de Savoia en passant par le col du Manteau à 2790 m.
Je vois d'ailleurs qu'il y a un sentier sous mon cirque qui rejoint l'axe principal. Je vais le prendre afin de rester discret.

Je pars le coeur vaillant avec des étoiles plein les yeux. Il n'y a pas un mais 4 glaciers dans la vallée. Malgré ma fascination, je constate à quel point ils fondent. La roche noire qui marque l'ancienne position montre qu'ils ont réduit de plus de la moitié. Quelle tristesse ! Et dire qu'il y a encore des climatoseptiques. Je les engage à venir faire un tour ici plutôt qu'à lire des anneries sur leur écran.

J'ai toute la vallée pour moi et je savoure l'instant. Le sentier sur lequel je suis n'est plus utilisé depuis longtemps. Les herbes hautes l'ont envahi et seules les pierres empilées de soutènement laissent deviner la direction à suivre. 



Je croise un cours d'eau ou je refais le plein. Le chemin "officiel" se trouve au fond de la vallée. Il paraît tout petit car je suis resté sur les hauteurs et je marche à flanc de montagne.

Soudainement au détour d'un virage les choses se compliquent. Le sentier a peine discernable s'enfonce juste sous les falaises des pics rocheux qui constitue le flanc de montagne. Je me dis qu'il s'agit d'un mauvais passage plutôt casse gueule. Il y a de grandes herbes qui cachent où on met les pieds et c'est bien escarpé. Un faux pas et c'est le grand plongeon dans la vallée. La pompe a adrénaline fonctionne à plein régime et j'avance pas à pas le plus prudemment possible. L'obstacle passé, il s'avère que le suivant est pire. Je le passe en me disant qu'il faut être totalement malade pour mettre un sentier ici. Le pic suivant me réserve le même sort. Je me dis que je ne peux pas continuer à compter sur ma chance. Ça va mal finir. Je commence à calculer comment rejoindre le fond de la vallée en faisant des zigzags. Mes premières tentatives me démontrent que c'est encore plus dangereux que de continuer. Je continue en ayant des suées froides. Je suis arrivé au bout des pics rocheux. Je prononce des "p**ain" en chapelet tellement j'ai eu peur de ne pas m'en sortir. Pour une mise en bouche c'était plutôt violent.


Mais la beauté du paysage me fait vite oublier cet épisode.


Je rejoins le chemin principal au bord d'un lac pour m'attaquer à la montée du col dans... Un méga pierrier. Quand le destin s'en mêle. Mais il ne pleut pas et le parcours a été travaillé par la main de l'homme.

J'arrive au col pour voir un paysage grandiose et pas une âme qui vive. Le nirvana.

Il ne me reste plus qu'à redescendre vers le refuge.
Je croise une équipe en train d'aménager le sentier qui a été endommagé par une avalanche.


Plus j'avance vers le refuge plus je croise de personnes. Retour à la civilisation. Mais c'est ce que recherche. Le parking du refuge est bondé et il y a bien un bus mais sans chauffeur. Direction la buvette ou l'accueil est plutôt froid. Nous sommes à quelques km de la frontière française mais personne ne parle la langue de Molière. Et j'ai comme la sensation que les Français ne sont pas les bienvenus.

Il y a quand même un serveur qui parle un peu anglais à qui j'explique mon problème de cable. Il me dit d'aller à la ville de Ceresole par le bus qui part à 15h et que j'achèterai mon billet directement dedans. Bien. Je paye mon coca 5 € - encore plus cher que dans les refuges en France - et il y ajoute 1 € pour recharger mon portable. Non vraiment on aime pas trop les français ici...

Il est midi j'ai donc 3 heures à attendre. Vu l'accueil au bar je n'ai pas envie d'aller au restaurant du refuge. Je me fais donc des ramens au bord du Lac. Je suis en train de nettoyer ma gamelle quand je vois du monde dans le bus. Il est 12h55 et je comprends que le bus part à 13h et non à 15h ! Je mets toutes mes affaires en vrac dans mon sac et court vers le chauffeur. Il part bien dans 3 minutes. Je cours au bar récupérer mon portable et saute dans le bus avant qu'il ne démarre. Le chauffeur refuse mon argent car la navette est gratuite. Conclusion le gars du bar m'a raconté n'importe quoi et j'ai eu de la chance de ne pas le louper.

