Je me suis levé d'excellente humeur. Lavé, une bonne nuit sans froideur, le bruit de la rivière comme berceuse et seulement 12 km pour aller à Ghost Ranch où m'attend mon colis de nourriture. J'ai quand même eu de gros problèmes avec l'eau car elle est minéralement salée. Plus on en boit, plus on a soif ! Mais bon j'en changerai quand j'arriverai à Ghost Ranch.
Je prends la route en terre qui suit la rivière. Le cadre est toujours aussi beau. L'eau, les reflets jaune du soleil levant sur les pierres orange.
Tout va bien malgré le vent glacial qui s'est levé. Cette rivière me donne des envies de la descendre en canoë. Depuis le Québec, je n'en ai plus fait et je m'aperçois que ça me manque. Je repense à une expédition sur la rivière noire que j'avais commencé à étudier avant que nous ne partions. Et pourquoi pas s'y repencher ?
Pour me prouver que je ne délire pas tant que ça, j'arrive devant un parking ou est garé une dizaine de 4x4 avec remorque pour canoës. Je m'aperçois que nous sommes dimanche et que certains profitent des plaisirs qu'offrent la nature environnante.
D'ailleurs plus l'heure avance plus le nombre de véhicules augmente. Le conducteur du dimanche est bien moins respectueux que le professionnel de la semaine et me fait manger de la poussière par pleines pelletés sans ralentir. La route devient de moins en moins agréable et j'ai hâte de la quitter.
Je me rends compte que mes chaussures sont complètement mortes. Il y a bien sûr la semelle fendue sur la largeur mais elle est aussi complètement affaissée. En résultat c'est comme si je marchais en chaussettes et je ressens le moindre petit caillou sur la route. J'ai commandé de nouvelles chaussures sur Amazon mais je ne les aurais que dans 5 jours quand j'arriverai à Chama. 5 jours en chaussettes à raison de 10 heures de marche par jour, le risque de se blesser n'est pas négligeable...
Je quitte enfin la route et coupe à travers la plaine. Enfin débarrassé de la poussière.
Je traverse une route et doit prendre un "sentier découverte" comme il en existe en France. Quelle surprise de voir que le site est abandonné depuis des années et interdit d'accès. Comme j'ai pris l'habitude avec les ranchers de passer les barbelés, je fais là même chose avec le site touristique. Le centre est délabré et les murs lézardés. De l'herbe a poussé entre les dalles en béton. Des affiches délavées ornent les panneaux d'affichage. Ce qui est incroyable c'est que rien n'a été vandalisé. En France, les portes auraient été défoncées et les murs tagués de toutes parts. Je prends le sentier découverte où il y a encore les petits panneaux indiquant le nom de la plante qui se trouve dérrière. Quant à savoir si la dite plante n'a pas été naturellement remplacée par une autre, je suis bien incapable de le dire.
Le sentier passe maintenant par un pont suspendu réservé aux piétons. Les planches sont pourries et certaines manquent déjà. Je ne suis pas vraiment rassuré car je ne suis pas un poids plume surtout avec le sac à dos. Il manquerait plus que mon pied passe au travers.
Après le pont, une dernière montée et je suis en vue de Ghost Ranch et de sa vallée. Le site est fabuleux et c'est un choix de rêve pour implanter un centre de villégiature.
En traversant la propriété, certaines choses ne collent pas. Déjà, il y a un golf. Implanter un golf en plein désert est un non sens. Le parking est rempli de voitures de luxe... En arrivant au "Welcome Center", je m'aperçois que je suis en plein Disneyland pour bobos randonneurs et golfeurs.
Peut être qu'à une certaine époque c'était un paradis pour hikers mais ce n'est plus le cas. Le personnel est particulièrement dédaigneux avec le pouilleux que je suis. Je comprends que les hikers sont tolérés comme faire valoir de l'endroit. Ça fait "authentique"d'avoir des vrais hikers qui déambulent au milieu de la clientèle aisée recherchée. Bref je n'ai qu'une envie c'est de partir au plus tôt.
D'ailleurs il n'y a que 2 hikers sur tout le site qui viennent de récupérer leur colis. Ils ont décidé de partir à Santa Fé pour acheter de nouvelles chaussures car les leurs sont mortes. Au moins je ne suis pas le seul avec le même problème mais eux le règlent plus rapidement que moi. Ils seront chaussés de neuf pour aller à Chama.
Je récupère mon colis qu'on me facture 5$. Je ne saurais même pas pourquoi alors que pas les autres n'ont rien payé. Quand je l'ouvre, je prends peur. J'ai commandé après mon problème de rationnement et j'ai carrément pété un plomb. Il y a au moins 10 jours de nourriture alors que le trajet est la moitié moins. C'est surtout le nombre de barres céréales qui fait peur. Comme j'en ai manqué, j'en ai commandé pour un régiment. Je suis abattu. Il y a 4 hiker boxes qui regorgent de nourriture et de matériel de toutes sortes. Il y a même des chaussures. J'y trouve une poche pour mon filtre que je récupère.
