vendredi 25 août 2023

25 août - Sospel > Menton

Il est 6h, l'heure des braves et de l'apparition du soleil. Je suis tellement proche d'eux que je réveille les squatteurs du jardin public qui ont eu la bonne idée de se coller à moi.
Ils ont aussi envahi ma table d'hier donc je leur abandonne pour aller en chercher une autre.


En réalité, le groupe est composé de plus d'une dizaine de randonneurs. Ils ont visiblement la vingtaine et ne semblent pas pressés de prendre la route.


Ce n'est pas mon cas. Je connais le déroulement de la journée et cette section ne m'a pas laissé un bon souvenir l'année dernière. Il faut dire que Anne souffrait le martyre avec ses chevilles gonflées qui a classé ce trajet en zone rouge.

Je suis mentalement préparé comme un boxeur qui rencontre à nouveau un adversaire qui l'a déjà mis ko. Je connais bien ses coups bas et ça va pas se passer comme ça.
La canicule continue de taper ce que je prends en compte. Je pars avec 4 litres d'eau et aux petits heures du matin pour profiter de la fraîcheur relative. A 7h30, je suis en piste près à en découdre.

Le fait de connaître le parcours change complètement la donne. Je sais où se trouve les endroits difficiles et combien ils durent. Mentalement aucune surprise. Le plus étonnant est mon souvenir. Je me rappelle exactement quels podcasts j'écoutais à quel moment du sentier. Je suis vraiment étonné que cette information remonte dans m mémoire (surtout qu'elle est inutile).

Plus étonnant encore, je rencontre la même personne que l'année dernière au même endroit. Un viel homme avec sa casquette, ses lunettes de soleil et sa barbe blanche appuyé sur sa canne. Quand je lui fais part de mon étonnement, il me répond flegmatique : ça ne me surprend pas, j'habite ici. Oui mais quand même...

Je sais qu'il n'y a pas d'eau sur le parcours, ce que me confirme le goutte à goutte qui s'échappe du robinet de l'abreuvoir qui se trouve en début de section (donc sans intérêt de toute façon).


Un marcheur arrive derrière moi. Bien sûr il a fait le GR5. Nous échangeons quelques paroles. Je lui donne des infos sur ce qui l'attend. Il me remercie et part sur un rythme d'enfer. Je le reverrai plusieurs fois dans la journée. Mais c'est le seul marcheur que je verrai.


Je suis tellement préparé mentalement que tout se passe à merveille. Je passe le col du Razet puis le colla Bassa dans la foulée. Dans la descente, je retombe sur le petit jardin où nous avions fait une pause l'année dernière avec Anne. La seule différence est le nombre de panneaux qui indique qu'il n'y a pas d'eau jusqu'à Menton. Il y a aussi un gros récipient style pot à lait en aluminium rempli d'eau. Nous sommes à mi parcours et c'est vraiment altruiste d'avoir mis à disposition de l'eau. Je décide de refaire le plein même si depuis le début je fais extrêmement attention à ma consommation. Quand j'ouvre mon sac, je m'aperçois qu'en réalité j'ai déjà consommé 1,5 litres alors que cela fait uniquement 3h que je suis en piste. Rien à faire, la chaleur excessive me fait consommer de l'eau. C'est vrai que j'ai la bouche et la gorge sèches en permanence. Même à petites gorgées, l'eau disparaît à vitesse grand V.


A 11h, je suis face à la dernière grosse montée du jour. Mis à part pour faire le plein, je ne me suis pas arrêté. Je décide de pousser afin de n'avoir plus que la descente à me préoccuper. Le ventre vide et sous la chaleur, ce dernier effort n'est pas aisé. Mais là encore ma détermination est sans faille. Le pire est à venir avec la descente.

J'arrive au col du Berceau. Il est à 1050 m et comme on descend au niveau de la mer à Menton, il est facile de comprendre à quoi mon après midi va ressembler...

Quelle différence p/r à l'année dernière ! Alors qu'il s'agissait d'une agréable petite prairie verte, c'est aujourd'hui une herbe totalement jaunie et craquante sous mes pas. Elle n'en reste pas moins le meilleur endroit pour manger car le reste du trajet est une pente escarpée où s'arrêter n'est pas une option.


Je déjeune rapidement pour reprendre la route le plus vite possible. Mon idée est d'arriver suffisamment tôt à Menton pour laver mes affaires. Je dois rentrer en train demain et j'aimerai autant qu'on ne m'expulse du wagon parce que j'incommode les voyageurs par mon odeur.

Il est 12h30 quand j'attaque la descente. J'ai le souvenir qu'elle est extrêmement pentue et très casse gueule car beaucoup de personnes passent déchaussant les pierres. Elle est aussi très longue et moralement difficile car on garde en vision la ville de Menton pendant des heures. On pense être arrivé mais en réalité on est loin de l'objectif.

Tout cela, je peux le maîtriser. J'ai resserré mes lacets pour que mes pieds ne bougent pas dans chaussures. J'ai vérifié que mes crampons ne se font pas la malle. Je ne regarde pas la distance p/r à Menton. La seule chose que je ne maîtrise pas c'est la chaleur. A midi sur un versant exposé en pleine canicule, c'est "Higway to hell" ! Je transpire autant que si je montais le pire des cols. Je ne peux pas utiliser mon parapluie dans cette pente. J'ai besoin de mes 2 bâtons pour me stabiliser. En gros, je ne peux que cuire sur place. L'eau devient rapidement bouillante. Je la bois malgré le peu de plaisir qu'elle procure. J'en ai vraiment besoin.

Mais mon moral est d'acier et fait face à toutes les adversités. Il est 15h30 quand j'arrive au bord de la mer à Menton. Objectif rempli et fin du voyage.


Un kébab est en train de fermer ses portes mais je lui achète un coca tiède. Visiblement son frigo ne tient pas la distance avec la chaleur. Je gobe le liquide en un rien de temps. Je suis couvert de transpiration. Direction l'hôtel pour reprendre figure humaine.

En chemin, je croise un supermarché. Je m'y arrête pour acheter du jus de fruits et une bouteille d'eau. Je m'assois dans un square et les 2 bouteilles y passent en quelques minutes. J'ai ingurgité 2 l sans même y réfléchir. 

J'arrive à l'hôtel où la patronne me regarde dubitativement. Je m'excuse de mon état, surtout que depuis hier je sais que j'ai l'air d'un clodo tendance pervers dangereux. Elle me rassure en me disant qu'elle a l'habitude et qu'elle peut le prêter une serviette si je veux me baigner dans la mer. Voilà qui est sympathique !

Je me douche, change de vêtements et m'occupe de trouver un laundromat. Demain j'aurai figure humaine pour rentrer à la maison.

mercredi 23 août 2023

24 août - Breil sur Roya > Sospel

J'ai eu bien du mal à m'endormir. L'endroit était loin d'être Feng Schui. Il faisait aussi un chaleur atroce car le sol est composé de sable et de roches grises compactés qui a irradié tard dans la nuit. J'espérais que la Roya allait amener un peu de fraicheur mais il n'en a rien été jusqu'à une heure avancée.