Le bus est de taille normale et la route sinueuse à souhait avec des vélos, des motos et des campings cars qui montent. Je ne sais comment le chauffeur s'en sort mais c'est un virtuose. Le paysage est une succession de montagnes et de lacs mais la route fait que la zone est surpeuplée. S'il fallait le faire à pied, il y aurait sûrement moins de monde.

Je me fais lâcher devant l'épicerie du village de Ceresole. Il est 14h et elle est fermée. Elle est minuscule et les chances de trouver un câble sont très faibles. Direction le bar attenant pour vérifier. Le jeune black qui fait la plonge derrière le comptoir ne parle qu'Italien. Le patron qui pense parler anglais crois que je cherche simplement à recharger mon portable et m'envoie dans un autre établissement. "500 m à gauche" me dit-il. A 500 m rien d'autre qu'un campement de camping cars... Il y a un bar au dessus oú la patronne parle un français parfait. Elle me confirme ce que je pense déjà : aucune chance de trouver un câble dans ce village. Il faut que je tente ma chance à Cuorgné. Comment y aller ? Il doit y avoir un bus ..

Une chose que je m'aperçois sur ce voyage c'est que le système de bus en Italie est juste extraordinaire. Il y a des bus partout et ça ne coûte quasiment rien. Un billet coûte 4,50 € quelque soit le nombre de km. Autre chose qui me sauve la vie c'est Google maps. Il connaît tout les horaires de tous les bus et trains du monde. D'ailleurs il m'annonce un bus pour Cuorgné à 14h45 pile poil là où je me trouve. Effectivement je vois sur le bord de la route un signe jaune de bus brûlé par le soleil. Les horaires sont totalement effacées donc il ne me reste plus qu'à faire confiance à Google.

Le bus a 15 minutes de retard ce qui fait bien monter mon niveau de stress mais il arrive. C'est terrible pour moi de ne pas parler italien car le chauffeur ne comprends rien quand je lui demande s'il y un bus retour pour ce soir. Un passager qui a appris le français à l'école arrive à comprendre ma question : pas de bus retour avant 7h demain. Conclusion : je suis bon pour dormir à Cuorgné. 

Je ne sais pas combien de km représente le trajet mais il nous faut 1h30 pour arriver. On fait tous les petits villages et on passe dans des rues improbables. Il est même nécessaire de faire des marches arrière pour passer des virages serrés en U. Croiser une voiture est un enfer. Ne parlons des campings cars ou les conducteurs paniquent totalement tétanisés par l'idée de manœuvrer.

Le trajet est épique mais nous arrivons à Cuorgné. Je traverse la route et je tombe sur une boutique de téléphonie. La patronne a le même âge que le jeune client qui lui prend la tête sur la répartition de son iPhone. Ça crie beaucoup et ça parle avec les mains. Surtout ça n'en finit pas. J'arrive quand même à acheter mon câble. 5 € et l'affaire est bouclée. J'ai mis 5h de transport pour acheter un câble à 5 €. Et je suis bloqué dans une ville à attendre un bus pour revenir à mon point de départ.

Cuorgné n'est pas spécialement jolie et surtout elle n'est pas touristique. Booking m'annonce le 1er hôtel dispo à 26 km. Quand on est à pied c'est un drame. Google me dit qu'il y a en tout et pour tout un seul hôtel qui est à 500 m. Pourvu qu'il y ait de la place. Je m'y présente. Il est dans son jus. La réceptioniste hors d'âge ne parle rien d'autre que l'italien. Mais bon elle comprend qu'avec mon sac à dos, je ne suis pas venu faire un ping pong. 5 minutes plus tard j'ai une chambre double pour 50 € petit déjeuner compris avec clim et wifi. Que rêver de mieux !

