vendredi 18 mai 2018

18 Mai - En Passant Par La Montagne

Je suis allé prendre le petit déjeuner au même endroit qu'hier. Je voulais partir bien lesté et je suis sûr de réussir mon coup dans cet auberge rabelaisienne. Je ne connaissais pas l'heure d'ouverture donc j'y suis allé à 7h. Visiblement l'établissement ouvre encore plus tôt car il y avait déjà d'autres personnes mais aucun hiker. Je sais que la règle absolue est de profiter de la chambre d'hôtel au maximum. Celle-ci doit être libérée à 11h. Donc les hikers partent à 11h quelque soit la ville d'où ils partent.

Pour ma part à 8h30, je me mets en route. Je n'ai vu personne. Tout le monde dort. Hier soir c'était l'anniversaire d'un des gars de la Panzer division. Il fêtait ses 22 ans et la bière a coulé à flot - normal pour des allemands. Il est sur le CDT et l'année dernière il a fait le PCT. Ça m'impressionne quand je vois tous les autres gamins qui restent bloqués sur leur ordinateur. Ça fait plaisir de voir qu'il y a encore des jeunes aventuriers dans la nouvelle génération...

Je me suis bien calé l'estomac car je sais ce qui m'attend. Ça fait 2 jours que je regarde la barre montagneuse au Nord de Cuba, la montagne San Pedro.

Elle est impressionnante et je sais qu'on doit la traverser. Je pars donc en connaissance de cause. Comme d'habitude, j'ai droit à la succession autoroute, route, chemin, sentier. C'est un classique, je l'ai bien compris.
L'autoroute est vite avalée car il s'agit juste de sortir de Cuba avant de prendre à droite sur une route. Celle-ci est plus longue. Elle passe devant des habitations qui se dégradent plus on s'éloigne du centre ville. Beaucoup de maisons abandonnées ou à vendre. Des fermes avec le cabinet de toilette en bois au fond du jardin, ce qui m'étonne car même en France on ne voit plus ça. Puis plus rien, juste des champs entourés de sapins.

La route commence à grimper et se transforme en chemin car il n'y a plus de goudron. J'arrive à la base de la montagne. Il y a un "Trail Head", autrement dit un départ de sentier et donc un parking.
Une fois sur le sentier, les choses sérieuses commencent. Il s'agit clairement de monter la montagne. Ce qui est très étonnant, c'est l'environnement. Fini le désert et la poussière. Il y a des ruisseaux qui coulent de partout, des sapins, des bouleaux et de l'herbe. Bref on est dans les Alpes. La transition à été brutale. Ce matin je suis dans le désert et 2 heures après je suis dans un paysage montagnard.

Le sentier aussi est montagnard et bien raide. Le GPS m'annonce 1400 m de dénivelé. Ça va faire très mal. Je me transforme en machine à grimper et je mets un pied devant l'autre. Par moment, j'ai en marre mais je ne lâche rien. Je finis par arriver au Col. Il m'aura fallu 5h et 18 km pour en arriver là. Je suis en pleine forme autant physique que morale.

Je grignote dans l'herbe à côté d'un ruisseau. Je vois des plaques de neige dissiminées de part et d'autre sous les sapins. La forêt est tellement compacte que le soleil a du mal à passer au travers.
Il y a de grandes prairies sous lesquelles le sol est spongieux et gorgé d'eau. C'est ce qui empêche les sapins de pousser dessus. Plus rien à voir avec le désert que je côtoie depuis un mois.


Le replat se poursuit sur plusieurs km. Il y a des roches roses colonisées par les sapins.
Mais le replat à une fin et la descente se dessine.
L'autre face de la montagne est complètement différente. Déjà il n'y a pas d'eau et je dois faire 12 km pour la prochaine source. Une journée à 35 km sera très honorable avec un départ tardif et le dénivelé.
Ensuite la forêt est inquiétante. Il y beaucoup de sapins morts couverts de mousse séchée.