Ce matin je suis KO debout alors qu'une nouvelle journée de canicule s'annonce. Je passe par hasard vers la boulangerie au cas où elle serait ouverte. Et elle l'est. Sur la mini terrasse, je mange mon croissant avec un ex marin qui a des origines paysannes. Nous avons des points communs. Mais il est temps de reprendre la route !

Le programme est simple : la grosse montée du jour à 700 m, puis une succession de cols sans trop de dénivelés puis une grosse descente sur Sospel. Tout cela serait parfaitement raisonnable sans la canicule.

Et je la ressens immédiatement. Parce que le principe est toujours le même lorsqu'on quitte une ville dans la vallée. Il faut monter par une route goudronnée qui devient une route en terre carrossable puis un sentier qui mène à un col.

Quand la route goudronnée en question est en plein soleil, on est tout de suite dans le vif du sujet. Il est 8h et je transpire comme si nous étions à midi. Même punition qu'hier. Mais la pente est bien moins raide et je prends mon temps.

Au col de Brouis, la route que j'emprunte est en travaux. On place des canalisations d'eau. Les ouvriers sont contents d'échanger quelques mots sur la température anormale. Je les plains mais je ne suis pas en reste question pénibilité.

Mon inquiétude reste l'eau car à être en plein soleil, je ne peux m'empêcher de consommer. Et d'ailleurs je ne dois pas le faire. La carte avec ses rivières ne sont pas fiables. Lesquelles ne sont pas à sec ? Donc j'avance en me disant que je sauterai sur toutes les opportunités.

Une première se présente avec un point d'eau au col de Paula. Mais on a retiré le robinet de la vanne. Il ne reste que de l'eau verte croupissante dans l'abreuvoir en dessous. Bravo à celui qui a neutralisé ce point d'eau. C'est à la limite criminel.

Je remplis ma gourde avec filtre pour un cas d'urgence et poursuis ma route. Il y a une rivière indiquée sur la carte à 2 km mais je ne n'y crois pas trop.

Quand j'arrive, la rivière est à sec mais dans son canyon il y a de l'eau d'une source qui coule dans un virage. Je descends dans le canyon pour profiter de ce cadeau des Dieux. Il y fait une fraîcheur bienfaitrice et l'eau est d'une grande pureté.



Il n'est que 11h mais je ne laisse pas passer ma chance. Je déjeune et profite à la fois de la manne de l'eau et de la fraîcheur du canyon. J'accumule les 2 pour la suite du programme. Car une fois descendu au niveau de la rivière, il faut remonter.

Il est 12h quand j'attaque la montée sur le versant au soleil. Il fait vraiment trop chaud. Je sors mon parapluie pour limiter l'impact du soleil. Et ça marche. Je l'avais utilisé avec succès dans le désert mais j'avoue que sur le GTA c'était plus la pluie que je cherchais à contrer.


Une chose me choque c'est le nombre de tuyaux noirs qui trainent partout le long des sentiers. Ils servent à capter l'eau des sources et à l'amener vers des maisons parfois à plusieurs km. Il y a des rivières totalement à sec à cause du nombre de captations faites. Je trouve ça réellement scandaleux. Qui a donné à ces gens le droit le prendre toute l'eau d'un vallon pour l'amener chez eux. Je ne parle pas du randonneur qui se retrouve à sec sur des km à cause de cette pratique. Non ce qui me choque c'est que plus rien ne reste pour les animaux et les plantes. Déjà sur le réchauffement climatique est une cause humaine, il faut que des gens sans scrupule détournement le peu d'eau qui reste pour leur petit confort personnel. Ils ont acheté où hérité d'une maison sans eau courante et bien ils doivent s'y tenir. On impacte pas des zones entières pour pouvoir prendre une douche. Je ne comprends pas que cette pratique ne soit pas encadrée. Sans parler qu'esthétiquement, c'est franchement moche. Et que je ne vois pas qui viendra récupérer ce plastique quand il ne sera plus utilisé !


Deuxième coup de gueule puisque j'y suis : je voudrais comprendre ce qui se passe dans la tête des débiles qui s'amusent à recouvrir les traces blanches et rouge des GR par de la peinture grise. Quel est l'objectif ? Que les randonneurs se perdent ? Qu'ils arrêtent de passer sur le sentier ? Ils ont acheté la colline et la montagne ? Ils veulent la privatiser ?

Après le dernier col de Pertus, c'est la grande descente vers Sospel qui commence. La chaleur semble augmenter malgré les heures qui passent. J'ai quand même la chance inattendue de croiser une nouvelle rivière. Je me trempe la tête avec délectation. J'en profite pour refaire les stocks et remplacer l'eau chaude que je transporte par de l'eau plus fraîche. Je suis prêt pour le grand final. Une descente vers Sospel avec route carrossable puis goudronnée. L'inverse de ce matin mais la punition est la même.


J'arrive à Sospel par l'Est de la ville. L'année dernière c'était par le Nord. Mais le résultat est le même et je finis sur le pont qui emjambe la rivière Bévéra. Je reconnais les lieux. Un groupe de jeunes marcheurs arrivent. Vu la taille de leur sac à dos, il est évident qu'ils ont fait le GR5. Ils me passent devant sans même me parler ou me saluer. Qu'ils se débrouillent. Nous nous retrouvons au SPAR est le résultat est le même. Pas un salut, pas un mot... Pas grave.


Mon plan est de faire la même chose que l'année dernière : aller squatter l'ancien camping municipal transformé en parking pour camping car. Visiblement le maire a donné la concession à une société privée. Malheureusement les choses ont bien changé depuis l'année dernière et tout a été mis en œuvre pour chasser les marcheurs. Les robinets des lavoirs ont été retirés. Les zones des camping cars ont été délimitées de manière à ne laisser aucune place libre pour mettre une tente. La toilette douche existe toujours mais la douche a été neutralisée. Je trouve que tout cela n'a pas beaucoup de panache. La cohabitation se passait plutôt bien et je ne vois pas ce que 2 tentes changeaient au revenu de l'emplacement.
En tout cas, rien que pour le principe je ne vais pas chercher une solution alternative. Je repère une zone entre l'ancien camping et le jardin public attenant où je ne dérange personne et où je ne suis pas visible. Reste la douche.
Il y a un lavabo avec un robinet qui fonctionne et l'évacuation de la douche fonctionne. J'ai tout ce qu'il me faut. Il est 16h et ça ne sera pas pénalisant pour les usagers si je squatte un moment l'endroit.

Tout se passe à merveille. J'en suis à laver ma chemise quand quelqu'un essaye d'ouvrir la porte. Priorité aux usagers de l'ancien camping. Je mets mes affaires en vrac dans mon sac et sors mes chaussures à la main. Il y a face à moi 4 gamins dont 2 ados. Je vois tout de suite que quelque chose ne va pas alors que je suis en train de mettre mes chaussettes et mes chaussures au milieu de mes affaires etalées autour de moi sur le trottoir. La fille ado a l'air effrayé. Il me faut un moment pour comprendre qu'elle me prend pour un pervers ou du moins quelqu'un de bien louche. Un excès de Netflix sans doute. Je ne vais donc pas lui imposer ma présence alors qu'elle veut utiliser les toilettes. Je ramasse mon bazar et je m'en vais. Ce que je n'ai pas prévu c'est que le garçon ado lui me suit avec son téléphone à la main. Il m'a sûrement pris en photo. Quand je me retourne, il me regarde en manipulant son téléphone. La je commence sérieusement à m'inquiéter entre un appel à son père, la police ou je ne sais qui.

