La difficulté de la journée consiste à trouver un transport pour retourner à Wolf Creek Pass où nous avions quitté le CDT deux jours plus tôt.
Nous décidons de faire du stop comme à l'aller. Si ça a fonctionné à l'aller cela doit fonctionner au retour. Nous nous sommes donc positionné sur le bord de la route et nous tendons le pouce en souriant.
Quelques minutes plus tard, une jeune femme d'une trentaine d'années se gare et nous fait signe. Je lui explique notre destination. Elle regarde l'heure sur son téléphone et me répond "Oui je peux le faire". La réponse est ambigue. Je ne comprends pas si elle a le temps de nous prendre pour nous lâcher sur son trajet ou si elle va faire spécialement l'aller retour pour nous déposer. Égoïstement et trop content d'avoir réglé mon problème de transport, je ne cherche pas à creuser. Je m'installe devant alors que Mathieu s'installe derrière avec les sacs. Je tente de faire une blague en lui expliquant que dans ce sens nous sentons bon alors que dans l'autre c'était juste une horreur. Elle me répond que dans ce cas c'est nous qui allons souffrir. Je reste un peu interloqué devant la réponse... "Je vis dans une tente" m'explique-t-elle devant ma tête ahurie. Cette explication ajoute du mystère au lieu de tout éclaircir et je suis toujours aussi éberlué qu'à la première réponse. Elle me regarde et après une hésitation, elle m'explique. "C'est un peu compliqué.' me dit elle. En fait, elle a déménagé de Seattle avec son petit ami avec qui elle habitait depuis 6 mois. Ils ont décidé de changer de vie et ils ont acheté un bout de terrain à Pagosa Springs pour construire une maison et vivre une nouvelle vie accès sur les activités sportives offertes par le Colorado. À ce titre, ils sont allés faire du rafting il y a 2 semaines et son petit ami est mort.
Je voulais savoir et maintenant je sais. Sauf que je ne sais pas quoi dire à l'annonce de son drame. Et il n'y a effectivement rien à dire devant une histoire aussi terrible. Elle l'a racontée comme une information "normale". Sa voix n'a pas tremblé. Elle ne demande pas à ce que je m'apitoye sur son sort.
Je suis toujours sans voix et c'est elle qui relance la conversation en me demandant ce que nous faisons là et d'où nous venons. Évidemment je me jette sur cette porte de sortie pour évacuer mon trouble.
Après quelques banalités d'usage qui me permettent d'être plus à l'aise, je reviens sur son drame qui me touche profondément.
Jasmin, c'est son nom, m'explique qu'elle ne retournera pas à Seattle et qu'elle va continuer seule à mener à terme le projet qu'ils avaient fait ensemble. Elle a trouvé un job mais ne se sent pas capable de faire plus qu'un mi-temps. Que les voisins l'ont aidé et ont construit un enclos pour le chien de son petit ami. Qu'elle économise pour avoir l'eau courante... Bref qu'elle se bat pour continuer ce rêve de couple alors que tout s'est écroulé autour d'elle.
Je trouve la vie vraiment injuste. Pourquoi un tel drame lui est tombé sur la tête ? Pourquoi juste quand le projet commence ? Comment le destin choisit ses victimes ?
Je sais parfaitement que tous les jours des milliers de personnes meurent dans d'atroces souffrances et que cela ne m'empêche pas de vivre normalement. Effectivement, c'est quelque chose que je ne veux pas voir. Mais ce matin, je ne peux pas m'empêcher de mettre dos à dos mon bonheur et son malheur. De me sentir trop privilégié, d'être impuissant à changer les choses et de ne rien pouvoir faire pour elle.
Bien évidemment, elle n'a rien à faire à Wolf Creek Pass et elle est en train de s'envoyer 80 km d'une route pleines de virages pour nous faire plaisir. Comme elle vient de m'expliquer ses problèmes financiers, je demande à Mathieu de récupérer 20$ pour lui donner pour son essence quand nous quitterons sa voiture. C'est vraiment le minimum et c'est même pathétique face à la situation.
Nous arrivons déjà à Wolf Creek Pass et j'ai tout juste le temps de lui dire mon admiration pour son projet, pour son courage et pour son combat. Ces mots lui mettent la larme à l'oeil au lieu de l'encourager. Je la remercie pour sa gentillesse et lui serre la main. Je voudrais faire plus mais quoi... Je suis sur le parking, je récupère mon sac. Elle manœuvre pour faire demi tour. Une hiker qui voit la manœuvre s'approche de Jasmin et lui demande de l'emmener en ville. Bien entendu Jasmin accepte. La hiker monte à ma place et la voiture repasse devant nous. Je lui fais un signe de la main et elle me le retourne avec un immense sourire. Voilà c'est fini. Je retourne à mon délire de hiker et elle a sa vie dévastée. Pas de chance, elle a tiré le mauvais numéro. Et moi le bon.
C'est le cœur triste que je me remets sur le CDT. Je ne cesse de penser à cette terrible histoire et les magnifiques paysages n'arrivent pas à me faire changer d'état d'esprit.
