dimanche 10 juin 2018

10 Juin - Robert

Ce matin nous attendons gentiment notre taxi en la personne de Robert qui doit nous mener à Spring Creek Pass comme il s'y est engagé hier soir.

Nos sacs sont prêts et pèsent lourds. Pour ma part, j'ai suivi les conseils de hikers qui trouvent que je perds trop de poids. J'ai emporté encore plus de nourriture afin d'avaler plus de calories. Seulement ceci se répercute directement sur le poid de mon sac à dos. J'ai carrément du mal à le fermer !

Robert finit par arriver. J'ai du mal à le reconnaître entre hier et aujourd'hui car il est en tenue décontractée du dimanche. Casquette de baseball usée jusqu'à la corde qui doit être sa casquette fétiche, jogging maculé de tâches indélébiles du bricoleur. Bref il n'a plus rien à voir avec le mari de la patronne du bar à vin que nous avons rencontré hier soir.

Sa voiture est aussi celle du weekend. Il s'agit d'un très vieux 4x4 hors d'âge, à vitesse ce qui m'étonne dans ce pays où toutes les voitures sont automatiques. L'arrière est encombré d'un bric à brac incroyable et nous avons du mal à y caser nos sacs à dos. Je remarque néanmoins une cible de stand de tir criblée de balles et plutôt bien placées.

Nous nous installons à bord et nous discutons du CDT. Claire angoissée par une potentielle rencontre avec des ours, demande à Robert son meilleur conseil pour faire face à ce type de situation.
En réponse, Robert extrait un objet rangé dans le compartiment entre les 2 sièges avant et dit "voilà la meilleure solution pour faire face à une attaque d'ours". Il brandit un révolver, un Colt 45 rangé dans son étui de cuir noir. Nous, français, sommes complètement sidérés de voir quelqu'un avec une arme dans une voiture. Robert semble beaucoup s'amuser de notre réaction. J'avoue que le fait qu'il soit un ancien officier de police me rassure. Il sait manipuler des armes car il a fait cela pendant 35 ans. Je serai moins à l'aise avec le premier quidam venu.
Il nous explique ce que nous savons déjà, autrement dit qu'il est parfaitement légal de posséder une arme et de la mettre dans sa voiture. Pour le prouver, il pose son Colt sur le tableau de bord et continue de conduire comme si de rien n'était. Je suis tellement époustouflé que je prends mon téléphone pour faire une photo. Quand il voit cela, Robert me dit "attend" et se jette sur le Colt. Je me dis qu'il va le ranger... Au lieu de cela, il sort le Colt de son étui et le pose directement sur le tableau de bord. Il veut que son arme apparaisse bien sur la photo.

Nous commençons donc à discuter sur le sujet. Deux mondes s'affrontent : l'Amérique surarmée convaincu que le problème ne sont pas les armes mais les gens qui les manipulent et l'Europe qui prêche pour l'abolition des armes afin de ne as tenter le diable. Robert et moi même ne changeront pas d'avis sur le sujet. J'apprends d'ailleurs qu'il est champion de tir et qu'il gagne fréquemment des prix. Il travaille dans son sous sol à des prototypes pour améliorer ses armes. Il ne se passe pas un jour sans qu'il aille s'entraîner à tirer, ce qu'il fait aussi le dimanche. Bref Robert est un dingue des armes et il en possède des dizaines comme des milliers d'Américains. À côté de cela, c'est un type adorable qui a décidé de se lever un dimanche matin pour amener 3 français à un col. Cette ambivalence le rend intéressant et attachant.

Nous arrivons au col et nous voyons un hiker encapuchonné dans sa doudoune qui attend le passage d'une voiture. Le voyant, Robert me demande s'il peut offrir au hiker de rentrer avec lui. C'est vraiment un brave type ! Même s'il est armé jusqu'aux dents. Robert se gare sur le parking et nous voyons une dizaine de hikers dérrière un gros 4x4. J'en connais la majorité et j'en profite pour introduire Mathieu et Claire en faisant connaissance avec les inconnus.
J'apprends que le feu de Durango prend des dimensions dantesques. Certains hikers ont été évacués. Il prenait un zéro dans une"cabin". Il s'agit d'une maison secondaire faite en tronc d'arbres empilés les uns sur les autres pour constituer les murs. Ils pensent que la fameuse cabin a brûlé.

En fait tous les hikers présents sur le parking arrivent et cherchent un moyen de gagner Lake City. Il y a bien un Trail Angel mais son véhicule n'est pas assez grand pour le nombre de hikers. Robert récupère 3 personnes afin que tout le monde se sente à l'aise. C'est définitivement un chic type ! J'aurai bien passé plus de temps avec lui et j'aurai bien aimé voir sa collection d'armes et tout le délire autour. Je pense que mon imagination est en dessous de la réalité.

Mais le Trail nous appele et il est temps de se mettre en route.

Nous commençons par une jolie montée, classique quand on traverse un col routier.
La pente est raide mais c'est le début de la section donc nous sommes en forme, y compris la nouvelle de l'équipe, Claire.

Une fois la montée avalée, nous arrivons sur un immense plateau herbeux.
Le traverser nous prend un temps considérable. Nous sommes doublés par quelques hikers ultralight. Bon vent messieurs !
Et du vent il y en a. Il nous accompagne même lorsque nous passons à flanc de montagne. Il n'y a aucune trace de neige et nous trainons nos crampons sûrement pour rien...

La vue est totalement bouchée par la fumée de l'incendie de Durango qui est à 490 km par la route. Je ne sais pas pendant combien de jours cette fumée va nous suivre.

Aprés une montée un peu raide où la jeune génération montre des signes de fatigue, nous entrons dans une forêt. L'idée est de trouver un coin plat pour planter la tente. C'est ce que nous faisons à la sortie du bois. Il est 18h et nous avons parcouru 18 km Ce n'est pas beaucoup. Ça serait bien de faire au moins 25 km les autres jours pour ne pas tomber à court de nourriture !



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