22 Juin - Leadville

La nuit a révélé son lot de douleurs. La situation de mon palais se détériore. La douleur me réveille à 23h30 alors que je me suis couché à 21h assommé de fatigue à la fois par l'ascension et par mon insomnie. Mon traitement au paracétamol ne donne rien. Je ne peux pas continuer dans ces conditions. Je dois aller à l'hôpital. Il y en a un à Leadville. J'accompagnerai Claire et Mathieu dans le début de leur voyage retour.

Première étape, faire du stop du camping jusqu'à Leadville. Il y a principalement des voitures dans l'autre sens, autrement dit des gens qui viennent faire le Mont Elbert. A priori, Il sera plus facile de faire du stop ce soir lorsque ces mêmes personnes rentreront de randonnée. Mais je ne peux pas attendre ce soir.

Il y a quand même des voitures dans notre sens et la bonne chose est que la majorité des véhicules s'arrêtent. Pour la plupart, ils voyagent en famille et n'ont pas la place de prendre 3 personnes. Et nous ne voulons pas nous séparer.

Un gros 4x4 passe devant nous et le conducteur fait signe qu'il tourne au prochain emplacement de camping mais néanmoins il s'arrête pour nous l'expliquer. J'en profite pour lui dire que j'ai besoin d'aller à l'hôpital. Ni une ni 2, le conducteur, un retraité d'au moins 70 ans, décide de nous amener à Leadville. Il revient de la pêche et il devait s'occuper du petit déjeuner de son petit fils. Au lieu de ça, il décide de nous amener à la ville. "C'est bon pour mon karma" me répond-il quand j'objecte que je ne veux pas le déranger.

Notre chauffeur est un ancien charpentier de New York qui a déménagé à Denver à sa retraite pour s'occuper de son petit fils. Nous discutons de choses et d'autres. Il m'apprend qu'il y a un festival du BBQ et des bières locales à Leadville. Ah non ça ne va pas recommencer !!!
D'ailleurs pour confirmer ses dires, la rue principale est carrément fermée à la circulation car les forains s'installent.
Petit moment d'angoisse où le logement risque d'être un problème. Mais nous sommes sur place et ça sera plus facile de chercher.

Nous remercions notre gentil chauffeur qui a sûrement gagné des points pour son Karma. Nous faisons 2 motels qui ne sont encore ouverts car il est 8h pour matin. Nous essayons même l'hôtel historique de Leadville qui n'a plus de chambre. Cela permet de constater que la ville a du cachet. Elle a connu son heure de gloire à la grande époque minière et est restée dans son jus quand les mines ont fermé. Elle a repris de l'activité avec le tourisme. Les commerces ont été restaurés avec goût et en conservant ce cachet. La ville à un vrai centre ville où se concentre les commerces.

Nous décidons de nous séparer et je confie à Claire et Mathieu le soin de nous trouver un logement pendant que je vais à l'hôpital. Celui-ci se trouve en périphérie de la ville.

Le concept d'hôpital est très différent p/r à la France. Ici tout est payant et peu de gens peuvent s'offrir les services de l'hôpital. D'ailleurs lorsque je remplis le dossier d'inscription, on me demande ma carte de crédit pour me débiter 50$ d'avance de frais de visite. La salle d'attente est vide et on s'occupe de moi en 5 mns. Avant de voir un médecin, je dois d'abord passer par un infirmier qui remplit un dossier. La séance inclus une pesée ce qui me permet de constater que j'ai perdu 12 kg. Je suppose que si le cas est bénin, l'infirmier le traite sans déranger le médecin. Ce'est pas mon cas et je rencontre donc le toubib en charge qui est une jeune femme. Elle me repose les mêmes questions que l'infirmier - bien la peine de remplir un dossier si ce n'est pas pour le lire - et m'annonce qu'elle ne sait pas ce que j'ai. Cela aussi c'est très différent de la France où le toubib est le maître tout puissant qui sait toujours tout. Elle m'explique donc qu'elle n'a jamais traité d'infection du palais et qu'elle va contacter un dentiste dont c'est la spécialité. Effectivement je préfère ça plutôt qu'elle fasse n'importe quoi.