Une douche et je pars pour le ravito. Je ne trouve rien dans les 3 supérettes de la ville qui ressemblent toutes à des minis Lidl. La ville est pauvre et ça se voit.

Je décide de manger une pizza pour couronner la journée. Au restaurant, j'ai droit au plus mauvais accueil depuis le début du voyage. Alors qu'il fait une chaleur à crever, le patron dit que la terrasse est entièrement réservée alors que seules 2 tables sont occupées et que la serveuse allait me placer. Si je veux manger c'est à l'intérieur ou il règne une chaleur épouvantable avec le four à pizza. Je n'ai pas envie de me prendre la tête et j'accepte. Il me place alors à la plus mauvaise table entre les 2 portes des WC alors que la salle est vide. Je ferme ma gueule. Je baigne dans mon jus en lisant le menu. Une famille avec un tout jeune bébé ne veut pas manger en terrasse - tiens je croyais que tout était réservé - et préfère manger dedans. Du coup le patron allume la clim pour rafraîchir la salle. Il a bien de la chance que je parle pas la langue parce qu'il s'est vraiment foutu de moi. Je bouffe ma pizza le plus rapidement possible et je me casse avant d'exploser. Une journée bien remplie s'il en est. Demain on repars dans les montagnes si je ne rate pas le bus. C'est Samedi et c'est le seul de la journée...


jeudi 27 juillet 2023

27 juillet - Aoste > Orvieille

Anne est déjà réveillée avant que le réveil sonne. Pour ma part, j'ai peu dormi à cause du bruit. Il va falloir néanmoins être alerte car mon bus part dans 3/4 d'heure. Le temps de prendre une douche et d'avaler un café au lance pierre, nous voici en train de traverser Aoste endormie.

A peine arrivé à la station que mon bus arrive. Les adieux seront de courte durée. Anne part théoriquement à 8h. Je dis théoriquement car en réalité son bus aura 1h30 de retard ce qui mettra à mal ses correspondances de train. 

Pour ma part, le bus pour Arvier est plein à craquer. Le chauffeur n'est pas particulièrement sympathique mais ça n'a pas vraiment d'importance. Je descends à mon arrêt, récupére mon sac à dos dans la soute et me voici parti pour une section solo de mon voyage. 

C'est toujours traumatisant de passer de accompagné à solo - ou inversement - car le rythme est totalement différent. C'est un autre voyage. En solo, on s'arrête quand on veut, on marche à sa vitesse, on prend les décisions seul. A deux on peut discuter, partager une bière et un bon repas mais on marche sur un autre rythme. Il y en a toujours un qui va plus vite - ou plus doucement - que l'autre. On est pas fatigué au même moment. On a pas forcément envie des mêmes choses. Bref comme dans la vie on fait des compromis qu'on ne fait pas quand on est seul.

En attendant, la ville d'Arviers est charmante.


D'ailleurs toutes les villes et villages que je croise sont superbes. Par contre le trajet que j'ai prévu aujourd'hui est une étape de liaison. Mon objectif est d'éviter le Mont Blanc et surtout son fameux tour du même nom qui attire une foule telle que randonner devient un vrai calvaire.


J'ai donc défini un tracé que personne ne prend. Ça peut paraitre paradoxal d'être à 3 heures de marche du Mont Blanc et de tout faire pour l'éviter. Mais l'expérience de l'année dernière a vraiment été traumatisante et pour rien au monde je ne voudrais la revivre. Hike your own hike.

Le problème c'est que tous les sentiers convergent vers le Mont Blanc. L'éviter revient donc à marcher sur la route. J'ai bien cherché et j'ai trouvé une route qui se termine au fond d'une vallée. C'est donc une impasse et le trajet devrait être supportable sans voiture.

Malheureusement on reste près du Mont Blanc et le flot de touristes est ininterrompu : des voitures, campings cars et même des camions de livraison. C'est juste l'enfer.

