Comme à chaque fois que je dors en fond de vallée près d'un point d'eau, je me réveille dans une humidité glaciale avec toutes mes affaires trempées. Aujourd'hui je préfère cela au manque d'eau même si ça reste très désagréable.
Mon corps me rappelle que la journée d'hier a été intense et qu'il préfère dormir à plat qu'en boule au fond de la tente pour cause de pente forte. Les muscles sont bien grippés au reveil...
Il y a 51 km à couvrir jusqu'à l'autoroute qui mène à Steamboat Springs. C'est trop pour moi dans l'état où je suis. Et ces 51 km ne possèdent aucun point d'eau. Je n'ai jamais vu cela même au Nouveau Mexique. Il doit y avoir une erreur sinon tout le monde en aurait parlé. J'embarque quand même 3 litres d'eau pour arriver jusqu'à ce soir.
Je suis au fond de la vallée et j'y reste. Pour tout dire, le sentier suit la rivière et la traverse plusieurs fois. On finit par prendre un ancien chemin, sûrement fermé à la circulation depuis le wilderness act, et on grimpe gentiment. Heureusement le Trail est bien entretenu.
Ce qui n'est pas le cas de mon physique qui ne suit pas dans la montée. J'ai du mal ce matin et un dirait un vieux croulant de 90 ans. Je ne supporte pas de me voir aussi lamentable.
À 10h j'arrive sur la crête, au dessus des arbres et sur un chemin pour 4x4.
En fait je vais suivre ce chemin toute la journée. Au début, il est en piteux état mais il s'améliore au fil des intersections.
Globalement il descend mais il n'oublie pas de me coller quelques montées bien abruptes pour me rappeler que je ne suis qu'un traîne savate. À midi, sous une chaleur écrasante, je décide de m'arrêter pour manger et me requinquer afin de modifier la tournure pathétique de cette journée. L'orage du jour décide de pointer son nez ce qui diminue la chaleur et m'oblige à reprendre la route plus tôt que je le souhaiterais.
Mais cette pause m'a revigoré et c'est d'un pas bien engagé que je reprends la route. Les heures s'égrènent entre gouttelettes de pluie et chemin en terre à perte de vue. Plus je descends, plus la civilisation est présente. Il y a d'abord des campeurs avec leur caravane plus grosse qu'une maison. Puis je passe devant des ranchs avec leur immense troupeau et des panneaux "propriété privée, défense de pénétrer".
Maintenant que je sais que les chemins sont public, ces panneaux ne me font aucun effet. D'ailleurs je finis par croiser un rancher avec son gros 4x4 et son énorme chapeau mais s'il me regarde fixement, il ne s'arrête pas pour me chasser. Je suis donc bien dans mon droit. Merci Paul le coureur des bois de m'avoir donné l'info.
À mon compteur j'ai parcouru 35 km et principalement des chemins de terre descendants, sinon je n'y serai pas arrivé.
De ce que je vois j'arrive sur une première route goudronnée qui elle même mène à l'autoroute. Bonne nouvelle, cette route semble bien fréquentée par toutes sortes de véhicules. Je ne veux même pas faire les 16 km restants sur le goudron à me faire tailler des shorts par les voitures. Je vais donc faire du stop immédiatement en essayant de me faire conduire à Steamboat Springs.
Lorsque j'arrive sur la route, je suis attaqué par des vagues monstrueuses de moustiques. Je n'en ai jamais vu autant de ma vie. Pourtant le Québec m'avait déjà donné un aperçu de ce que peut être ce cauchemar. En fait, tout autour de moi il n'y a que des marécages qui s'étendent sur des kilomètres. Je suis tellement couvert que mes mains deviennent noires quand j'écrase les moustiques sur mes jambes. Je me mets précipitamment du Deet, ce répulsif à moustiques surpuissant. Dans ma précipitation, je m'en mets même dans l'oeil. Je confirme que ça brûle :-) Je me mets sur le bas côté et je prie pour qu'une voiture s'arrête rapidement. Je ne tiendrai pas longtemps dans ces conditions. En plus, je ne peux ni dormir sur place pour refaire du stop demain, ni marcher sur la route à travers les marécages pendant des heures. Il est 17h30 et il faut qu'un bon samaritain me prenne rapidement avant que je sois dévoré sur pieds.