Je pourrais moi aussi mettre mon surplus dans ces boîtes. Je n'arrive pas à m'y résoudre et ce n'est même pas un problème d'argent. Je peux lâcher 20$ de nourriture sans que cela me traumatise. Non c'est autre chose. J'ai fait une bêtise et je dois l'assumer quelques soient les conséquences. J'ai acheté trop de nourriture, je vais me l'a coller sur le dos pour m'apprendre à faire attention. Je n'aurai pas ce scrupule si le colis avait été préparé par quelqu'un d'autre...
La connexion Internet est tellement mauvaise - ou bridée - que je n'arrive qu'à charger une page de mon blog. Pour les autres, il va falloir attendre Chama.
Bref, il faut partir de ce lieu maudit avant que je m'en prenne au personnel qui me regarde comme si j'étais un vrai clochard. L'analyse de la suite du programme me donne des sueurs froides.
Nous sommes en dessous de 2000 m et il faut monter à 3450 m en moins de 20 km. Je résume c'est un mur comme celui que j'ai grimpé il y a 3 jours. Ensuite la première source d'eau est à 20 km. Je dois donc prendre au moins 3 litres d'eau.
En cumul entre la nourriture, celle du colis plus celle qui me restait, les 3 litres d'eau, mon sac dépasse allègrement les 20 kg. En y ajoutant les 1400 m de dénivelé, l'histoire tourne à la farce. Quand en plus je lève les yeux vers le ciel, c'est un front de nuages noirs comme l'ébène qui se dirige droit sur moi.
J'ai décidé de partir et c'est ce que je fais quoiqu'il en soit. Je manque de tomber tellement mon sac est lourd. Je n'ai jamais eu un tel poids depuis que je marche sur le CDT. Je quitte Ghost Ranch sans une once de regret. Le site est quand même de toute beauté avec des falaises de toutes les couleurs tout autour.
Le chemin se dirige vers un des canyons qui très rapidement se rétrécit. Il s'agit de grimper sur les rochers qui côtoient un ruisseau.
Nous n'avons jamais eu un sentier aussi difficile. Je les cumule aujourd'hui. Le dénivelé est ahurissant. Le poids m'entraîne vers l'arrière et il m'arrive de reculer au lieu d'avancer. Les bretelles me coupent la circulation et la douleur me vrille le dos.Je reçois des gouttes grosses comme des soucoupes. Je ne lâche rien. Je veux aller au Colorado et j'irai. Par contre ma vitesse de progression est pathétique. Je fais quasiment du sur place. Comme il est 14h, que je n'ai rien mangé, et que j'ai de la nourriture à revendre, je décide de me faire un vrai repas comme je me le fais le soir. En faisant cela, je consomme l'eau prévu pour aller à 20 km. Mais je suis incapable de les faire avec un sac aussi lourd et un tel dénivelé. Je vois qu'il y a un réservoir d'eau croupie à 10 km. Ça sera donc l'objectif de l'après midi puisque je peux utiliser mon filtre.
Une fois rassasié et avec 2 litres d'eau restant, je reprends la grimpette. Une fois sorti du canyon, il faut maintenant monter sur une Mésa. Chaque pas est une souffrance et je dois m'arrêter souvent. Je me traîne lamentablement. À 17h, j'ai parcouru 5 km et grimpé de 500 m. Je suis sur une première Mésa qui doit me mener au point d'eau. Je passe devant un 1er réservoir qui n'est pas répertorié oú l'eau est propre. Je me méfie du fait qu'il soit inconnu puis ça me ferait stopper trop tôt. Je veux marcher au moins 10 km qui viendront s'ajouter au 15 de ce matin. Ce n'est pas le 32 km quotidien recherché mais je fais avec les moyens du bord.
À 18h j'arrive au 2eme réservoir et je me traite d'imbécile de ne pas avoir utilisé le 1er. Celui-là est couvert d'algues et je vois des sangsues qui attendent que le bétail vienne boire. Pour l'instant le bétail c'est moi. L'eau est tellement sale que je la préfiltre avec mon bandana. Mon filtre se bouche dés le 1er litre traité. Je dois le nettoyer pour pouvoir continuer. Même filtrée l'eau reste verte. Je n'ai jamais vu ça. L'opération me prend 1h30 pour obtenir 2 litres d'eau potable.
L'eau que j'ai récupéré à Ghost Ranch est salée comme l'eau de la rivière. En conséquence, j'ai bu beaucoup sans me désaltérer. Tant pis demain matin je boirai moins.