Pour compléter le tout, la route est constituée d'une succession de tunnels. Pas moyen de les éviter. Heureusement il y a une petite bordure sur laquelle sont fixés des panneaux réfléchissants. Cela me permet de marcher d'un panneau à l'autre en espérant ne pas être écrasé. Mais clairement ce n'est pas sécuritaire et disons le totalement stupide. Au moins l'adrénaline générée à chaque passage permet de pimenter le parcours monotone sur le goudron. 

Passé le dernier tunnel, j'ai enfin un sentier qui longe la rivière. La montée est plus douce et nettement plus agréable à l'ombre des arbres.


Un panneau m'explique pourquoi il y a autant de monde. Je pénètre dans le parc national du Grande Paradisio. J'arrive à Degioz qui est théoriquement l'étape du jour. 


Mais il est seulement 14h et j'ai de quoi manger pour les 4 jours ou je vais traverser les montagnes jusqu'à la ville de Susa. J'attaque donc l'étape de demain avec pour objectif d'aller à Orvieille où la carte indique qu'il y a de l'eau.

Après avoir longé la rivière Savara depuis 12 km, il s'agit maintenant de grimper 800 m en 4km. 
Pour commencer, il faut traverser le village typique de Creton qui ne peut se faire qu'à pied. Je quitte alors la route pour grimper à l'ombre des arbres. Moi qui n'aime pas le tunnel vert, j'avoue que je ne rechigne pas à cette fraicheur bienvenue.


Mon sentier rejoint un chemin plus large du fait de la fréquentation importante qu'il semble subir.
La vue se dégage et je peux voir un immense glacier depuis le site de Orvieille qui s'avère être un centre de rangers. 

Je discute avec un gars qui parle un français impeccable et qui m'explique qu'il est interdit de camper dans le parc national. Il faut dormir dans les campings de la vallée d'où je viens. Ça c'est une méchante tuile. Mais nous sommes en Italie. Le gars m'explique que pas vu pas pris. Il faut juste que je trouve un endroit où personne ne me voit. Que je monte ma tente le plus tard possible et que je parte le plus tôt possible.

Je n'aime pas vraiment truander mais je ne vais pas me coltiner un aller retour d'où je viens. Donc le jeu de cache cache me va bien et me voilà parti pour trouver un lieu discret. Néanmoins nous sommes en haute montagne et il n'y a plus un arbre. La vue est dégagée à des km à la ronde. Je voudrais aussi de l'eau pour me laver et faire la popote... Ça devient très compliqué de concilier tout cela. Je laisse tomber l'eau et je décide de monter le plus haut possible jusqu'à ce que tous les sentiers disparaissent. 

Je finis par trouver un cirque qui me cachera de tout le monde. J'attaque mon blog au soleil car il est juste 17h. Mon téléphone a besoin d'être recharger et j'ai ma batterie externe. Je la trouve bien dans son sac dédié mais pas le câble qui va avec. Soudainement je me souviens que Anne est partie avec en échange du chargeur rapide. Je n'ai plus aucun moyen de connecter mon portable à ma batterie. Plus de portable veut dire plus de GPS et plus aucune trace à suivre. Je n'ai pas de version papier du voyage. Bref méga coup de stress. Il me reste 50% de batterie pour faire le trajet demain. Mais après plus rien. Je ne peux plus faire ma traversée de 4 jours. Je dois trouver un câble. Je suis au coeur d'un parc national et il n'y a que des petits villages autour où je n'ai aucune chance de pouvoir trouver ce dont j'ai besoin. Sur la carte je vois qu'il y a un refuge avec un arrêt de bus. C'est mon seul espoir. Décidément ce voyage est plein d'imprévu. Je me couche un peu stressé malgré le cadre idyllique.
En plus sans eau, je n'ai pu manger qu'un bout de saucisson et je me couche tout collant de transpiration ce que je déteste.


mardi 25 juillet 2023

26 juillet - Lac fenêtre> Aoste

Je dors comme une masse quand mon instinct me réveille. Je vois dans la pénombre que la tente a une forme anormale et le toit semble s'écrouler sur nous. En fait, la tente est en train de plier sous une neige lourde et collante. Car oui dans la nuit la pluie s'est transformée en neige. Je tape sur les parois pour chasser la neige et me dis qu'il faudra que je me réveille régulièrement pour renouveler l'opération pour éviter l'effondrement de notre abri. Je pense aussi que la neige va recouvrir le sentier et les marques et que demain va être très compliqué. Autrement dit ma nuit est à nouveau gâchée.