Elle revient quelques minutes plus tard pour me dire qu'il est nécessaire de faire une radio pour voir si les dents ne sont pas à l'origine du problème. Je dois me rendre dans une autre partie de l'hôpital.

Je traverse des couloirs déserts. Il y a bien quelques infirmières mais je ne vois aucun patient. J'arrive à la porte principale où trône l'accueil. Une seule réceptionniste s'occupe de... personne car il n'y a aucun patient à par moi. D'ailleurs elle a déjà reçu tous les éléments. Ici pour vous identifier, on vous demande votre date de naissance puis votre nom. Ça sera le cas partout où je passerai. La réceptionniste me demande si je veux un devis avant de faire la radio. Je réponds par l'affirmative parce que je commence à m'inquiéter du plafond de ma carte de crédit. Je patiente et quelques minutes plus tard une radiologiste vient m'expliquer que la radio va coûter 270$ et peut être plus si les premiers résultats ne sont pas exploitables. On m'explique aussi que les radios vont être interprétées par un spécialiste et que son coût dépend de la complexité de l'interprétation. Je suis à des années lumières du système français. Le côté positif est qu'ils ont recours à des experts extérieurs à l'hôpital pour être sûr du diagnostic. Je préfère ça plutôt que de tomber sur un clown qui aurait échoué dans le petit hôpital de Leadville.

Je signe le devis et me voilà parti. Nous faisons les radios. On ne me remet aucun document car tout est informatisé. Retour à la clinique de jour où le diagnostic tombe enfin : infection des sinus. Le traitement consiste à prendre des antibiotiques pendant 10 jours. Pas d'ordonnance car elle a été envoyée à la seule pharmacie de la ville qui est en train de la préparer. Parce qu'aux US, on ne vous donne pas une boîte de 100 cachets si vous avez besoin d'en prendre 10. On vous donne uniquement 10 cachets et c'est le pharmacien qui les conditionne dans un flacon à votre nom.

La pharmacie se trouve dans le supermarché qui se situe... De l'autre côté de la ville évidemment. Ne pas avoir de voiture est vraiment un problème dans ce pays. On ne me donnera aucun cachet à l'hôpital et je repars comme je suis venu après avoir réglé les différentes factures.
J'ai vraiment mal. J'ai consommé le paracétamol et les Doliprane dont je disposais pour dormir quelques heures cette nuit mais j'ai vraiment besoin de quelque chose pour me soulager. Seule solution aller au plus vite à la pharmacie.

Je retrouve Claire et Mathieu qui ont pris les 2 dernières chambres du motel à l'entrée de la ville. J'y abandonne mon sac à dos et pars chercher mes médicaments.
Le pharmacien m'apprend que je dois consommer mes médocs avec de la nourriture. Retour en ville. Il est 13h. Nous allons au restaurant à côté de l'hôtel où je peux enfin soulager ma douleur.

Le temps est vraiment frais mais nous faisons un tour à la fête. Il n'y a que des stands qui vendent de la bière et qui font des BBQ. C'est original comme festival mais pas très bon pour la ligne. Néanmoins l'ambiance est bonne enfant et il y a beaucoup de familles.

Ce zéro forcé appelle à toutes les corvées habituelles : lavage, lessive etc... Ce qui occupe l'après-midi. J'en profite même pour retourner chez le barber pour réduire mon look de clochard.

Nous prenons une bière devant le concert du moment car les groupes n'ont pas cessé de se succéder tout au long de la journée sur la scène qui barre un côté de la rue principale.

Dernier restaurant tous les 3...

Nous tentons de retourner au festival qui est quasiment fermé. Visiblement Leadville ne veut pas de débordement nocturne et met fin à l'activité quotidienne de l'événement très tôt dans la soirée.

Nous rentrons donc au motel. Claire et Mathieu prennent le bus demain à 5h. Nous nous disons adieu. C'est un moment émouvant car je reprends ma vie de marcheur solitaire. Ils vont me manquer...