Pour éviter toute complication, je ramasse mon sac à dos met toutes mes affaires dedans et pars m'installer à une table dans le jardin public. Un trentenaire qui a vu toute la scène s'approche de moi pour me demander ce qui se passe. Il est clairement alcoolisé et je ne comprends pas la moitié de ses phrases. La cerise sur le gâteau !

Je discute un peu avec lui histoire de ne pas mettre d'huile sur le feu. Du coup il ne le lâche plus. C'est vrai qu'un poivrot et un clochard ensemble vont être du meilleur effet si les choses dégénèrent.

Heureusement les ados se sont arrêtés là. Il faut quand même que je rince ma chemise qui trempe dans son savon. Quand j'arrive aux toilettes, les 2 plus jeunes gamins montent la garde devant la porte et la fille a même mis du papier sur la serrure au cas où je tenterai de regarder. La parano a son stade ultime ! 

Je ne vais pas insister. Je pars à la rivière rincer ma chemise et je monterai ma tente entre chien et loup pour éviter tout problème.
Mon ami le poivrot est parti et je reste seul à ma table dans le jardin public. En fait, je suis bien installé et je me fais ma popotte en regardant les joggeurs.

Quand la nuit tombe, je mets mon plan à exécution et installe ma tente dans un recoin bien caché. Malgré l'heure tardive, il fait une chaleur épouvantable. Je suis en nage alors que j'avais pris ma douche. Tout ça pour ça !

Au moment où je me couche, je vois des lampes torches qui balayent le jardin public comme si on cherchait quelqu'un. Ma parano prend le dessus et je me demande si on ne chasse pas le clochard à la tombée de la nuit. Des chuchotements me rassurent. Ils s'agit de randonneurs qui viennent squatter le jardin public à la nuit tombée. Ils s'installent à quelques mètres de moi et je ne sais même pas s'ils m'ont remarqué. Il faudrait quand même que la municipalité de Sospel réfléchisse 2 minutes à son camping municipal. Visiblement il y a un manque...

23 août - Soarge > Breil sur Roya

La nuit a été agitée. J'ai eu plein de visites car les animaux eux aussi ont besoin de s'abreuver. Et cette source est la seule a des km à la ronde. De ce que j'ai réussi à identifier : des sangliers, des chiens, des biches... Mais il y a eu aussi des tas d'autres choses qui font du bruit. Il y a même eu un humain qui est passé à minuit pile sur le chemin. Sûrement un fantôme des maisons en ruines que j'ai vu plus haut...

Ce matin je suis fatigué. Pas tant à cause des visiteurs que de la violente descente de 1900 m que j'ai faite avant d'arrêter. C'était clairement trop et le muscle de mon genou gauche me le rappelle.

En plus la canicule continue de frapper. La fraîcheur n'est arrivée que très tard dans la nuit et ce matin la chaleur revient au galop. Il est hors de question de faire 28 km dans ces conditions avec 2150 m de montée et 2300 de descente. Je vais donc couper ce segment en 2. Il y a la ville de Breil sur Roya à 12km avec un camping municipal et ça sera bien suffisant.

Pour l'instant je descends dans le village de Soarge où il y aurait une supérette. Je suis juste en pain et je n'ai plus de colle. Il reste encore 3 jours avant d'arriver.


Soarge est un petit bijou médiéval. Il y a son monastère et ses rues étroites où l'on ne peut circuler qu'à pied. Dans la journée le flot de touristes doit être considérable mais à 7h30, il n'y a strictement personne mis à part un nombre incalculable de chats.




J'arrive devant le Vival ou le gérant est en train de placer ses légumes. Je suis pile à l'heure de l'ouverture. Le local est minuscule et il n'y a que quelques rayons. Mais il y a du pain et de la colle Casino. Pas sûr qu'elle soit aussi puissante que la Loctite italienne mais elle permettra peut être de finir...

Je repars en direction du GR. Avec ça, j'ai perdu un peu de temps et j'ai laissé passer les heures les plus fraîches. Le soleil a repris sa place et la canicule est bien toujours là.

Je relis 3 fois le GPS pour être sûr de comprendre ce que je vois. Pour commencer la journée, je dois monter 700 m en 3,5 km. Un mur. Je dois monter un mur. Comme ça ne sert à rien de pleurer autant s'y mettre. Évidemment, je suis au max question eau soit 3 litres, ce qui impacte le poids sur mon dos.

Il n'est que 9h mais la chaleur est insupportable. Je transpire au point que ma chemise est complètement trempée. J'ai du mal à respirer et j'ai des papillons devant les yeux. Habituellement je ne m'arrête jamais dans les montées mais aujourd'hui je dois faire une pause. Ça ne me réussit pas car je repars encore plus groggy que je m'étais arrêté.
Cette montée est terrifiante et je me traîne lamentablement. Je me demande comment les personnes qui ont conçu le GR peuvent avoir mis un tel monstre sur le trajet. Parce que le pire est que derrière il faut redescendre le même dénivelé en 3 km. Aucun intérêt mis à part se faire mal  Bien évidemment personne ne passe par ce sentier surtout un jour de canicule. Je suis sous les pins dont l'ombre chaude est de piètre qualité. Quand je peux avoir un visuel je n'ai que des montagnes recouvertent d'une brume de chaleur.


En grinçant des dents j'arrive au col et ce que je vois me rend fou furieux. Il y a un panneau qui interdit la descente car trop dangereuse. Pourquoi n'avoir pas mis ce panneau en bas ? Qu'est-ce que je suis supposé faire ? Demi tour ?
Il m'a fallu 2h pour grimper ce mur. Je n'ai fait que 3,5 km et quand je regarde mon eau, je sombre dans la dépression. Il me reste 1,5 l sur les 3 que j'avais. Bref tous les compteurs sont au rouge.

Je décide de manger même si je n'ai pas faim. Cela me redonne de l'énergie. Je décide d'aller de l'avant car en réalité je n'ai pas d'autres options.
Je descends en m'attendant à des passages très dangereux. Je glisse bien une fois où 2 mais je ne vois strictement rien d'exceptionnel. J'arrive en bas et je vois le même panneau d'interdiction pour le sentier d'où j'arrive. J'ai passé la zone interdite et je n'ai vu strictement aucun danger. Mais quel est ce délire de la municipalité?

Je ne cherche pas plus loin et je continue ma route car j'ai un autre col suivi d'une descente sur Breil. Je croise même un cours d'eau qui me permet de faire le plein.
A une intersection, 2 panneaux indiquent Breil dans des directions opposées. En regardant sur le plan, un des chemins est plus court et me fait gagner 2 km. Avec cette chaleur, je vais au plus court. 
Je me suis fait un copain sur le chemin de Breil !