Il ne reste plus qu'à attendre que le soleil se lève pour faire fondre cette incongruité fin juillet. En montagne tout peu arriver et c'est pourquoi je traine autant de matériel. Je dois pouvoir faire face aussi bien à un froid extrême qu'une chaleur torride. Mais j'avoue que je ne m'attendais pas à de la neige même si nous campons à plus de 2500 m.

Malheureusement ce matin il y a une brume à couper au couteau et la neige n'est pas prête de fondre. Inutile de faire la grasse matinée. Il faut enfiler ces affaires mouillées de la veille et affronter la fatalité.




La neige n'est pas très dense mais la brume tellement épaisse qu'il est difficile de trouver les marques.


Heureusement le col de Fenêtre de Ferret à  2698 m n'est pas très escarpé et le passage est facile si ce n'était le peu de visibilité. Une fois passé nous voici en Italie.


En baissant d'altitude, nous retrouvons rapidement l'herbe verte et  la civilisation. Nous nous arrêtons sous la tente d'un vendeur de fromage pour nous équiper alors que la pluie reprend.


Le sentier coupe une route en lacets qui mène au col du Grand Saint Bernard. Il y a une circulation folle constituée surtout de motos. Après ce que nous venons de vivre le contraste est frappant.

C'est donc dans le bruit de la circulation que nous dévalons 1000 m qui nous amène à Saint Léonard. Anne veut rentrer demain car cela fait une semaine qu'elle crapahute. Nous prenons donc le bus pour Aoste où elle trouvera un transport pour Genève puis pour Marseille. Pour ma part, je prendrai un bus pour Arvier ou je reprendrai le trail en solitaire.

Le centre historique ou j'ai trouvé une chambre d'hôtes est très beau. Mais entre les billets à réserver, le ravito et le linge à laver la soirée est plutôt chargée et m'empêche un peu de profiter de la dolce Vita.



lundi 24 juillet 2023

25 juillet - Orsières > Lac de Fenêtre

Le stress a eu raison de ma nuit. Mes ampoules ma lancent tellement qu'elles m'empêchent de dormir. J'essaye de trouver comment gérer le problème. C'est seulement à 2 heures du matin que je me rappelle comment mon père traitait ses ampoules. Après avoir cautérisé une aiguille avec son briquet, il passait un fil dans l'ampoule pour faire un drain. L'ampoule se vidait et séchait. L'affaire était réglé. Anne a toujours trouvé cette pratique un brin barbare et peu hygiénique. Je l'ai abandonné jusqu'à l'oublier complètement alors qu'elle fonctionne à merveille. Me voila donc en train d'enlever tous les passements pour passer un fil. Heureusement que Anne dort à poings fermés pour éviter toute discussion sur la pertinence de cette pratique. Le seul problème est que le réveil est dans 4 heures et que je doute que ça soit suffisant pour sécher l'ampoule.

Les orages et le tonnerre se succèdent toute la nuit, ce qui n'aide pas à trouver le sommeil. Lorsque le réveil sonne j'ai peu dormi et mes ampoules ne sont pas sèches. 
Néanmoins le trail n'attend pas et nous prenons la route. La journée est toute en montée avec 1700 m de dénivelé positif. Encore une étape incompatible avec mon état physique.
La première étape est la cabane de la Tsissette à plus de 2000 m. La montée est facile mais chaque pas continue de me faire souffrir. Nous croisons des chalets et des villages bien typiques. On se croirait presque en vacances ;-)


Nous arrivons à la cabane vers midi et décidons d'y manger. Des travailleurs de l'EDF local sont en train de manger une fondue. Assez étonnant pour un mois de juillet mais le menu est fait pour les gens qui se dépensent. Rien de léger au programme. J'opte pour une croûte au fromage qui se rappellera à mon bon souvenir tout le reste de l'après midi.


