lundi 7 mai 2018

7 Mai - Départ De Pie Town

J'ai dormi dans ma tente plantée dans le jardin de la Toaster House. J'ai laissé les lits superposés, les canapés et les tapis aux autres hikers. C'était préfèrable sinon je n'aurais pas fermé l'oeil de la nuit.
En montagne, je fais exactement la même chose : je préfère monter ma tente sur le dos que de dormir en refuge. En tout et pour tout, je n'ai dormi qu'une seule fois en refuge de toute ma vie et j'ai été vacciné définitivement. Je laisse les couches tard et les lèves tôt faire leur boucan sans m'empoisonner la vie.

Blast a fait exactement la même chose que moi. À la différence  qu'il a décidé de partir directement sur le Trail sans déjeuner au restaurant. À 6h, un "Au revoir mon ami", en français dans le texte, à résonné au dessus de ma tente. Bonne route camarade !

Comme j'étais réveillée, j'ai décidé de préparer tranquillement mes affaires. A 7h, Nita est arrivée dans son 4x4 brinqueballant. A son accoutrement, je suis convaincu que c'est une ancienne hippie des années 70. Comme il faisait frais, elle était recouverte de petits morceaux de pull en laine de toutes les couleurs. Elle avait sa guitare à la main pour je ne sais quelle raison. Elle l'a posée à même le sol et l'a oubliée là.

Comme je lui ai dit que j'étais sur le départ, elle a absolument tenue à me faire faire le tour de Pie Town. 10 minutes m'a t'elle dit ! Vu la taille de la ville et son état, je me suis dit qu'elle exagérait et qu'en 5 minutes ça serait plié.
Nous voilà donc entassés à 7 dans sa voiture encombrée de tout un tas de trucs dépareillés : des CD, des paquets de biscuits, des cartons... Il y a même des Attrapes Rêves indiens énormes accrochées au rétroviseur... Sa radio diffuse un CD de Joan Baez, bien entendu..

En fait Nita connait toute l'histoire de sa ville qu'elle adore. Elle nous explique donc comment Pie Town est devenu une ville fantôme. Avant la nouvelle autoroute qui, je l'apprends, traverse intégralement les US d'Ouest en Est, il y avait une autre autoroute qui reliait Pie Town à Lordsburg. À cette époque, je ne sais même pas si le terme d'autoroute est approprié, tous les cowboys de la région regroupaient le bétail à Pie Town pour qu'il soit chargé dans des camions. Elle nous montre d'ailleurs l'immense parc à bestiaux dont il ne reste plus que des poteaux éparses. Comme il y avait du bétail et du transport, les agriculteurs amenaient aussi les légumes et les fruits. Et de là est née la spécialité de la ville de fabriquer des tartes à partir des produits amener pour nourrir tout ce joli monde. Tous les bâtiments en ruines ont une histoire : une immense station service désaffectée, un hangar pour les légumes, un bureau de poste... Le fait que la nouvelle autoroute soit organisée dans l'autre sens à totalement détruit l'économie de la ville et de celle de Lordsburg.

Retour à Toaster House, où j'attrape mon sac à dos. Nouveau Hug de Nita (ce coup-ci je sens bon), elle veut absolument mon adresse car elle veut venir en France. Elle me dit d'ailleurs quelques mots en Français, plein de fautes mais son accent est excellent ! Elle me dit avoir étudié en Suisse. Je pense qu'il y a de quoi faire un livre avec la vie de cette femme.

Je salue tous les hikers dans la maison qui me répondent "Au revoir Némo, bonne route et à bientôt !".

Je file au restaurant pour prendre mon petit déjeuner. Quand je rentre, le restaurant est bondé de hikers. Il n'y a que des grandes tables. Je me joins à celle où je connais le plus de monde. Je me commande le petit déjeuner du champion : œufs, bécon, patates, pain perdu... Bien sûr quand j'ai fini de m'empiffrer, je n'ai plus faim. Et j'ai tort car la première fournée de tartes vient de sortir. En fait dans l'arriére salle, 2 personnes travaillent à fabriquer des tartes. Et il vient des gens de partout juste pour acheter des tartes comme dans une boulangerie. Vraiment dommage que je n'ai plus de place, je suis en train de passer à côté de quelque chose.


Je n'ai plus qu'à mettre mon sac sur les épaules et à attaquer le Trail. J'ai bien analysé la carte. Le but est d'aller au Mal Paìs (le mauvais pays en Espagnol). Pour cela, le CDT n'a pas pu négocier un passage avec l'unique propriétaire qui possède des centaines d'hectares. À cause de lui nous devons rester sur l'ancienne autoroute qui a fait la fortune de Pie Town dans le temps. Une fois les biens du malotru dépassés nous pourrons alors bifurquer dans la brousse. Nita nous a expliqué qu'il n'y avait aucune route goudronnée à des centaines de kilomètres à la ronde. Toutes les anciennes autoroutes sont restées dans leur jus c'est à dire des routes en terre. Comme il ne pleut pas ce n'est pas un problème.