D'ailleurs plus je descends dans la vallée vers Breil, plus la chaleur augmente. Mon sac est en plein soleil. Je bois de l'eau chaude ce qui ne désaltére absolument pas. Je pense au saucisson et au fromage qui doivent autant transpirer que moi.


Je vois que la Roya qui traverse Breil a attiré un nombre considérable de baigneurs. La ville est assez étendue le long de la rivière et ne présente aucun charme. 


Je traverse le pont et part en direction du camping. En y arrivant, je vois d'abord la piscine municipale qui a été abandonnée. Dommage pour les enfants. Juste derrière devrait se trouver le camping mais je ne trouve pas l'entrée. Je retourne sur la nationale et remonte jusqu'à la gare. Là je vois le panneau camping qui pointe de là d'où je viens. Ce jeu de cache cache commence à le taper sur les nerfs. Je repars donc en sens inverse à la recherche d'une bonne âme qui voudra bien me renseigner. Mais visiblement à 16h, tout le monde fait la sieste. Il n'y a qu'au boulodrome que je finis par trouver 2 papis qui rigolent quand je leur demande l'emplacement du camping. Il me montre la Roya et m'explique que le camping est parti dans la rivière avec la tempête de 2002. Et que c'est aussi pour ça que la piscine est fermée.
Par contre, maintenant il y a une esplanade à la place du camping. Je peux m'y mettre. Personne ne me dira rien.

Je retourne sur le lieu en question et effectivement je retrouve les sanitaires du camping ravagés à côté d'un tas de pneus. Car l'homme est ainsi : les immondices attirent le dépôt d'immondices.


Je n'ai pas envie de dormir là. Mais il est 17h et je ne repars pas affronter les problèmes d'eau et de canicule à cette heure.

Il n'y a qu'un hôtel en ville mais il est injoignable. Qu'à cela ne tienne, j'aurais peut être plus de chance en m'y présentant en personne. Je traverse Breil pour aller voir l'établissement. Il est fermé mais il y a un numéro de portable. La réponse est sans appel : désolé nous sommes complets.

Retour à la décharge avec le moral en berne. Les baigneurs me regardent d'un air suspect. Je passe et repasse en tournant en rond.
Je trouve le coin le plus acceptable de la zone et j'attends la nuit pour monter la tente. En attendant j'ai droit au regard suspicieux des gens qui promènent leur chien le long de la Roya. J'ai même droit à la gendarmerie nationale qui passe mais ne s'arrête pas.

Une camionnette blanche, elle aussi a un comportement étrange. Elle passe plusieurs fois et finit par se garer à 100 m de là où je suis. Au moment de monter la tente, elle est toujours là. A mon avis, le chauffeur doit dormir dans son véhicule...

Visiblement une nuit bizarre s'annonce. Aujourd'hui le trail m'a donné envie d'arrêter. Cet itinéraire de liaison entre le GTA et Menton n'est pas des plus agréables. La canicule et le manque d'eau y sont pour beaucoup.
Vue du bivouac côté pile. Ça va...


Vue côté face avec le tas de pneus à gauche. 
Ça va moins bien...


mardi 22 août 2023

22 août - Tende > Soarge

Le camping municipal de Tende est dans un état de saleté innommable. Les employés municipaux en charge de nettoyage du bloc sanitaire devraient avoir honte. On est à la limite du problème d'hygiène. Il y a de la crasse partout. Les syphons des douches sont bouchés. Les toilettes sont dans un état pitoyable. Je préférerais me laver dans la rivière que dans ce bouge.

Quoiqu'il soit ce matin je me lève à 6h pour reprendre la route comme d'habitude. Mais au fond de moi, je sais que c'est différent. J'ai quitté le GTA et l'Italie. J'attaque ma petite mort, celle où je vois finir mon trek et ou je dois penser à reprendre la vie normale. Néanmoins je ne dois pas me laisser aller car le GR52A n'a pas prévu de me faire de cadeaux. Au programme 1600 m de montée et 1900 m de descente, le tout sur 23 km. C'est du lourd qui n'a rien à envier au GTA. La grosse différence aussi est la chaleur qui dès les premières heures du matin tombe sur les épaules.

Parce que je ne suis pas bien réveillé et que je n'ai pas encore intégré le changement d'environnement, je pars avec 2 litres d'eau. Cela va rapidement devenir un problème.
Tende endormie et moi aussi..

Pour l'instant, je savoure l'instant présent. Une chose est sûre, le GR52A n'est utilisé par absolument personne. En réalité, il fait partie du tour du Mercantour mais tout le monde va dans la vallée des Merveilles. Personne n'aurait l'idée farfelue de faire le tour alors que les Merveilles sont juste à portée de chaussures de marche. Et j'avoue que dans l'état d'esprit dans lequel je suis, j'apprécie cette solitude.


Au lieu de passer des cols ou des "colles", on passe des "baisses". Ils ne sont moins difficiles pour autant. Le premier, le col de Loubaira me permet d'accéder au village de la Brique. Pour cela je me suis envoyé un chemin carrossable où j'ai mangé la poussière de ceux qui partent au boulot. La descente est plus jolie et plus typique d'un GR digne de ce nom.

Je passe devant le lieu d'escalade où 2 jeunes sont déjà à pied d'oeuvre. J'arrive en ville au moment où le TER composé de 2 locos et d'un seul wagon démarre. 

Quand je déboule sur la route, je vois un arrêt de bus avec écrit "Menton - gare routière". Je ne regarde pas les horaires mais je sais qu'il ne faut que quelques heures (minutes ?) pour faire ce qui va me prendre 4 jours. Il m'a bien fallu 35 jours pour faire un après midi de voyage en train jusqu'à Thonon. Ce qui est important dans le voyage, ce n'est pas la destination, c'est le chemin.

Brique est une jolie ville avec du cachet et je décide de boire un coca à l'hôtel du village en plein centre ville. A la table à côté, un vieil homme raconte sa vie à un plus jeune. La guerre d'Indochine, ses blessures, la médaille militaire, sa vie de capitaine de voilier. Je ne sais pas s'il s'agit d'une interview mais c'est passionnant. Maintenant que je peux comprendre la langue des gens autour de moi. Dommage que je ne puisse pas m'attarder car j'ai pas mal de grimpette à faire. En fait, je monte pendant 18 km pour redescendre en 7. 

Bien entendu, plus l'heure tourne plus la chaleur monte. De ce que j'ai compris, nous sommes en canicule. Et je m'en rends vite compte. Et avec les montées en direct dans les pierriers, ma consommation d'eau monte en flèche.

A midi, alors que j'attaque ma 3eme baisse, celle de Géréon à 1252 m, je me pose des questions sur le ravitaillement d'eau. Il serait temps. Il y a soit disant une rivière au km 14 (sûrement à sec fin août) et un point d'eau indiqué au km 15. Hasardeux tout cela. Une chose est sûre, il m'est impossible de faire 12h de marche avec 2 litres. Petit coup de stress.

