jeudi 24 mai 2018

24 Mai - Cumbres Pass

J'ai eu la même nuit que la précédente. Je pensais avoir réglé mon problème de matelas mais il y a d'autres trous. C'est une vraie torture chinoise. Je dors par petits bouts sachant exactement comment ça va finir : sur le sol gelé avec une séance de gonflage inutile. Le mythe de Sisyphe version Trail.

À 5h je me lève car je dois faire 34 km pour aller à Cumbres Pass qui est le col où le CDT traverse la route qui mène à la ville de Chama. Il y a 18 km entre Cumbres Pass et Chama donc il faut recourir à l'auto stop. C'est d'ailleurs la 1ėre d'une longue série car à partir de maintenant, le Trail ne passe plus par des villes comme ce fut le cas jusqu'à maintenant. J'ai même vu qu'à un moment donné, il faut faire du stop pour une ville qui se trouve à plus de 60 km !

Donc je dois arriver à Cumbres Pass tôt afin d'avoir une chance de me faire prendre. Si j'arrive entre chien et loup ou à la nuit tombée, je n'ai aucune chance de me faire prendre en stop.

Je me mets en route et très rapidement je sens une gêne respiratoire. Ça fait plusieurs jours que je ressens cette gêne. Je pense même d'où elle provient. Je crois que c'est le mal des montagnes. Je viens de dormir à 3300 m d'altitude et mes premiers pas viennent de me faire monter à 3400 m.
A vrai dire, j'arrete pas de monter et descendre entre 2500 et 3000. Habituellement pour une sortie, on monte et on redescend dans la journée. Pas le temps d'être géné. Actuellement ça fait 5 jours que je fais le yoyo. Mon organisme semble se rebeller un peu. Ça lui passera et pour le Colorado ça va même monter à 4000 et on ne redescendra pas en dessous de 3000... Le seul problème avec le mal des montagnes est là non performance physique. Je monte comme un asmathique.

À 3400 la vue est imprenable. Elle me permet d'ailleurs de voir les premières montagnes du Colorado. C'est impressionnant comme elles semblent massives et couvertes de neige. Je me rassure en me disant qu'il s'agit des faces Nord. Dire que dans 2 jours je serai en train de crapahuter là dedans. Une autre aventure commence !

À midi, alors que j'ai fait mes 18 km (au lieu de 20 habituels - maudit mal des montagnes), je tombe encore sur une immense plaine herbeuse balayée par un vent déchaîné.

Une seule solution : en sortir si je veux pouvoir manger. Après une heure de marche, j'arrive dans un petit vallon encaissé protégé du vent. Je m'installe entre sapins et plaques de neige. Je ne lézarde pas longtemps car il est 14h et j'ai encore 11km à faire.

J'ai d'ailleurs raison de me méfier car je traverse des zones de forêt non entretenues. Encore des arbres couchés en travers du Trail. Les enjamber est épuisant et les contourner revient à patauger dans la boue à cause de la fonte des neiges. Et pendant ce temps, l'horloge tourne pour mon auto-stop.


Mes pieds de rebellent aussi. Ça fait trop longtemps que je leur impose une marche forcée dans des chaussures en ruine. De nouvelles douleurs apparaissent surtout au niveau de la voûte plantaire. Des chaussures toutes neuves nous attendent à Chama donc ce n'est pas le moment de faire un caprice. Le mieux est d'avancer pour atteindre l'objectif. De toute façon, il n'y a rien d'autre à faire. Mais mon pied droit est vraiment douloureux, j'espère ne pas me blesser...

Au sortir d'un bois, la vue se dégage sur toute la vallée où passe la route de Chama. C'est fabuleux !


Il y a des lacs et la route est doublé par la voie ferrée du train à vapeur de Chama. En effet, la ville dispose d'un des derniers trains historiques de l'époque du Far west. C'est bien sûr un train touristique mais j'espère bien pouvoir l'emprunter pour revenir sur le Trail.
D'ailleurs j'aperçois bientôt, la mignone petite gare jaune de Cumbres Pass.

Je suis arrivé. Il est 17h45. Je n'ai pas énormément de temps devant moi avant que la journée s'assombrisse.