Nous reprenons le chemin sachant qu'il serait préférable d'arriver avant 18h puisque la pluie est annoncée à partir de cette heure. Il nous reste 700 m de D+ et 8 km. En partant à 14h, c'est tout à fait jouable d'arriver dans les temps. C'est sans compter mon état qui ne me permet pas d'avoir un autre rythme que celui de l'escargot. Les nuages envahissent la vallée et nous ne voyons plus grand chose des montagnes qui nous entourent. Nous avons deux cols a passer avant d'arriver au lac de Fenêtre.


Le premier col de Neve de la Rousse est à 2752 m. Il nous apparaît au dernier moment dans une trouée de nuages. L'approche est bien raide et je la ressens bien dans les talons. Derrière on plonge dans la brume et les premières gouttes d'eau se font sentir.


La température chute vertigineusement et les grelons commencent leur sarabande. S'en suit une bonne grosse pluie des familles. Le chemin bucolique jusqu'au premier col  fait place à un sentier de haute montagne avec au programme traversée de névé et surtout de pierrier pour attendre le 2eme col.


Je déteste les pierriers mais sous une pluie battante, cela devient très dangereux. La mousse jaune qui recouvre les rochers devient extrêmement glissante une fois humidifiée. Et ce qui devait se produire se produit. En sautant d'un rocher à l'autre mon pied glisse et je suis projeté sur un énorme rocher. Heureusement je peux m'y agripper avant de retomber dans le pierrier. Plus de peur que de mal. Je garderai juste un hématome au tibia en souvenir. A partir de cet incident, je suis obligé de trouver des prises extrêmement stables pour éviter de glisser à nouveau. Anne n'est pas plus à l'aise avec sa cape de pluie qui l'entrave pour passer d'un rocher à l'autre. Le passage du col de l'Arpalle à 2654 m est vraiment une galère.
La pluie ne faiblit pas et nous ne sommes toujours pas au lac...

A environ 500 m de l'arrivée, une accalmie nous incite à monter la tente à toute vitesse.
Nous avons à peine le temps que la pluie reprend. Elle ne s'arrêtera plus. Nous sommes trempés de la tête au pied et la température est particulièrement basse. Nous passons des vêtements secs, enfonçons nos pieds dans nos duvet et nous mangeons dans notre abri de fortune. Une fois notre lyophilisé avalé, nous nous rentrons dans nos duvets pour ne pas se geler. Il est 20h et nous sommes prêts pour la nuit. Heureusement que nous sommes bien équipés et nous n'aurons pas froid.

dimanche 23 juillet 2023

23 juillet - Martigny > Orsières

Il faisait très chaud dans la chambre d'hôtel à Martigny. Seules les fenêtres ouvertes ont amené un peu de fraicheur. Et avec elle, les beugleries nocturnes des ivrognes qui squattent à côté de la gare. Bref une nuit agitée et pas une grosse récupération.

Ce matin nous reprenons le train pour aller à Bovernier. Ceci nous évitera de marcher pendant 2 heures dans la zone industrielle de Martigny qui présente peu d'intérêt.

Le train est rempli d'alpinistes avec casque, piolet et corde accroché à leur sac étroit utilisé pour l'alpinisme. Les pratiquants sont de tout âge mais ils sont tous affûtés et secs comme des triques. Les kilos en trop ne sont pas de mise avec ce sport. De toute façon la dépense énergétique prend bien soin de la ligne.

Je ne sais pas où vont ces dizaines d'alpinistes mais pas à Bovernier ou nous sommes les seuls à descendre. C'est d'ailleurs un arrêt "sur demande" comme pour le bus. Nous nous retrouvons dans une gare bétonnée où le tunnel pour passer sous la voie est d'une propreté étonnante pour un français. Pas un tag sur les murs et aucune odeur d'urine !