Il y un Dieu pour les hikers dans la panade car au bout de 10 min une voiture s'arrête. Je me débats avec les moustiques ce qui crée un quiproquo, le conducteur croyant que je lui demande de ne pas s'arrêter. Quand il voit mes grands signes désespérés, il stoppe à nouveau son véhicule. Petit coup d'adrénaline pour moi afin de compléter le tableau.
Le temps d'ouvrir la portière arrière pour mettre mon sac à dos et de grimper à l'avant, ce sont des centaines de moustiques qui ont investi la voiture. Nous devons rouler les vitres ouvertes pour les chasser et passons le reste du trajet à les écraser.
Le conducteur, Devon est un ange. Il est professeur dans une organisation caritative pour aider les élèves en détresse. Autant dire qu'il n'a pas voté Trump et ne se gène pas pour le dire. Il est très cultivé. À chaque fois, je tombe sur des gens qui connaissent bien l'Europe et qui ont une vraie culture générale. C'est peut être les gens intelligents qui prennent les auto-stoppeurs ;-)
Nous parlons littérature, politique, économie et... Football car la France a gagné contre l'Argentine. Au fond de mon Trail, je suis en train de passer à côté de cet événement qui doit passionner la France. Il me lâche à l'entrée de la ville. J'utilise ma connexion Internet pour trouver un hôtel. Pour la 4eme fois, il n'y a plus de places et les prix ont flambé. Il y a 3 évènements en même temps dans la ville dont un rodéo, un concert et un tournoi de rugby.
Une annulation se produit pendant que je cherche et j'obtiens une chambre à 200$ pour un deux étoiles. Plus ça va, plus je paye cher. Il est 18h30 et je n'ai pas le choix et je me vois mal repartir demain matin sur le Trail. Il me faut un jour de plus. Heureusement pendant que je fais mon check-in à l'hôtel, une chambre s'annule pour le lendemain. Je la prends aussi sec même si je dois payer 400$ pour le séjour. À pied, je suis pris au piège. En voiture, j'aurai pu fuir dans une ville plus tranquille et moins chère.
J'ai invité Devon à prendre une bière pour continuer notre conversation et le remercier de m'avoir sauvé la vie. Le temps de laver mes affaires - ce que je fais 2 fois -, Devon me récupère à l'hôtel et m'amène dans le bar branché du coin. Nous y rencontrons sa sœur qui est aussi présente par hasard dans le même endroit. Je fais sa connaissance et nous allons tous les 3 prendre un Hot dog. J'ai décidé de profiter pour aller voir le rodéo demain et Devon m'accompagnera peut être si ses obligations familiales le lui permettent. Encore une fois, je suis tombé sur une personne adorable. C'est ça la vraie magie du Trail...
Mon corps me rappelle que la journée d'hier a été intense et qu'il préfère dormir à plat qu'en boule au fond de la tente pour cause de pente forte. Les muscles sont bien grippés au reveil...
Il y a 51 km à couvrir jusqu'à l'autoroute qui mène à Steamboat Springs. C'est trop pour moi dans l'état où je suis. Et ces 51 km ne possèdent aucun point d'eau. Je n'ai jamais vu cela même au Nouveau Mexique. Il doit y avoir une erreur sinon tout le monde en aurait parlé. J'embarque quand même 3 litres d'eau pour arriver jusqu'à ce soir.
Je suis au fond de la vallée et j'y reste. Pour tout dire, le sentier suit la rivière et la traverse plusieurs fois. On finit par prendre un ancien chemin, sûrement fermé à la circulation depuis le wilderness act, et on grimpe gentiment. Heureusement le Trail est bien entretenu.
Ce qui n'est pas le cas de mon physique qui ne suit pas dans la montée. J'ai du mal ce matin et un dirait un vieux croulant de 90 ans. Je ne supporte pas de me voir aussi lamentable.