Je n'ai pas cessé de jouer à cache-cache avec les nuages toute la journée. Depuis mon duvet, je vois des éclairs qui vrillent la nuit. J'espère qu'il ne va pas pleuvoir. Demain j'ai 900 m à faire avec un sac de psychopathe à traîner avec moi...
Je prends la route en terre qui suit la rivière. Le cadre est toujours aussi beau. L'eau, les reflets jaune du soleil levant sur les pierres orange.
Tout va bien malgré le vent glacial qui s'est levé. Cette rivière me donne des envies de la descendre en canoë. Depuis le Québec, je n'en ai plus fait et je m'aperçois que ça me manque. Je repense à une expédition sur la rivière noire que j'avais commencé à étudier avant que nous ne partions. Et pourquoi pas s'y repencher ?
Pour me prouver que je ne délire pas tant que ça, j'arrive devant un parking ou est garé une dizaine de 4x4 avec remorque pour canoës. Je m'aperçois que nous sommes dimanche et que certains profitent des plaisirs qu'offrent la nature environnante.
D'ailleurs plus l'heure avance plus le nombre de véhicules augmente. Le conducteur du dimanche est bien moins respectueux que le professionnel de la semaine et me fait manger de la poussière par pleines pelletés sans ralentir. La route devient de moins en moins agréable et j'ai hâte de la quitter.
Je me rends compte que mes chaussures sont complètement mortes. Il y a bien sûr la semelle fendue sur la largeur mais elle est aussi complètement affaissée. En résultat c'est comme si je marchais en chaussettes et je ressens le moindre petit caillou sur la route. J'ai commandé de nouvelles chaussures sur Amazon mais je ne les aurais que dans 5 jours quand j'arriverai à Chama. 5 jours en chaussettes à raison de 10 heures de marche par jour, le risque de se blesser n'est pas négligeable...
Je quitte enfin la route et coupe à travers la plaine. Enfin débarrassé de la poussière.
Je traverse une route et doit prendre un "sentier découverte" comme il en existe en France. Quelle surprise de voir que le site est abandonné depuis des années et interdit d'accès. Comme j'ai pris l'habitude avec les ranchers de passer les barbelés, je fais là même chose avec le site touristique. Le centre est délabré et les murs lézardés. De l'herbe a poussé entre les dalles en béton. Des affiches délavées ornent les panneaux d'affichage. Ce qui est incroyable c'est que rien n'a été vandalisé. En France, les portes auraient été défoncées et les murs tagués de toutes parts. Je prends le sentier découverte où il y a encore les petits panneaux indiquant le nom de la plante qui se trouve dérrière. Quant à savoir si la dite plante n'a pas été naturellement remplacée par une autre, je suis bien incapable de le dire.
Le sentier passe maintenant par un pont suspendu réservé aux piétons. Les planches sont pourries et certaines manquent déjà. Je ne suis pas vraiment rassuré car je ne suis pas un poids plume surtout avec le sac à dos. Il manquerait plus que mon pied passe au travers.
Après le pont, une dernière montée et je suis en vue de Ghost Ranch et de sa vallée. Le site est fabuleux et c'est un choix de rêve pour implanter un centre de villégiature.
En traversant la propriété, certaines choses ne collent pas. Déjà, il y a un golf. Implanter un golf en plein désert est un non sens. Le parking est rempli de voitures de luxe... En arrivant au "Welcome Center", je m'aperçois que je suis en plein Disneyland pour bobos randonneurs et golfeurs.
Peut être qu'à une certaine époque c'était un paradis pour hikers mais ce n'est plus le cas. Le personnel est particulièrement dédaigneux avec le pouilleux que je suis. Je comprends que les hikers sont tolérés comme faire valoir de l'endroit. Ça fait "authentique"d'avoir des vrais hikers qui déambulent au milieu de la clientèle aisée recherchée. Bref je n'ai qu'une envie c'est de partir au plus tôt.
D'ailleurs il n'y a que 2 hikers sur tout le site qui viennent de récupérer leur colis. Ils ont décidé de partir à Santa Fé pour acheter de nouvelles chaussures car les leurs sont mortes. Au moins je ne suis pas le seul avec le même problème mais eux le règlent plus rapidement que moi. Ils seront chaussés de neuf pour aller à Chama.
Je récupère mon colis qu'on me facture 5$. Je ne saurais même pas pourquoi alors que pas les autres n'ont rien payé. Quand je l'ouvre, je prends peur. J'ai commandé après mon problème de rationnement et j'ai carrément pété un plomb. Il y a au moins 10 jours de nourriture alors que le trajet est la moitié moins. C'est surtout le nombre de barres céréales qui fait peur. Comme j'en ai manqué, j'en ai commandé pour un régiment. Je suis abattu. Il y a 4 hiker boxes qui regorgent de nourriture et de matériel de toutes sortes. Il y a même des chaussures. J'y trouve une poche pour mon filtre que je récupère.
