samedi 5 mai 2018

5 Mai - A L'Approche De Pie Town

Il a encore gelé cette nuit. Pas autant qu'il y a 2 jours, mais comme j'ai planté la tente dans une prairie, j'ai bien profité du froid. Ce matin j'ai eu mauvaise conscience à 5h car j'étais le seul à me réveiller aussi tôt. Déjà qu'ils ont eu à souffrir du froid, en plus je les réveille...
Je quitte le campement en m'apercevant que d'autres hikers sont arrivés dans la nuit. En autre, il y a Drew qui s'inquiète sur les points d'eau. De ce que j'ai regardé, il y en a suffisamment pour ne pas stresser. Drew m'apprend alors que ceux sur lesquels je comptais sont à sec. Il n'y a pas eu de pluie dans le sud, ce qui nous assure un passage plus facile dans les neiges du Colorado mais me complexifie grandement la tâche au Nouveau Mexique. On ne peut pas avoir fromage et dessert.

Natural est prêt en même temps que moi et nous partons ensemble. Alors que nous passons un portail, un Hiker qui sort de nulle part nous donne une orange et une pomme à chacun. Trail Magic ! La journée commence bien. En réalité, elle va présenter peu d'intérêt au niveau scénique. Nous sommes sur une route forestière et le paysage est identique à celui d'hier. Bien. Finalement c'est bien d'avoir de la compagnie. Nous nous racontons nos vies et j'apprends que Natural est un ancien militaire, spécialisé en reconnaissance et qu'il est allé 2 fois en Irak avant de démissionner.
La matinée se passe et nous déjeunons ensemble. Enfin quand je dis ça, nous mangeons chacun ce que nous trimbalons sur notre dos. Il ne mange quasiment rien et il est prêt beaucoup plus rapidement que moi. Je ne veux pas le retarder, je lui dis de partir devant. Le prochain point d'eau est à 13 km et il me reste 1 litre au total dont 0,5 l de réserve. C'est un peu tendu mais c'est jouable. Pour ne pas à avoir à m'arrêter, je verse ma réserve dans la poche de mon Camelbak. Pendant cette opération, un 4x4 rouge s'arrête et le chauffeur vient vers moi. Il s'agit d'un indien, un natif (native American). Son anglais est approximatif, et il parle son dialecte dans le talkie- walkie qu'il porte en bandoulière autour du cou. Ce qu'il fait là, je n'en ai aucune idée. Par contre lui veut tout savoir. Il ne semble pas connaître le cdt et il veut tous les détails.
Lorsqu'il semble satisfait, il remonte dans sa voiture et s'en va.
Je retourne vers mon sac pour m'apercevoir qu'il y a une grosse flaque en dessous. J'ai mal refermé mon Camelbak et tout s'est vidé. Nous sommes dans les heures les plus chaudes de la journée, j'ai 950 m de dénivelé à monter d'un coup et plus une goutte d'eau. Je ne vois pas ce que je peux faire mise à part marcher en serrant les dents. Mais je pense forcément à la déshydratation... Je marche depuis une demi heure lorsque le 4x4 rouge réapparaît devant moi. Je fais signe pour qu'il s'arrête et explique mon problème. Il y a Monsieur au volant, Madame à côté avec bien sûr des tresses (peut on faire plus cliché ?) derrière au moins 6 enfants qui doivent être les leurs. Tout le monde me regarde avec un air glacial, surtout Madame. Mes explications sont terminées mais personne ne dit rien. Moment de malaise... Est ce que j'ai été grossier en demandant de l'eau ? Soudain Monsieur dit quelle chose dans son dialecte et depuis l'arrière l'aîné me passe un bidon d'eau sorti de nulle part.
Je n'ose pas en prendre beaucoup, un litre suffira à me remettre en piste. Bien.. Mais ma poche est coincée. Je veux aller vite pour ne pas faire attendre... Bref je suis tellement mal à l'aise que je m'embrouille les crayons. Tout le monde scrute l'opération minutieusement ce qui ne m'aide pas beaucoup. Bien au contraire... Monsieur joue avec son portable pendant que je bataille. Je finis par rendre le bidon auquel j'ai prélèvé un litre. Monsieur lève les yeux de son portable et me dis d'en prendre plus. Ok je ne vais pas cracher dans la soupe. Je remplis ma poche et l'aîné insiste pour que je garde le bidon. Non merci, je n'ai pas besoin d'autant d'eau. En fait, la mine sévère que parents et enfants présente dans la voiture et juste la façon indienne de se comporter. Je dis mille mercis, fais des blagues sur ma stupidité... Personne ne sourit. Bon... Tout d'un coup Monsieur me demande à nouveau des détails sur le cdt et en autre le nom des villes. En fait il est en train de regarder le trajet que je vais faire. Je lui donne quelques noms dont je me souviens et lui dit que demain je serai à Pie Town. Madame me dit de grimper à l'arrière car ils y vont. C'est très gentil mais je lui explique que le but est de le faire à pied. Je vois à son regard qu'elle ne comprend pas pourquoi je veux marcher alors qu'elle me propose un trajet en voiture. Elle n'insiste pas ce qui m'arrange. En final, je me suis fait de nouveaux amis et j'ai 3 litres d'eau. Plus qu'il n'en faut pour atteindre le prochain point d'eau.