Nous décidons de faire du stop comme à l'aller. Si ça a fonctionné à l'aller cela doit fonctionner au retour. Nous nous sommes donc positionné sur le bord de la route et nous tendons le pouce en souriant.
Quelques minutes plus tard, une jeune femme d'une trentaine d'années se gare et nous fait signe. Je lui explique notre destination. Elle regarde l'heure sur son téléphone et me répond "Oui je peux le faire". La réponse est ambigue. Je ne comprends pas si elle a le temps de nous prendre pour nous lâcher sur son trajet ou si elle va faire spécialement l'aller retour pour nous déposer. Égoïstement et trop content d'avoir réglé mon problème de transport, je ne cherche pas à creuser. Je m'installe devant alors que Mathieu s'installe derrière avec les sacs. Je tente de faire une blague en lui expliquant que dans ce sens nous sentons bon alors que dans l'autre c'était juste une horreur. Elle me répond que dans ce cas c'est nous qui allons souffrir. Je reste un peu interloqué devant la réponse... "Je vis dans une tente" m'explique-t-elle devant ma tête ahurie. Cette explication ajoute du mystère au lieu de tout éclaircir et je suis toujours aussi éberlué qu'à la première réponse. Elle me regarde et après une hésitation, elle m'explique. "C'est un peu compliqué.' me dit elle. En fait, elle a déménagé de Seattle avec son petit ami avec qui elle habitait depuis 6 mois. Ils ont décidé de changer de vie et ils ont acheté un bout de terrain à Pagosa Springs pour construire une maison et vivre une nouvelle vie accès sur les activités sportives offertes par le Colorado. À ce titre, ils sont allés faire du rafting il y a 2 semaines et son petit ami est mort.
Je voulais savoir et maintenant je sais. Sauf que je ne sais pas quoi dire à l'annonce de son drame. Et il n'y a effectivement rien à dire devant une histoire aussi terrible. Elle l'a racontée comme une information "normale". Sa voix n'a pas tremblé. Elle ne demande pas à ce que je m'apitoye sur son sort.
Je suis toujours sans voix et c'est elle qui relance la conversation en me demandant ce que nous faisons là et d'où nous venons. Évidemment je me jette sur cette porte de sortie pour évacuer mon trouble.
Après quelques banalités d'usage qui me permettent d'être plus à l'aise, je reviens sur son drame qui me touche profondément.
Jasmin, c'est son nom, m'explique qu'elle ne retournera pas à Seattle et qu'elle va continuer seule à mener à terme le projet qu'ils avaient fait ensemble. Elle a trouvé un job mais ne se sent pas capable de faire plus qu'un mi-temps. Que les voisins l'ont aidé et ont construit un enclos pour le chien de son petit ami. Qu'elle économise pour avoir l'eau courante... Bref qu'elle se bat pour continuer ce rêve de couple alors que tout s'est écroulé autour d'elle.
Je trouve la vie vraiment injuste. Pourquoi un tel drame lui est tombé sur la tête ? Pourquoi juste quand le projet commence ? Comment le destin choisit ses victimes ?
Je sais parfaitement que tous les jours des milliers de personnes meurent dans d'atroces souffrances et que cela ne m'empêche pas de vivre normalement. Effectivement, c'est quelque chose que je ne veux pas voir. Mais ce matin, je ne peux pas m'empêcher de mettre dos à dos mon bonheur et son malheur. De me sentir trop privilégié, d'être impuissant à changer les choses et de ne rien pouvoir faire pour elle.
Bien évidemment, elle n'a rien à faire à Wolf Creek Pass et elle est en train de s'envoyer 80 km d'une route pleines de virages pour nous faire plaisir. Comme elle vient de m'expliquer ses problèmes financiers, je demande à Mathieu de récupérer 20$ pour lui donner pour son essence quand nous quitterons sa voiture. C'est vraiment le minimum et c'est même pathétique face à la situation.
Nous arrivons déjà à Wolf Creek Pass et j'ai tout juste le temps de lui dire mon admiration pour son projet, pour son courage et pour son combat. Ces mots lui mettent la larme à l'oeil au lieu de l'encourager. Je la remercie pour sa gentillesse et lui serre la main. Je voudrais faire plus mais quoi... Je suis sur le parking, je récupère mon sac. Elle manœuvre pour faire demi tour. Une hiker qui voit la manœuvre s'approche de Jasmin et lui demande de l'emmener en ville. Bien entendu Jasmin accepte. La hiker monte à ma place et la voiture repasse devant nous. Je lui fais un signe de la main et elle me le retourne avec un immense sourire. Voilà c'est fini. Je retourne à mon délire de hiker et elle a sa vie dévastée. Pas de chance, elle a tiré le mauvais numéro. Et moi le bon.
C'est le cœur triste que je me remets sur le CDT. Je ne cesse de penser à cette terrible histoire et les magnifiques paysages n'arrivent pas à me faire changer d'état d'esprit.
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