Je m'installe sur le bas côté de la route en respectant les règles pour me faire prendre : pas de lunettes de soleil et pas de chapeau car il faut que l'on voit bien le visage, toutes les affaires dans le sac y compris les bâtons afin d'embarquer et débarquer dans rien oublier, être dans une zone où les véhicules vous voient longtemps à l'avance et disposent de place pour s'arrêter. Dernier point très important : sourire comme si c'était votre meilleur ami qui arrivait pour venir vous chercher. Si j'enchaîne les échecs, pas sur que mon sourire ne se fige pas rapidement.

J'ai bien respecté les consignes mais la route est peu fréquenté. Le peu de voitures qui passent m'ignore allègrement. Je ne peux pas leur en vouloir, est ce que je prendrai un espèce de clodo hirsute avec un sac à dos sur le bord de la route ?
En plus, je dégage une odeur épouvantable. Ma dernière douche remonte à 8 jours et je n'ai pas lavé les vêtements depuis 5 jours.

Je branche mon téléphone et j'ai du réseau. Je reçois plein de SMS en attente de mes hikers préférés que sont Natural et Finch. Ils me donnent même le no du portable d'un Trail Angel qui vient chercher les hikers qui restent plantés à Cumbres Pass. Je viens d'arriver. Je me donne jusqu'à 18h30 avant de l'appeler.

Je reprends donc la pause et le sourire. Ce dernier est plus détendu car j'ai une porte de sortie. Et visiblement ça fonctionne. Une gros 4x4 à plateau tirant un petit raft s'arrête. Je suis étonné car c'est une femme seule qui conduit. Habituellement, pour des raisons de sécurité bien évidentes, je suis loin d'être le candidat idéal.
Je me précipite vers la vitre conducteur en expliquant que je veux juste aller à Chama. L'accueil est un peu spécial car la conductrice me répond froidement qu'elle ne s'est pas où elle est et qu'elle ne sait pas où est Chama. Euh... Qu'est-ce que je dois faire ? Elle s'affaire alors sur le siège passager à trifouiller dans ses affaires. Petit moment de gène où je ne sais pas ce que je dois faire de moi. Elle relève alors la tête pour me dire que c'est bon. Toujours pour des raisons de sécurité, je lui demande si je monte sur le plateau arrière du 4x4. Et puis ça lui évitera de supporter mon odeur. Que nenni ! Elle me dit de mettre mon barda à l'arrière et de monter à côté d'elle.
Dès que je m'installe, elle m'offre un brownie d'une énorme boîte qui en contient pour un régiment. En fait elle part avec des amis descendre le Rio Chama avec son petit raft. Elle suit son GPS vers le lieu de rendez-vous ce qui  explique ce qu'elle m'a répondu. Elle fait beaucoup de marche et m'a pris parce qu'elle a compris que j'étais un hiker - sous entendu, pas un clodo. Elle est super gentille comme tous les gens que je croise ! Elle connaît le CDT car elle habite à Grand Lake qui est une ville par lequelle passe le Trail. Elle me donne son numéro pour que je la contacte quand je passerai pour que je rencontre sa petite famille.

Elle me dépose directement devant mon hôtel et m'offre une bière. Franchement je reste stupéfait de la gentillesse et de la spontanéité des personnes que je croise. C'est quelque chose qui n'existe plus chez nous où nous nous méfions tout le temps de tout le monde.

Au Motel, je retrouve Mathieu qui est là depuis 2 jours. Finch et Little Baby Ray partent demain matin car c'est la fin de la section du Nouveau Mexique. Pour eux, finies les vacances ! Nous décidons de partager un repas pour cette dernière soirée et bien sûr j'embarque Mathieu avec nous. Grosse séance d'anglais pour lui surtout avec des accents du sud. J'en souffre pour lui :-)



2 commentaires:

  1. Je souffre pour toi ....les nouvelles chaussures devraient le faire et j espère que tu as trouvé tous les trous de ton matelas ...

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    1. Oui j'ai mes nouvelles chaussures au pied pour les casser un peu avant le grand saut dans les montagnes du Colorado. C'est tellement bon d'être bien chaussé quand on marche toute la journée ! Et cet après-midi midi j'ai trouvé le trou de mon matelas. Toutes les étoiles sont alignés pour attaquer cette nouvelle aventure. Bises

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