Nous devons suivre une nationale pour attaquer le sentier. Le chemin que j'ai choisi s'éloigne de la route pour passer par un sommet à 1850 m. Si la partie plate a été faite en train, il nous allons grimper 1000 m puis les redescendre sur 12 km. Le chemin "usuel" longe la nationale ce qui ne me convient pas. Je ne marche pas pour avoir le bruit insupportable des voitures dans les oreilles toute la journée.

Le problème est que j'ai attrapé deux ampoules géantes au talon. Je ne suis pas sujet à ce type de problème. Je peux bien sûr attraper de petites ampoules sans conséquence les premiers jours mais jamais les monstres que j'ai aujourd'hui et surtout au talon. Il faut dire que je choisis mes chaussures de running avec grand soin et que je cours quelques semaines avec pour éviter toute mauvaise surprise une fois en chemin. De plus je suis fidèle aux marques avec lesquelles ça se passe bien. En autre avec Saucony sur laquelle j'ai essayé avec succès pas mal de modèles y compris les Perrigrine que j'ai pris pour ce trek. J'avais apprécié la version 11 et je porte la version 13 qui viennent de sortir depuis quelques semaines. Et bien cette version m'a défoncée les 2 talons sans discernement au bout de 5 jours. Les compeed que je traine depuis des années sont tellement vieilles qu'elles ont perdu toute efficacité. Autant dire que ça fait un moment que je n'avais pas eu d'ampoules !

Pour couronner le tout, toutes les pharmacies sont fermées le dimanche. Bref j'attaque la montée en serrant les dents. C'est douloureux mais supportable sur les 2 premiers km. Nous traversons un chemin carrossable et soudain le sentier prend une dimension dantesque. La pente passe à 30% et il faut trouver une prise à chaque pas, une racine ou une roche pour se hisser. C'est physiquement très éprouvant mais dans mon cas cela reporte tout mon poid et celui de mon sac sur mes talons. Autant dire que la douleur irradie mon talon à chaque pas. 

Je pense qu'une telle pente n'est qu'un mauvais passage et ne peut pas durer mais il s'avère que la pente ne s'adoucit plus jusqu'au sommet. De mémoire je n'ai jamais rencontré un sentier aussi difficile sur une telle longueur. Il arrive que l'approche d'un col ou d'un sommet présente de grosses pentes mais jamais sur 4 km. Malheureusement cette particularité arrive à un bien mauvais moment avec mes ampoules. Chaque pas est un effort surhumain qui m'épuise. J'en arrive à jeter mes bâtons et mon sac à dos de rage alors que nous n'avons réalisé que la moitié de la montée. Il faut dire que le train que nous avons quitté ce matin allait à Orsières notre destination du jour. J'ai vraiment l'impression de m'infliger inutilement un calvaire que j'aurais pu facilement eviter. En plus nous sommes en dessous de 2000 m donc dans les arbres avec de très rares visibilités sur le paysage.


Pour couronner le tout, il n'y a bizarrement pas une goutte d'eau sur le parcours. Le repas se réduit au minimum pour limiter la consommation d'eau. Pas de café réparateur ! Il faut rationner la consommation en marchant malgré la chaleur et l'effort de la montée.

Je crois que ne souhaite pas une telle journée à mon pire ennemi.
Nous arrivons néanmoins au sommet ou se trouvent des vaches à frange. Trouver du bétail est une bonne nouvelle car ceci signifie de l'eau pas très loin.



Et effectivement une source remplie les abreuvoirs. Je commets l'erreur de ne pas filtrer cette eau ce qui aura des conséquences sur nos organismes à la descente. 


Descente tout aussi pentue que la montée du moins sur la première moitié. Ce qui cumulé avec la montée et les efforts que j'ai fournis pour surmonter la douleur, me laisse dans un état pitoyable. D'ailleurs la traileuse qui arrive dans mon dos se plaint de la difficulté du parcours alors que je viens de retirer mes chaussures et mes chaussettes pour soulager mes pieds. Elle qui a déjà fait des trails de 250 km ne comprends pas qu'on puisse organiser des courses sur de tels parcours. Déjà à marcher c'est toute une épreuve alors à courir...