C'est à ce moment que je repère 2 chevaux en contrebas du chemin. S'il y a des animaux, il y a de l'eau. Effectivement je trouve 2 gros bidons bleu en plastique remplis d'eau à destination des chevaux. La surface est grise de poussière et toutes sortes d'insectes se sont noyés dedans. Des guêpes tournent tout autour et cherchent le meilleur moyen de se poser sans boire la tasse.
L'eau des animaux ne me fait pas peur. J'ai passé un mois sur le CDT à boire uniquement dans des abreuvoirs à vaches remplis d'algues fluorescentes du plus bel effet. La première fois, j'étais vraiment choqué mais c'était ça ou mourir de soif. Après ça devient notmal. Ici c'est un peu le même cas. Dans le désert, et ici on est aussi sans une goutte d'eau, on ne laisse jamais passer une occasion. C'est LA règle. Quelque soit la qualité de l'eau, on l'a récupère pour la boire. Aucune saleté ou microbe ne résiste à un bon filtre. A ce sujet, je traine toujours mon filtre bouché. Il ne laisse passer qu'un maigre filet d'eau mais il va faire l'affaire. Ça me prendra le temps que ça me prendra, mais je ne laisse pas passer l'occasion.

Avec mon filtre asmatique, je remplis mon camelback et j'en profite pour manger mes nouilles chinoises. Je suis tout simplement sauvé. Je bois tout mon saoul alors que je m'étais restreint ne sachant pas comment les choses allaient tourner.

Je repars chargé d'eau prêt à affronter l'après-midi. Il est 13h et le soleil tape comme un sourd. Je suis de retour sur une route carrossable sans un seul arbre pour me faire de l'ombre. 

Au km 14, la rivière marquée sur carte est complètement à sec. Pas vraiment une surprise.
Km 15 par contre, il y a une cabane de berger avec une cuisine extérieure. Un bien grand mot pour un réchaud à gaz et un évier qui déborde de vaisselle sale. Au dessus un robinet rudimentaire avec un tuyau souple et une vanne. Je tourne celle ci et de l'eau coule. Il n'y a personne à la cabane car le berger doit être au travail. Je refais les niveaux mais l'eau qui coule est brûlante chauffée par le soleil qui cogne. Mais ne sachant pas la provenance de l'eau, je ne vais pas m'amuser à laisser couler jusqu'à avoir de l'eau fraîche. Si l'eau vient par camion, ça serait un beau gâchis. En gros, je réchauffe l'eau que je porte et qui est déjà désagréablement chaude.

2 virages plus loin, je tombe sur le troupeau de moutons et bien évidemment les 5 patous qui les accompagnent. Ceux ci sont sous un arbre en plein sur mon chemin, totalement écrasés par la chaleur. Ils aboient mais le cœur n'y est pas. Tant mieux, je passe juste derrière eux et poursuis mon chemin. Par contre, un des patous ne l'entends pas de cette oreille. Il me suit en aboyant malgré mes invectives à retourner à son troupeau. Je l'entendrais aboyer longtemps alors qu'il a cessé de me suivre. Un excès de zèle sans doute.

Soudainement, le chemin carrossable s'arrête net et laisse place à un magnifique pierrier. Et avec lui, la pente prend des allures de grimpette de col. C'est la dernière baisse avant la grande descente, la baisse de Lugo à 1487 m. Et pour marquer le coup, j'ai droit à une approche digne du GTA avec virages serrés et peu de prises pour se hisser en sécurité. J'arrive en nage à la baisse. 

Heureusement la descente passe par une grande prairie jaune brûlée par la sécheresse.
Au bout de la prairie, le GR plonge vers la vallée. Le problème est que le sentier est bordée d'arbustes dont les branches à hauteur d'homme gènent considérablement le passage. C'est déjà épuisant de descendre à pic mais avec les branches au milieu, ça devient épique. Quand je disais que personne ne vient sur le GR52A, j'en ai la preuve. D'ailleurs depuis 10h que je marche, je n'ai pas vu un seul randonneur.


L'objectif du jour est d'aller à Soarge. Mais en réalité, je n'ai rien à faire là bas. Il n'y a ni camping ni hôtel. Il y a juste 3 gîtes/maison d'hôtes mais je n'ai rien réservé. Et en cette saison... Bref j'ai dans l'idée de bivouaquer. Mais pour cela il faut de l'eau qui manque cruellement dans la région. Je tente ma chance.


Et elle me sourit. Après avoir passé quelques bâtiments, dont la Chapelle Sainte Croix, je tombe sur un lavoir. Du robinet coule un mince filet d'eau, les bacs sont remplis d'algues vertes mais dans cet environnement c'est inespéré. Juste devant il y a la place de mettre ma tente. C'est en plein sur le chemin mais je n'ai vu personne de la journée.
Je décide d'y bivouaquer pour la nuit ! Je ne suis qu'à 1 km de Soarge. L'objectif est atteint.


dimanche 20 août 2023

21 août - Gais Vilazzo > Tende

Le ciel est bien brumeux ce matin. Cela augmente la sensation d'humidité. Dès les premiers pas, j'ai plus l'impression d'être en Amazonie que dans les Alpes. J'ai beau être à 2000 m, la moiteur est vraiment présente.

Pour le petit déjeuner, il s'agit de monter au lac delgi Aberghi puis au col au dessus ,le Passo di Ciotto Mieu.

La montée au lac est un chemin largement emprunté comme j'ai pu le constater hier. Sur le sentier, je croise un troupeau de vaches qui a dû être le centre d'attention des bergers/vachers de la veille.


Le lac ne présente pas d'intérêt particulier sauf qu'il est verdâtre, ce qui explique la couleur de la rivière dans lequel il se vide. En fait, ce n'est pas le lac qui attire les hordes de touristes mais le cirque tout autour qui est impressionnant.


D'ailleurs je ne vois absolument pas où se trouve le "Passo" qui permet de sortir de cet encerclement de hautes montagnes.


Je prends le sentier qui y mène. Changement total d'environnement. Visiblement rares sont les personnes qui s'engagent sur ce sentier. Autant jusqu'au lac c'est une autoroute fortement marquée par le passage, autant maintenant il faut se concentrer et bien regarder les marques pour trouver la voie. Ensuite le sentier monte sec. Très sec. Au point que de nombreux passages sont équipés de câble pour aider à la progression. 


Cette difficulté explique pourquoi le col est peu visité. Pour ma part, c'est surtout physiquement que c'est difficile avec mon gros sac et sans échauffement.

Un troupeau de chamois s'est installé au col et me regarde galérer dans la montée. Ils se demandent comment on peut être aussi nul dans une montée aussi facile pour eux.


Pas après pas, j'arrive au col. Il ne reste plus qu'à descendre à Limonetto qui sera ma dernière ville italienne. En effet, c'est mon dernier jour sur le GTA. Après le col de Tende, je vais bifurquer en France sur le GR52A qui doit me mener en final à Menton.