À 10h j'arrive sur la crête, au dessus des arbres et sur un chemin pour 4x4.
En fait je vais suivre ce chemin toute la journée. Au début, il est en piteux état mais il s'améliore au fil des intersections.
Globalement il descend mais il n'oublie pas de me coller quelques montées bien abruptes pour me rappeler que je ne suis qu'un traîne savate. À midi, sous une chaleur écrasante, je décide de m'arrêter pour manger et me requinquer afin de modifier la tournure pathétique de cette journée. L'orage du jour décide de pointer son nez ce qui diminue la chaleur et m'oblige à reprendre la route plus tôt que je le souhaiterais.
Mais cette pause m'a revigoré et c'est d'un pas bien engagé que je reprends la route. Les heures s'égrènent entre gouttelettes de pluie et chemin en terre à perte de vue. Plus je descends, plus la civilisation est présente. Il y a d'abord des campeurs avec leur caravane plus grosse qu'une maison. Puis je passe devant des ranchs avec leur immense troupeau et des panneaux "propriété privée, défense de pénétrer".
Maintenant que je sais que les chemins sont public, ces panneaux ne me font aucun effet. D'ailleurs je finis par croiser un rancher avec son gros 4x4 et son énorme chapeau mais s'il me regarde fixement, il ne s'arrête pas pour me chasser. Je suis donc bien dans mon droit. Merci Paul le coureur des bois de m'avoir donné l'info.
À mon compteur j'ai parcouru 35 km et principalement des chemins de terre descendants, sinon je n'y serai pas arrivé.
De ce que je vois j'arrive sur une première route goudronnée qui elle même mène à l'autoroute. Bonne nouvelle, cette route semble bien fréquentée par toutes sortes de véhicules. Je ne veux même pas faire les 16 km restants sur le goudron à me faire tailler des shorts par les voitures. Je vais donc faire du stop immédiatement en essayant de me faire conduire à Steamboat Springs.
Lorsque j'arrive sur la route, je suis attaqué par des vagues monstrueuses de moustiques. Je n'en ai jamais vu autant de ma vie. Pourtant le Québec m'avait déjà donné un aperçu de ce que peut être ce cauchemar. En fait, tout autour de moi il n'y a que des marécages qui s'étendent sur des kilomètres. Je suis tellement couvert que mes mains deviennent noires quand j'écrase les moustiques sur mes jambes. Je me mets précipitamment du Deet, ce répulsif à moustiques surpuissant. Dans ma précipitation, je m'en mets même dans l'oeil. Je confirme que ça brûle :-) Je me mets sur le bas côté et je prie pour qu'une voiture s'arrête rapidement. Je ne tiendrai pas longtemps dans ces conditions. En plus, je ne peux ni dormir sur place pour refaire du stop demain, ni marcher sur la route à travers les marécages pendant des heures. Il est 17h30 et il faut qu'un bon samaritain me prenne rapidement avant que je sois dévoré sur pieds.
Il y un Dieu pour les hikers dans la panade car au bout de 10 min une voiture s'arrête. Je me débats avec les moustiques ce qui crée un quiproquo, le conducteur croyant que je lui demande de ne pas s'arrêter. Quand il voit mes grands signes désespérés, il stoppe à nouveau son véhicule. Petit coup d'adrénaline pour moi afin de compléter le tableau.
Le temps d'ouvrir la portière arrière pour mettre mon sac à dos et de grimper à l'avant, ce sont des centaines de moustiques qui ont investi la voiture. Nous devons rouler les vitres ouvertes pour les chasser et passons le reste du trajet à les écraser.