Comme le gentil propriétaire veut être sûr que personne ne rentre chez lui, il a construit des kilomètres de fils de fer barbelé de chaque côté de la route agrémenté de centaines de panneaux d'interdiction de pénétrer avec proposition de prime pour dénonciation de violation. Des fois, la richesse rend bête. Là on est au niveau d'un champion du monde.
Ce taré est allé jusqu'à interdire l'accès aux points d'eau qui sont sur ces terres.
En résultat, on doit se taper la route mais en plus il n'y a pas d'eau avant 28 km. Merci bien. J'espère que tu t'ettouferas avec ta terre et ton fil de fer barbelé !
Comme j'ai pris mon temps, il est 11h lorsque j'attaque l'ancienne autoroute maintenant simple route de terre. Il y a peu de circulation mais ça cogne dur. Au point que je sors le parapluie de combat. La route est monotone surtout avec son paysage habituel d'herbes jaunes pour les vaches et de pins.
Le sac à dos me lacère les épaules car j'ai ravitaillé en nourriture - encore plus que nécessaire - et que j'ai 4 litres d'eau.
À une intersection, je pense être tombé sur un Trail Magic. Une glacière verte avec le mot CDT peint dessus. Malheureusement, la glacière ne contient plus rien, d'autres hikers ont déjà torpillé les sodas.

Heureusement ce moment de détresse est rapidement compensé. Une voiture avec des plaques californiennes s'arrête avec 4 jeunes à l'intérieur. "Est ce que vous voulez du chocolat ?". Je pense alors à leurs barres au chocolat au lait... J'ai déjà des Snickers en train de fondre dans mon sac à dos. "Non merci !'. Le gars à l'arrière m'exibe alors une plaque de chocolat noir, une vraie, comme je n'ai jamais réussi à en trouver jusqu'à maintenant. "Est ce que vous êtes sûr que vous n'en voulez pas ?" répète le passager. Les yeux rivés sur le chocolat, je réponds "Peut être". Tous les passagers du véhicule éclatent de rire et celui de l'arrière me donne le chocolat. "Happy Trail" disent ils en cœur alors que la voiture repart. Il s'agit d'un chocolat de République Dominicaine au poivre. Un délice ! Je ne sais pas où ces Californiens ont déniché cette merveille mais vraiment merci. Ils ont trouvé mon péché mignon - avec les myrtilles.

Encore plus tard - oui c'est long 28 km de route droite - un énorme 4x4 me fonce quasiment dessus et s'arrête pour me parler. Il s'agit des Thomas, mari et femme. Ils ne sont plus tout jeunes. Je dirais même qu'ils ont passé les 80 ans. Madame est très espiègle et à beaucoup d'esprit avec sa permanente qui ne bouge pas malgré le vent. Monsieur est moins alerte avec sa casquette de Veteran. C'est  un ancien militaire et il y a plein d'autocollants sur la voiture qui le prouve. Ilsinvitent à passer chez eux pour prendre de l'eau, me reposer à l'ombre et même à dormir là si je veux. Je les remercie et ils repartent. Quand je regarde mon GPS suite aux indications qu'ils m'ont données, je m'aperçois que c'est là où j'avais prévu de ravitailler en eau. En fait les Thomas sont le village d'irréductibles gaulois chez Jules César. Ils accueillent gentiment tous les hikers et cyclistes qui passent pour leur donner ce que le méchant propriétaire leur refuse. Ils en profitent pour discuter avec tous les passants. Je pense que cette visite les occupent et leur fait plaisir.
Je me demande ce qui va se passer lorsqu'ils ne pourront plus accueillir les marcheurs. Faudra-t-il faire 50 km avant d'accéder à l'eau ?

Un grand drapeau pour ne pas rater l'entrée de la maison des Thomas.

Lorsque j'ai fait le plein, parce que j'ai fini par y arriver, ils voulaient absolument que je plante la tente alors qu'il était 17h. Je trouvais ça trop tôt et je suis reparti. Je les ai laissé avec un couple de cyclistes qui allaient jusqu'à Silver City. Quand je me suis retrouvé dans le corridor de barbelés, je me suis demandé si je n'avais pas été prétentieux. J'ai dû parcourir encore  7 km pour sortir de ce camp de concentration et trouver un emplacement pour ma tente sans que je finisse en prison.
Bref j'ai mangé mon pain noir et demain je m'attaque à la brousse du El Mal Paìs ! 

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