Le passage entre 13h et 16h n'est pas mon préféré. C'est systématiquement le coup de pompe de la journée. Habituellement je fais 20 km le matin, je déjeune et je rame jusqu'à 16h. Je fais un break et je repars frais comme un gardon pour finir la journée.
À 16h, j'ai fait 32 km et je prends mon break de  l'après-midi. Je croise alors ma canadienne de la veille. Ils ont tous passé une bonne partie de l'après-midi dans un "lookout", une tour de surveillance pour les feux de forêts. Je suis passé devant et je ne l'ai pas vu. Le gars du lookout était très sympa et il leur a tout expliqué sans compter que la vue à 360 était bluffante. J'ai vraiment tout raté. Elle m'apprend aussi que le seul resto de Pie Town ouvert demain ferme à 17h. Ce qui veut dire qu'il faut avaler un max de km aujourd'hui pour manger demain. Ils ont décidé de sauter le prochain point d'eau et d'aller au suivant. Cela veut dire une journée à 42 km. Pourquoi pas ?

Sur le chemin des 42 km, une camionnette hors d'âge arrive et s'arrête à mon niveau. Un grand père avec un chapeau de cowboy et des lunettes de soleil me demande ce que je fais là sur le bord de la route. Il a un accent du Sud difficile à comprendre. Son chien installé à côté de lui, aussi vieux que son maître, me regarde avec bonhomie. Tout cela est bon enfant.
Je lui explique et nous discutons. Je m'accroche pour comprendre mais tant qu'on reste sur les banalité d'usage, on ça y arriver. D'ailleurs il semble avoir autant de mal à comprendre mon accent que moi le sien. Il me propose de prendre une bière dans la glacière qui se trouve sur le plateau de sa camionnette. Si ça continue, je vais finir alcoolique dans ce pays. La glacière regorge de bières mais elles sont chaudes. Cela ne nous empêche pas de trinquer car le vieux briguant à une bière ouverte cachée entre les jambes. Il est syrictement interdit de boire de l'alcool en conduisant aux US. Il me souhaite "Good Luck" et repart dans son épave en soulevant un nuage de poussière. Trail Magic !

Quand j'arrive au point d'eau, je trouve une note comme quoi ils ont décidé de camper 5 km plus loin pour réduire la distance pour demain. Là ce n'est plus drôle et comme c'est le dernier point d'eau avant la ville, il faut que je fasse le plein. Mon filtre est bouché et ne fonctionne plus. Ça me prend un temps fou pour faire le plein. Cela permet à un Hiker d'arriver entre temps. Il s'agit de Blast. Très éduqué, il connaît bien la France et a voyagé dans 120 pays. Pas vraiment l'Américain typique. Il me propose de partager un camp pour la nuit. La soirée est douce (pas de gel en vue, je comprends rien à ce pays) et nous discutons d'économie, de politique, de voyages. Une excellente soirée ! Demain il restera 20 km à faire pour Pie Town. Je devrais y être pour midi...

4 commentaires:

  1. Je profites d'une pause méridienne pour lire tes messages de retour à la civilisation (en tout cas à la connexion WIFI) C'est vrai qu'on s'habitue aux serpents finalement ;)
    Merci de nous régaler de tes aventures car je ne te connaissais pas ce talent d'écriture.
    Petite dédicace avec une citation indienne qui présage du meilleur pour la suite de ton aventure:
    "Tous ceux qui connaissent le succès ont d’abord rêvé à quelque chose"
    Bonne route

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    1. Oui 2 ans de préparation ça fait beaucoup de rêves qui sont maintenant réalité. Et franchement je n'aurai pas pu rêvé mieux :-)

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  2. et "la chance sourit aux audacieux!"
    Ce cdt, "exactement là où tu voulais être", tu le vis si intensément que tu nous transmets le truc, tu vois?..., alors maintenant une question: "comment va t-on faire sans le filtre à eau?"

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    1. J'ai réglé le problème aujourd'hui. J'ai acheté un filtre au supermarché Walmart. Ce n'est pas le modèle que j'aurai choisi mais ça sera mieux que la cochonnerie que je traîne depuis le début de l'aventure. Et j'ai vraiment eu de la chance de tomber sur des caches avec des bouteilles d'eau. Pas de filtrage avec les caches !

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25 août - Sospel > Menton

Il est 6h, l'heure des braves et de l'apparition du soleil. Je suis tellement proche d'eux que je réveille les squatteurs du jar...