Je pourrais moi aussi mettre mon surplus dans ces boîtes. Je n'arrive pas à m'y résoudre et ce n'est même pas un problème d'argent. Je peux lâcher 20$ de nourriture sans que cela me traumatise. Non c'est autre chose. J'ai fait une bêtise et je dois l'assumer quelques soient les conséquences. J'ai acheté trop de nourriture, je vais me l'a coller sur le dos pour m'apprendre à faire attention. Je n'aurai pas ce scrupule si le colis avait été préparé par quelqu'un d'autre...
La connexion Internet est tellement mauvaise - ou bridée - que je n'arrive qu'à charger une page de mon blog. Pour les autres, il va falloir attendre Chama.
Bref, il faut partir de ce lieu maudit avant que je m'en prenne au personnel qui me regarde comme si j'étais un vrai clochard. L'analyse de la suite du programme me donne des sueurs froides.
Nous sommes en dessous de 2000 m et il faut monter à 3450 m en moins de 20 km. Je résume c'est un mur comme celui que j'ai grimpé il y a 3 jours. Ensuite la première source d'eau est à 20 km. Je dois donc prendre au moins 3 litres d'eau.
En cumul entre la nourriture, celle du colis plus celle qui me restait, les 3 litres d'eau, mon sac dépasse allègrement les 20 kg. En y ajoutant les 1400 m de dénivelé, l'histoire tourne à la farce. Quand en plus je lève les yeux vers le ciel, c'est un front de nuages noirs comme l'ébène qui se dirige droit sur moi.
J'ai décidé de partir et c'est ce que je fais quoiqu'il en soit. Je manque de tomber tellement mon sac est lourd. Je n'ai jamais eu un tel poids depuis que je marche sur le CDT. Je quitte Ghost Ranch sans une once de regret. Le site est quand même de toute beauté avec des falaises de toutes les couleurs tout autour.
Nous n'avons jamais eu un sentier aussi difficile. Je les cumule aujourd'hui. Le dénivelé est ahurissant. Le poids m'entraîne vers l'arrière et il m'arrive de reculer au lieu d'avancer. Les bretelles me coupent la circulation et la douleur me vrille le dos.Je reçois des gouttes grosses comme des soucoupes. Je ne lâche rien. Je veux aller au Colorado et j'irai. Par contre ma vitesse de progression est pathétique. Je fais quasiment du sur place. Comme il est 14h, que je n'ai rien mangé, et que j'ai de la nourriture à revendre, je décide de me faire un vrai repas comme je me le fais le soir. En faisant cela, je consomme l'eau prévu pour aller à 20 km. Mais je suis incapable de les faire avec un sac aussi lourd et un tel dénivelé. Je vois qu'il y a un réservoir d'eau croupie à 10 km. Ça sera donc l'objectif de l'après midi puisque je peux utiliser mon filtre.
Une fois rassasié et avec 2 litres d'eau restant, je reprends la grimpette. Une fois sorti du canyon, il faut maintenant monter sur une Mésa. Chaque pas est une souffrance et je dois m'arrêter souvent. Je me traîne lamentablement. À 17h, j'ai parcouru 5 km et grimpé de 500 m. Je suis sur une première Mésa qui doit me mener au point d'eau. Je passe devant un 1er réservoir qui n'est pas répertorié oú l'eau est propre. Je me méfie du fait qu'il soit inconnu puis ça me ferait stopper trop tôt. Je veux marcher au moins 10 km qui viendront s'ajouter au 15 de ce matin. Ce n'est pas le 32 km quotidien recherché mais je fais avec les moyens du bord.
À 18h j'arrive au 2eme réservoir et je me traite d'imbécile de ne pas avoir utilisé le 1er. Celui-là est couvert d'algues et je vois des sangsues qui attendent que le bétail vienne boire. Pour l'instant le bétail c'est moi. L'eau est tellement sale que je la préfiltre avec mon bandana. Mon filtre se bouche dés le 1er litre traité. Je dois le nettoyer pour pouvoir continuer. Même filtrée l'eau reste verte. Je n'ai jamais vu ça. L'opération me prend 1h30 pour obtenir 2 litres d'eau potable.
L'eau que j'ai récupéré à Ghost Ranch est salée comme l'eau de la rivière. En conséquence, j'ai bu beaucoup sans me désaltérer. Tant pis demain matin je boirai moins.
Je n'ai pas cessé de jouer à cache-cache avec les nuages toute la journée. Depuis mon duvet, je vois des éclairs qui vrillent la nuit. J'espère qu'il ne va pas pleuvoir. Demain j'ai 900 m à faire avec un sac de psychopathe à traîner avec moi...
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