En attendant, la descente sur Lemonetto est bien moins difficile que la montée. Je me retrouve rapidement dans la prairie avec le son des cloches typique des troupeaux de vaches. Et justement, mes amis bovidés avec leurs gros sabots ont bien ravagé le sentier. Les cailloux sont déchaussés et roulent dangereusement sous les semelles. Et bien évidemment, je finis par lamentablement me vautrer. Rien de grave. Cela m'est déjà arrivé et m'arrivera encore. Le vrai problème se situe au niveau du matériel. Les crampons de ma chaussure gauche se sont décollés de la semelle et pendouillent lamentablement. Heureusement qu'il me reste un peu de Loctite super Attak. Je recolle les crampons sur ma semelle. Je suis vraiment inquiet parce qu'il me reste 4 étapes et que je ne pense pas que la colle me permettra d'aller bien loin. Déjà les crampons ne pendouillent plus c'est déjà ça. Quand aux crevasses qui agrémentent mes semelles, une des chaussures semble avoir appréciée la colle forte mais l'autre, plus abîmée à la base, est revenue à son état de délabrement avant collage.

Avec tout ça, j'ai consommé toute la Loctite. Il faut absolument que j'en achète à Lemonetto. La ville en question est en réalité une petite station de ski qui visiblement n'est pas vraiment prisée l'été. Elle dort d'un sommeil profond.

Je fonce vers l'épicerie qui elle est ouverte. Comme d'habitude, elle est minuscule. J'achète de quoi manger pour midi. Entre autre ma dernière focaccia, mon dernier pain italien... Mais quand je demande pour de la colle forte, la réponse tombe comme un couperet. Il n'y en a plus !

Pas le choix, il va falloir faire sans du moins jusqu'à Tende. Pourvu que les chaussures tiennent car il me reste 15 km à couvrir. Un autre problème est la chaleur. Je consomme de l'eau comme un assoiffé dans le désert. Il faut que je gère les ravitaillements d'eau pour ne pas tomber à sec.

Après avoir expédié les victuailles achetées à l'épicerie, je me lance vers le col de Tende. Il est 12h30 et le soleil donne son maximum. Un panneau lumineux annonce 32 degrés. La montée vers le col de Tende ne présente pas de difficulté majeure sauf qu'on est en plein soleil. Elle ne présente aucun intérêt non plus car elle se fait dans un grand versant herbeux. Le chemin est peu marqué sauf par les bouses de vache fraîches et la myriade de mouches vertes qui s'en repaissent. Avec la chaleur c'est le Nirvana absolu.


J'arrive au col à côté de mon dernier refuge italien. J'ai la tentation d'aller y manger une glace mais j'y renonce devant l'affluence dans le bar. C'est dommage mais tant pis. Je n'ai pas le courage d'affronter la foule.


Le GTA passe une dernière fois devant les infrastructures militaires encore une fois tournées vers l'Italie - va vraiment falloir que je creuse le sujet.


Puis c'est le col de Cannelle qui est le dernier point du GTA pour moi. Je bascule en France alors que le GTA reste en Italie. 

Je suis sur une route carrossable écrasée par le soleil. Il me reste 9 km pour aller à Tende et il est 15h30. Ça va être très tendu car j'ai 900 m à dégringoler. Si je veux passer à l'épicerie pour acheter de la colle c'est avant 19h...
Avec 2 cols au compteur, je ne peux pas espérer faire des étincelles. En plus le problème d'eau s'intensifie. Pas une goutte à l'horizon avant d'arriver à Tende.

En bon petit soldat, j'essaie de faire au mieux. J'accélère sur cette route carrossable. Malheureusement le GR ne l'entend pas de cette oreille et m'envoie dans la pente ou je dois faire attention à chacun de mes pas. 

La végétation a complètement changé. Je suis maintenant dans les pins typiques du Sud de la France. Je n'ai aucun espoir de trouver de l'eau. Mes chaussures ont l'air de tenir mais je ne suis plus en haute montagne. A priori, ça devrait être ce type de terrain jusqu'à Menton.


J'arrive à Tende à 18h30. Je pourrais foncer à l'épicerie mais je préfère assurer un endroit pour passer la nuit. Je vais au camping municipal qui lui aussi ferme à 19h. Il est plein mais si je trouve une place j'ai le droit de m'installer. En fait il y a plein de places mais je perds un temps monstre à aller et venir. Je confirme que c'est bon pour moi mais il est maintenant trop tard pour l'épicerie qui ne réouvre qu'à 9h ce qui est bien tard. Il y a 22 km jusqu'à Soarge où il n'y a strictement rien (ni hôtel ni camping). Un bivouac sans eau s'annonce épique.

La nuit porte conseil...

samedi 19 août 2023

20 août - Entracque > Gais Vilazzo

Entracque est à plus de 900 m d'altitude mais il  fait une chaleur d'enfer. J'ai perdu l'habitude car je suis habituellement au dessus de 2000 m surtout pour dormir.

Autant dire que ma chemise tout juste sorti de la machine à laver et bonne pour y retourner 1h après. Il faut dire que j'ai eu la brillantissime idée de prendre le camping au dessus du village ce qui m'oblige à monter/descendre quand je vais en ville.


Je suis arrivé au camping vers 9h et je n'avais pas d'autres choix que de prendre une nuit pour prendre une douche, laver mes affaires et recharger ma batterie. De toute façon je n'ai pris aucun jour de repos depuis Susa. Je touche au but avec 4 étapes restantes mais je ne fais pas une course. Autant ménager la bête.

Une fois les éléments de base assurés (lavage, ravito..), je me penche sur mon problème principal. La fente tendance crevasse sur chaque semelle. Si la semelle se coupe complètement en 2, c'est fini pour la ballade. Et au point où j'en suis j'aimerais autant terminer.
Mon idée, acheter un tube de colle et remplir chaque fente pour éviter les cailloux.

Je vois que le bureau de tabac vend des cahiers d'écolier. C'est l'endroit que je cherche. Malheureusement le gérant ne parle ni anglais ni français et ne comprends pas un mot de ce que je lui demande. Je suis bien placé pour savoir que "colle" est un col de montagne. Colla, Colli, Collo ne marchent pas non plus. C'est l'impasse. Je lui montre alors mes semelles et il hurle un  "attaque" retentissant comme un cri de victoire. Il aurait aussi pu dire Banzaï mais il n'est pas japonais. Il fonce vers le fond de son boui-boui, fouille sur les étagères et me ramène un tube de colle forte de marque Loctite avec un gros "Attak" écrit en rouge en travers de l'emballage. Il y a même la photo du gars pendu la tête en bas par ses chaussures collées au plafond, publicité de Loctite que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.
Bref Attak je ne sais pas ce que c'est mais Loctite oui. J'ai d'ailleurs de la colle forte d'une autre marque avec moi et j'ai essayé avec un échec retentissant de coller mes crampons. La colle forte en France est vraiment de mauvaise qualité. Personnellement ça ne marche sur rien. Maintenant Loctite, j'ai eu à l'utiliser dans le cadre professionnel lors de mon passage à l'usine. Et ça marchait vraiment bien. On l'utilisait pour coller les joints des moules à tuyaux et ça résistait même à la vapeur. Le contremaître à l'époque m'avait expliqué que cette Loctite n'était pas pour le grand public car on pouvait se coller les doigts ou les paupières si on se frottait les yeux. Bref en France il y a plusieurs versions de Loctite et les normes font que le grand public n'a droit à de la colle forte qui n'en a que le nom.
Par contre, je ne sais pas comment ça marche en Italie et je veux bien prendre le risque d'essayer. De toute façon, au point où j'en suis je ne risque pas grand chose. J'ai donc collé mes semelles avant de dormir et ce matin rien n'avait bougé. C'est déjà une première étape. Vive le buraliste d'Entracque ! Vive Attak !