Le conducteur, Devon est un ange. Il est professeur dans une organisation caritative pour aider les élèves en détresse. Autant dire qu'il n'a pas voté Trump et ne se gène pas pour le dire. Il est très cultivé. À chaque fois, je tombe sur des gens qui connaissent bien l'Europe et qui ont une vraie culture générale. C'est peut être les gens intelligents qui prennent les auto-stoppeurs ;-)
Nous parlons littérature, politique, économie et... Football car la France a gagné contre l'Argentine. Au fond de mon Trail, je suis en train de passer à côté de cet événement qui doit passionner la France. Il me lâche à l'entrée de la ville. J'utilise ma connexion Internet pour trouver un hôtel. Pour la 4eme fois, il n'y a plus de places et les prix ont flambé. Il y a 3 évènements en même temps dans la ville dont un rodéo, un concert et un tournoi de rugby.
Une annulation se produit pendant que je cherche et j'obtiens une chambre à 200$ pour un deux étoiles. Plus ça va, plus je paye cher. Il est 18h30 et je n'ai pas le choix et je me vois mal repartir demain matin sur le Trail. Il me faut un jour de plus. Heureusement pendant que je fais mon check-in à l'hôtel, une chambre s'annule pour le lendemain. Je la prends aussi sec même si je dois payer 400$ pour le séjour. À pied, je suis pris au piège. En voiture, j'aurai pu fuir dans une ville plus tranquille et moins chère.
J'ai invité Devon à prendre une bière pour continuer notre conversation et le remercier de m'avoir sauvé la vie. Le temps de laver mes affaires - ce que je fais 2 fois -, Devon me récupère à l'hôtel et m'amène dans le bar branché du coin. Nous y rencontrons sa sœur qui est aussi présente par hasard dans le même endroit. Je fais sa connaissance et nous allons tous les 3 prendre un Hot dog. J'ai décidé de profiter pour aller voir le rodéo demain et Devon m'accompagnera peut être si ses obligations familiales le lui permettent. Encore une fois, je suis tombé sur une personne adorable. C'est ça la vraie magie du Trail...
Devon et sa sœur,
aussi adorable l'un que l'autre.
C'est super de rencontrer de belles personnes et de traverser de beaux paysages! courage à Némo.
RépondreSupprimergrosses bises
Je suis bien d'accord que j'ai beaucoup de chance. Je crois que je vais continuer de faire le Trail encore un peu :-) Bises
SupprimerTon voyage est épatant également sur ce côté humain. J'ai toujours été touché par la gentillesse de beaucoup d'américains que j'ai rencontrés mais là, quand on voit ce que certains font pour rendre service de façon parfois anonyme, on peut croire en l'humanité. C'est bouleversant et ça me rend heureux
RépondreSupprimerLe côté humain est un aspect des plus importants dans ce voyage. La beauté des voyages n'aurait pas suffit à le rendre aussi unique. Et je suis en permanence épaté par leur gentillesse.
SupprimerJe profite pour te dire que j'ai regardé pour la 1ère jeep sur le Mount Elbert (anglais) . L'ascension s'est faite en 1949 et le but était surtout de voir si on pourrait faire une station de ski. Je n'ai pas trouvé le nom de la personne qui a fait cette ascension: il semblerait qu'en fait, c'est tout un groupe qui accompagnait la jeep mais quelques bribes d'info par-ci par-là ne suffisent pas à faire une vraie histoire
RépondreSupprimerLa date correspond et il est donc bien monté une jeep au sommet du Mont Elbert. A priori, Paul ne m'a pas raconté n'importe quoi. Pour l'avoir fait à pied c'est clairement un exploit même s'ils étaient tout un groupe.
SupprimerLes moustiques du Québec, une célébrité. Tous ceux qui ont un peu randonné au Québec comprennent très bien l'horreur de ce que tu as traversé. Je relis ce que tu écris pour me remettre en mémoire les passages précédents avant de reprendre les nouvelles aventures. Je note alors encore plus tous ces moments difficiles que tu décris: cela peut paraître des anecdotes mais quand on s'est retrouvé dans des situations approchantes, on comprend parfaitement ce que tu as dû affronter. Je pense que du coup tu comprends pourquoi je suis autant admiratif: c'est parce que je sais ce que cela peut être. Tu es modeste et je ne reviendrai donc pas sur ces propos pour ne pas te mettre mal à l'aise mais s'il faut rester modeste, il faut aussi savoir apprécier ses qualités.
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