Anne ne veut pas se refroidir et part devant alors que je discute avec la traileuse. Elles vont bientôt se recroiser et Anne va la suivre ce qui va l'envoyer sur le mauvais chemin à une intersection. Lorsque j'arrive sur l'intersection en question, je vois tout de suite le problème. Notre parcours remonte légèrement avant de redescendre alors que le chemin qu'elles ont emprunté descend directement dans la vallée.
Heureusement que nous avons nos portables ! Quelques appels et plusieurs indications plus loin nous arrivons à nous retrouver et à reprendre notre chemin vers Orsières.

Il reste 2 km mais les difficultés sont derrière nous. Nous traversons le beau village de Chez Les Reuses.



 20 minutes plus tard nous voici devant une chope de bière pour nous remettre de cette journée éprouvante. 


Pour moi pas question de repartir sans passer par la case pharmacie. La pluie étant prévue pour demain, ça sera donc une journée de repos et de soins. Je pense même acheter de nouvelles chaussures car j'ai encore 35 jours de marche devant moi.

Anne a passé l'épreuve comme un vaillant petit soldat et bien mieux que moi. Je suis vraiment impressionné par sa capacité d'adaptation dans des circonstances aussi difficiles. J'ai bien de la chance :-)

samedi 22 juillet 2023

22 juillet - Refuge de Bonadeau > Martigny

La nuit a fait son effet malgré l'humidité ambiante. J'avais vraiment besoin de récupérer avec la nuit courte de la veille. Anne a choisi de dormir dans le dortoir et j'ai profité de la tente devant le refuge pour moi tout seul.



Ce matin je suis parfaitement reposé. C'est aussi le 4eme jour et je profite maintenant de mes "trail legs". Je vais en avoir besoin. Il va être nécessaire de s'avaler plus de 1000 m pour passer par le cabane de Susanfe et col du même nom qui culmine à 2500 m. 

Nous sommes clairement sur de la haute montagne et le tracé est même équipé de chaînes sur les passages techniques qui se succèdent.
Le paysage est sublime et le sentier passent sous 3 glaciers aux reflets bleutés.

Malheureusement les nuages ont décidé de garder le sanctuaire et ne nous donnent droit qu'à des coups d'oeil sporadiques. 


Nous sommes Samedi et il y a beaucoup de monde qui fait les sommets environnants. D'ailleurs nous croisons et recroisons les personnes qui ont dormi au refuge. Nous avons bien fait de ne pas pousser la veille car le sentier est non seulement de compétition mais il n'y a pas d'endroit où planter une tente à la cabane de Susanfe. 



Néanmoins les 1000m de montée mettent à mal notre planning. 


La descente sur le lac bien que magique est tout aussi engagente que la montée.


Il est 14h lorsque nous arrivons à l'auberge au bout du lac pour prendre un verre.


 Nous n'avons fait que 11 km sur les 30 de prévu. Il faut se rendre à l'évidence nous ne pourrons pas être à Martigny sans recourir à un moyen de transport. Un local installé à la table d'à côté nous indique alors qu'il y a une navette à 1h30 de marche. Voilà notre porte de sortie avec un bus qui nous mènera jusqu'à la gare de Salvan puis un train jusqu'à Martiny.

Martiny est une ville sans âme ou tous les commerces ferment à 17h et plus spécifiquement tout le Dimanche. Et bien sûr nous arrivons le Samedi à 19h. Autant dire une le ravito est impossible. Nous ferons avec les moyens du bord. La vie en Suisse pour un français est hors de prix. 200 € pour un refuge en demi pension.Meme tarif pour un hôtel moyen dans Martiny. Ceci explique pourquoi les touristes sont principalement Suisses. J'espérais d'ailleurs beaucoup moins de monde mais les locaux sont très actifs en montagne le weekend. Ça ira mieux Lundi...

25 août - Sospel > Menton

Il est 6h, l'heure des braves et de l'apparition du soleil. Je suis tellement proche d'eux que je réveille les squatteurs du jar...