J'ai eu si chaud lorsque je me suis couché que j'ai viré mon duvet. Mais dans la nuit ça a quand même fraîchi un peu. Heureusement ! Ce matin je suis le seul à me lever à 6h. Il faut dire que les autres campeurs, tous exclusivement italiens, ont bien profité de la soirée. Ça a tchatché et rigolé jusqu'au bout de la nuit. J'ai rapidement sorti mes boules quies pour dormir. Mais ce matin c'est morne plaine. J'essaye de faire le moins de bruit possible mais entre le dégonflage du matelas, le pliage de la tente, je ne suis pas sûr que mes voisins soient ravis.

Il est 7h et je pars en direction de Limonetto. Depuis le camping cela représente 30 km. Il est hors de question que je couvre cette distance surtout avec 2 cols et donc 2000 m à monter et autant à descendre. Ils sont carrément à côté de leurs pompes nos amis du GTA. Mon plan est de passer le 1er col et de faire tirer jusqu'à ce que je trouve un bivouac. D'après mon analyse de la carte, ça devrait bien se passer car je repère plusieurs endroits potentiels.

Je commence donc dans la fraîcheur du petit matin en remontant une rivière. 


La pente est faible et j'avance vite. La journée de repos a porté ses fruits. J'arrive au lieu dit Trinita ou se trouve quelques maisons et surtout un Posso Tappa. Ne me demandez la différence entre tous ces types d'établissement, je n'y comprends rien. Mais pour moi français c'est un refuge. D'ailleurs ce sont tous des refuges même s'ils ont des noms différents. Bref il est 9h et j'hésite à prendre un café... Et puis non, on a quand même de la route à faire. 


D'ailleurs de Trinita, les choses sérieuses commencent. On recommence comme avant d'arriver à Entracque. Direct dans la pente avec les mêmes marches faites de rondins de bois. Oubliée la journée de repos, ça tape à nouveau dans la caisse. 

Après 3h de ce régime et une longue bavante pour arriver au col, je décide de manger un morceau surtout qu'il est 12h30. Le souci est qu'en passant le col, je ne suis plus à l'ombre. Et ça cogne aussi fort qu'hier. Avec l'altitude, un léger souffle d'air aide vaguement à supporter la chaleur. Mais la nourriture exposée au soleil se liquéfie à vue d'œil. Le fromage transpire à grosses gouttes. Le repas est donc expédié façon lance pierre pour reprendre la descente.


Et là grosse surprise. Le sentier ne descend pas mais remonte le long de la crête. Voilà qui m'apprendra à bien regarder mon dénivelé avant de crier victoire.


La chaleur est telle qu'une brume se dégage de toutes les montagnes. Dommage pour les photos.

Heureusement je croise quelques sources qui me permettent de remplir mes gourdes. Je bois autant que je transpire. J'ai consommé 3 litres en 4 heures.

La descente m'amène vers Palanfré où se trouve un refuge. Alors que j'étais seul jusqu'à maintenant et me croyais complètement perdu dans les montagnes, voilà que je retrouve la foule des grands jours. Encore un lieu touristique sans que je comprenne pourquoi.

Je fais donc la queue pour une glace et un coca. Ah oui parce qu'en Italie, il y a 2 choses que je retiens. Le café est le meilleur du monde et les glaces sont toujours très bonnes. Le refuge en question ressemble plus à un bar qu'à un établissement pour randonneurs. 


Il est 15h30 et le bon sens voudrait que je m'arrête là. Mais j'ai le bivouac dans la peau et je reprends mon sac à dos pour tenter ma chance. Pour faire bonne mesure, je remplis tous mes contenants d'eau potable puisque je n'ai plus de filtre, soit 3 kg de plus à porter.

J'attaque la montée. Je suis à 1400 m et le col se trouve à 900 m au dessus de moi. Donc ça monte sec et sous un soleil de plomb. En quelques minutes, je suis couvert de transpiration. Je n'ai jamais autant coulé l'eau depuis le début de ce voyage. Bien sûr tout le monde est en train de descendre alors que je suis le seul à monter. J'ai honte d'être dans un état pareil en cette fin d'après midi. Trempé lavette.

La rivière que je suis est totalement à sec. Mais c'était prévu puisqu'elle apparaît en pointillés sur la carte. Par contre, on croise une 2eme rivière qui elle coule. Elle a un faible débit et une couleur verte mais elle fera bien l'affaire. Pas question de me coucher sans me laver.

J'arrive au Gais Vilazzo qui comme je l'ai compris maintenant est une bergerie. Souvent les Gais sont des ruines mais pas ici. Le lac Vilazzo est un peu plus haut et c'est mon plan B si je ne trouve pas mon bonheur. En fait au niveau de la bergerie, il y a le bivouac parfait avec vue, accès à l'eau, terrain plat. Bref je n'irai pas plus loin même s'il n'est que 17h.


Je monte ma tente quand je vois les 2 bergers et leurs 4 chiens sortir comme des bombes de leur maisonnette et se diriger vers moi. Je me dis qu'ils ne doivent pas apprécier de m'avoir comme voisin. Alors qu'ils arrivent à ma hauteur, ils bifurquent pour aller je ne sais où, peut être voir leur troupeau. En fait comme d'habitude, personne n'en a rien à faire que je bivouaque. Tant mieux parce parce que l'endroit est vraiment top !


Il est 21h15 et les bergers retournent vers leur maisonnette dans la pénombre... Métier de dingues !


vendredi 18 août 2023

18 août - Bacino del Chiotas > Collette del Valleto

Le tonnerre et les éclairs s'en sont donnés à cœur joie cette nuit. J'ai cru que le déluge allait me tomber sur la tête. Mais il n'est tombé que quelques gouttes et la fanfare est allée jouer de la grosse caisse dans une autre vallée.

Ce matin grand bleu. C'est souvent comme ça en montagne. Beau temps le matin puis les nuages arrivent en milieu ou fin d'après midi. C'est pourquoi il faut démarrer tôt.

Au programme de la journée 28 km, 2 cols pour aller à la ville de Entracque. Ça c'est typiquement un délire du GTA pour vous faire finir dans une ville. C'est comme ça que Inigo s'est brûlé les ailes. Mon objectif à moi est de marcher jusqu'à 17h et de trouver un bivouac. J'ai encore assez de nourriture et de batterie pour me le permettre.

Première étape monter au Colle dell Fenestrelle à 2463 m. Je suis absolument seul et le versant n'est pas encore baigné par le soleil. Je vois d'ailleurs les rayons lever petit à petit le rideau sur les montagnes qui m'entourent et se reflètent dans le lac. C'est un moment magique.