Il n'y a aucun bruit. Plus j'avance plus le silence est oppressant. Le nombre d'arbres morts ne cesse d'augmenter. Soudain c'est l'hécatombe. Des dizaines et des dizaines d'arbres dont couchés sur le sol. La forêt est morte et le plus navrant est qu'il n'y a aucune jeune pousse sur le sol. Mais que c'est il passé ? Une maladie ? Des insectes ? En tout cas, tous les arbres sont morts sur pied et finissent par tomber au sol.

La progression est pénible car même si on voit que le sentier est entretenu (troncs barrants le chemin coupés à la tronçonneuse), des arbres continuent de chuter avec le temps et il faut les enjamber. Certains sont tellement gros qu'il faut les contourner et c'est avec un enchevêtrement d'arbres morts qu'il faut batailler. La désolation s'étale sur des km et fait mal au cœur. Je finis par en sortir et retrouver des sapins en santé mais la transition est lente. Je vois un ours qui s'enfuit. Il est loin et je le distingue très mal mais il n'y a aucun doute. Il s'agit d'un ours noir donc le danger est très faible voire nul à cette distance.

Je suis quand même dans un tunnel vert depuis ce matin donc sans aucune visibilité sur le lointain. Je ne vois que les arbres qui m'entourent.
Pourtant en cette fin d'après midi, l'horizon se dégage sur une forêt à perte de vue et des montagnes couleur orange. Encore une fois la vue est magnifique.

J'arrive à la Source à 19h30 et elle est.. sèche. Je suis bon pour aller à la suivante. J'y arrive à 20h15 et j'ai parcouru 38 km. Pas mal pour une reprise.

Alors que je n'ai vu personne et que je pensais être tranquille, un puis 2 puis 3 hikers viennent s'installer à côté de moi. Il fait nuit et je ne vois pas qui c'est. Mais bon j'ai compris, plus de camping à côté des points d'eau. Mais ce soir, je me suis fait piéger par la nuit...


4 commentaires:

  1. Bonsoir Laurent
    Epoustouflée par l'aventure et ton écriture ! Admirative devant l'effort et l'exploit! Je m'abreuve presque autant que toi à tous les point d'eau espérés à chaque périple!
    La petite bretonne que je suis salue humblement le hiker que tu deviens en quête de son saint Graal ! Katy

    Mais où es tu lonesome cowboy ?

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    1. Salut Katy,
      Super heureux de te compter parmi les lecteurs :-) C'est vrai que l'eau m'a donné du fil à retordre alors que vous en avez en revendre en Bretagne ;-)
      Je suis actuellement à Chama à la frontière du Colorado et je repars dans la brousse pour 5 jours. Entre 2 villes, je n'ai pas de réseau et je suis incapable de donner des nouvelles. Je transporte une balise et je donne la position tous les soirs pour que Anne ne s'inquiète pas trop
      https://spotwalla.com/tripViewer.php?id=185085ac8c97a0bf7f&hoursPast=0&showAll=yes
      Le problème c'est que cet appareil à déjà buggé à plusieurs reprises et n'envoie pas tous les messages quotidiens. Pas cool !
      Je t'embrasse bien fort et prend bien soin de ma petite femme qui en a bien besoin. Je l'ai abandonné avec 2 garçons sur les bras en pleine période d'examens. Je crois qu'une bonne bouteille de cidre (ou de chouchen) partagée avec des amies pourrait lui faire oublier mon absence quelques minutes ;-)

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  2. Laurent

    Présent ou pas sur la photo, l'Equipe Reservit au grand complet marche à tes cotés dans cette grande aventure et souhaite par cette photo te donner du courage sur le chemin de la réussite.

    https://drive.google.com/open?id=1yOlRgkxHEnIk_xG0MNT9Mf1EIFgGCoTq

    Bonne route ...

    The Reservit Team

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    1. C'est vraiment génial ! Je suis super ému. Vous m'avez touché en plein cœur. Nemo loves you. Vous êtes les meilleurs. Je regarderai la photo à chaque fois que j'aurai un coup de blues. Happy Trail to you all Brothers!

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