jeudi 3 mai 2018

3 Mai - Etape De Liaison

Hier soir j'avais froid. Ça arrive quand on est physiquement fatigué. Habituellement en mangeant, cette sensation disparaît. Pas hier soir. Je me suis dit que je devais être très fatigué et qu'après une bonne nuit de sommeil, les choses rentreraient dans l'ordre. J'ai quand même enfilé tous les vêtements chauds que j'ai emportés. Il n'y en a pas forcément beaucoup mais ils sont prévus pour les sommets du Colorado. Je me dis que je les enlèverai dès que je serai réchauffé. Comme ma batterie externe sert à charger mon GPS, par réflexe je la mets dans mon duvet avec celle du GPS.  En effet, le froid vide les batteries et pour éviter ce phénomène, on utilise la chaleur corporelle. Je suis un amateur mais j'ai quelques bases :-)

La nuit se passe mais il me semble qu'il fait vraiment froid. D'ailleurs je ne me découvre pas. À 5h, quand le réveil sonne la sensation de froid est partout. J'allume ma frontale pour m'apercevoir que la totalité de l'intérieur de la tente est couvert de givre. La bouteille d'eau que je garde dans la tente pour boire la nuit est un bloc de glace. Pareil pour ma poche d'eau. Je sors la tête de la tente et tout est recouvert de givre. C'est une énorme gelée blanche. Le problème est que j'ai tous mes vêtements chauds sur moi et qu'une fois sorti du duvet j'aurai froid. Je sais aussi que le moment le plus froid de la journée se situe au moment où le soleil se lève. Le pire est pour dans quelques minutes. Je décide donc de ranger toutes mes affaires à la vitesse de l'éclair pour me mettre en mouvement. Si je bouge j'aurai moins froid. Si je reste là, je vais geler sur place. Le pire est que je suis au fond d'une vallée et que le soleil n'est pas prêt de me réchauffer. Je ne peux pas simplement attendre son action réconfortante. Il y en a pour des heures.

1ère opération : mettre ses chaussettes sales - je garde une paire propre pour la nuit - et ses chaussures. L'opération s'avère compliquée. J'ai traversé la rivière Gila toute la journée et mes chaussettes et mes chaussures n'avaient pas eu le temps de sécher. Résultat mes chaussettes sont dures comme du bois et je suis incapable d'écarter les lacets de mes chaussures. Il faut que je bataille comme un diable pour enfiler tout cela. J'ai les doigts et les pieds complètement gelés et ce n'est que le début.

Je prends les choses avec philosophie. J'avoue que l'histoire des chaussettes et des chaussures me fait carrément rire. Je n'avais jamais connu ça jusqu'à maintenant. Le cdt me soigne question surprises. C'est ce  que je suis venu chercher et je n'ai pas à me plaindre. Je suis là où je voulais être.

Je n'ai pas plus de succès avec tente prise dans son manteau de givre sur les faces intérieure et extérieure. Elle se plie très mal et ne rentre plus dans son sac. Qu'à cela ne tienne, j'entasse tout bonnant malant. Il faut bouger, on verra le reste plus tard.

Le soleil se lève et une couche de givre supplémentaire s'abat sur mes affaires. Mes bâtons et mon sac à dos sont tout blanc. Le froid me pénètre jusqu'au os. Il faut bouger maintenant.

Je marche mais je continue de claquer des dents et de trembler comme une feuille. Je croise une mare à canards complètement gelée. Je n'ai aucune idée de la température de cette nuit mais mon GPS me dit que nous sommes à 2650 m. A mon avis l'altitude joue beaucoup sur ce changement de climat et je me rappelle de nuits très froides au mois d'août dans les Alpes.
Je grimpe une colline car sa crête est au soleil. Quand j'arrive, la différence n'est pas flagrante car un vent glacial balaye la crête. De toutes façons on est mieux qu'au fond de la vallée et en plus c'est le chemin du cdt. Plus je marche mieux ça va. Je suis sur des collines recouvertes d'une herbe jaune desséchées sur des km à la ronde. Il n'y a pas un arbre. Malgré le froid je trouve que ça à son charme.

Vers 8h30, je me sens beaucoup mieux. J'enlève les vêtements chauds et passe en mode normal. Je garde ma doudoune car le vent est froid. Ça m'inquiète car la nuit prochaine risque d'être identique.

Au loin, les collines qui se dessinent sont toujours recouvertes de la même herbe jaune mais il y a des pins. D'ailleurs il n'y a que ça des pins.

Aucune autre espèce. Pas même des buissons. Vers 10h j'arrive sur une route forestière, une fameuse FR. En fait, je vais même la suivre toute la journée avec ce même paysage herbeux émaillé de pins. La FR a des lignes droites à rendre fou. Mais après les épreuves de la Gila, c'est presque reposant de marcher sur un chemin bien visible, carrossable, sans se tordre les chevilles à chaque pas.

C'est vrai que c'est le cas les 2 premières heures mais que ça devient rapidement lassant sans compter que les pieds chauffent sur du gravillon compressé. Mais à cœur vaillant rien d'impossible et la journée se passe. En fin d'après midi je rencontre un couple de hikers, l'un est américain "Cave bear", l'autre est irlandaise "baby fairy" et ils se sont rencontrés l'année dernière sur l'Appalachian Trail.  Ils se sont mariés il y a 6 mois et leur voyage de noces est de faire le CDT. Une love  story de hikers qui a rapproché 2 continents. En fait il y a beaucoup de couples qui se rencontreent sur l'AT car il y a beaucoup de monde et que c'est principalement des jeunes.

Le temps est très similaire à celui de la veille et je décide de me chercher un endroit bien sous les arbres pour limiter le givre et le froid. On verra bien si demain ressemblera à aujourd'hui ! J'ai quand même couvert mes 35 km.

2 commentaires:

25 août - Sospel > Menton

Il est 6h, l'heure des braves et de l'apparition du soleil. Je suis tellement proche d'eux que je réveille les squatteurs du jar...