Le col est un farceur car chaque fois que je crois arriver, il y a une nouvelle butte derrière. Comme le sentier est une succession de longs zigzags sur le même principe qu'hier, la montée est plutôt longue. Mais ce matin, je me régale grâce au spectacle. J'ai même droit à des chamois qui me font une démonstration d'escalade sur parois verticales. L'agilité de ces animaux est bluffante.


Une fois le col passé, je vois le refuge de Soma Ellena dans la vallée. Encore une collection de zigzags pour rejoindre la vallée.


Je croise 3 randonneurs qui montent au col mais le gros des troupes remonte depuis la route carrossable dans la vallée. Ils se dirige tous vers le refuge. Il faut dire qu'il est 11h.
L'idée m'avait effleuré d'aller prendre un coca au refuge mais la marée humaine qui arrive me fait changer d'idée. Une chose est sûre, j'en déduis qu'il y a un parking à l'entrée de la vallée.

Et me voilà parti pour une séance de buenjourno en rafale. Je revis la même chose qu'hier. Je suis le seul en sens inverse du troupeau qui monte. L'etat de la route est strictement identique avec des pierres qui freinent ma progression. La seule différence est que ce chemin est encore plus long que celui d'hier. J'ai du mal à comprendre le plaisir des vacanciers de se prendre une longue bavante en mauvais état pour aller manger dans un refuge. D'ailleurs je croise drame sur drame ou des enfants épuisés et écrasés par le soleil refusent d'avancer. La plupart des gens ne sont pas équipés. Pas de chapeau, pas d'eau, pas de crème solaire... 

Effectivement la vallée se termine par le lieu dit de San Giacomo. Composé de 3 maisons qui se courent après, il y a un refuge où j'espère pouvoir manger. La terrasse est pleine à craquer avec de grandes tablées qui n'ont rien à voir avec des randonneurs. Le parking et le bord de route lui aussi a été pris d'assaut par des cohortes de véhicules en tout genre. Je demande à l'un des 4 serveurs qui courent dans tous les sens s'il est possible de manger. La réponse est polie mais reste sans appel : il n'y a plus de menu du jour. On peut me faire une polenta mais il faudra attendre minimum 40 minutes. Sans garantie.
Une façon bien polie de me dire d'aller ailleurs. Mais il n'y a pas d'ailleurs...

Je reprends donc le GTA qui longe un petit camping lové au creux de la rivière sous les arbres. Je tente ma chance pour manger un morceau. Je m'aperçois rapidement qu'il y règne une ambiance baba cool à la limite du caricatural. On m'explique qu'il n'y a pas à manger mais qu'on est en train de préparer les lasagnes de ce soir. De fait, le cuistot et son aide sont installés sur une grande table en bois centrale et entourés d'une miriade d'enfants qui les regarde confectionner la pasta.
Des ados sont vautrés sur des divans en train de lire des bds. Pas de coca ici, seulement de la limonade bio. Les employés virent et tournent en commençant tout et en ne finissant rien. Le directeur est au téléphone faisant les 100 pas d'un air traumatisé. A mon avis, il est en communication avec son banquier...

En gros c'est la maison bleu de Maxime le Forestier ! Je bois ma limonade, achète un sorbet - bio bien entendu - et je reprends la route.
J'ai bien la tentation de passer la nuit ici mais il n'est que 13h. Je continue le GTA le long de la rivière. 

En réalité, je suis à la hauteur de Saint Martin Vésubie côté français. Comme son homologue, la région italienne a connu les affres de la tempête. Les rivières se sont transformées en tsunamis dévastateurs. J'ai vu les séquelles toute la matinée mais ici c'est encore plus frappant. Des portions de route ont été emportées même si tout été réparé. Le GTA lui aussi a été détruit sur des sections et il faut jouer au yoyo pour contourner en montant le versant les sections prises par la rivière. Ce petit jeu est assez épuisant surtout après 15 km de marche.


Il est maintenant 16h et j'arrive à une intersection. Soit je reste près de la rivière soit je pars vers le col del Valleto qui se trouve 600 m au dessus de moi.

Mon objectif n'est pas de passer le col. A cette heure, je cherche un bivouac pour passer la nuit. Ma seule angoisse est que je ne vois sur la carte aucun point d'eau sur la montée. Il y a néanmoins un replat au km 20 car le coin est terriblement escarpé. Comme toutes les rivières ne sont pas répertoriées sur la carte, je tente ma chance.

Me voila parti pour une grimpette de compétition. Ce ne sont pas les 600 m qui m'inquiète mais le dénivelé. Finis les zigzags. Il s'agit de monter directement dans la pente. C'est tellement pentu que le sentier a été équipé avec des petits troncs de bois afin de constituer des marches. C'est non seulement difficile mais terriblement éreintant de grimper.


Il y a même des passages équipés de câbles pour s'aider à esclader.


Je monte pas après pas sous une chaleur suffocante. Pas la moindre trace d'eau.
Il est 18h quand j'atteins enfin le lieu que j'avais identifié. Il y a bien moyen de poser une tente mais pas une goutte d'eau à l'horizon. Il n'y a plus qu'à continuer jusqu'à ce que j'en trouve.


Je finis par passer le col sans plus de succès. La ville se trouve encore à 7 km. Si ça continue je ne vais pas avoir d'autre choix que d'aller jusque là bas. Physiquement je suis déjà bien entamé.

Sur la carte, je vois dans la descente une rivière et un chemin pour y accéder. Je croise des routes qui ne sont pas répertoriées. Elles pourraient peut être m'enmener vers de l'eau. Dans mon état de fatigue, j'enrage de l'imprécision de mes cartes.

Je rejoins enfin la bifurcation que j'ai repérée. Il s'agit d'un sentier de randonnée qui descend dans un sous bois encaissé et sinistrement obscur. Le soleil a du mal à pénétrer les feuilles des arbres qui se battent pour la lumière. La grandeur des arbres me rassure sur le fait qu'il y a bien de l'eau dans le coin.

Je trouve bien une rivière. Tout autour un immense tapis de feuilles d'arbres en décomposition. Ça fera bien l'affaire pour une nuit malgré l'odeur. 


Je suis content de me laver car je suis couvert de transpiration. 
Le temps de m'occuper des tâches habituelles, je finis à la frontale aidée par l'obscurité du lieu.
Demain je vais me retrouver très tôt à la ville d'Entracque où il y a un camping. Je vais en profiter pour laver mes affaires et recharger ma batterie externe. Un peu de repos ne pourra pas nuire ne serait ce qu'avec la journée que je viens de passer. Il ne faudrait pas que tout craque juste à quelques encablures de l'arrivée (le fameux syndrome Yves Montand du "Salaire de la peur").
Le plus inquiétant reste la crevasse dans ma chaussure qui ne cesse de s'agrandir.Je vois le jour à travers maintenant. Est ce que je pourrais l'amener jusqu'au bout du chemin ?

25 août - Sospel > Menton

Il est 6h, l'heure des braves et de l'apparition du soleil. Je suis tellement proche d'eux que je réveille les squatteurs du jar...