Je me suis couché à minuit hier soir pour parler à la petite famille. Je me réveille à 5h, prêt à replonger au moins jusqu'à 7h quand quelque chose me titille. Je n'ai pas eu de réponse de la société qui va s'occuper du rapatriement de mes fils après notre randonnée commune. Je n'en reviens pas que ça me soit sorti de la tête. Dans ma vie "normale", je suis au quotidien une palenque de problèmes en parallèle. Là, je n'ai qu'un seul et unique souci et j'ai réussi à l'oublier. J'e n'en reviens pas. Le rythme du Trail a changé mes priorités..
Maintenant que j'y pense, il n'est plus question de dormir. Douche, bouclage du sac, coups de téléphone... Et direction le restaurant collé au Motel qui vient tout juste d'ouvrir. J'y ai déjà fait une descente hier soir. J'ai avalé une pizza 8 parts taille américaine XXL. La serveuse m'a prévenu que c'était un peu trop gros pour moi tout seul. C'est vrai que quand j'ai vu arriver la chose, je pensais ne pas pouvoir finir. Mais la pizza n'a pas touché terre et j'ai pris une tarte maison derrière. La serveuse m'a donné un drôle de coup d'œil quand je lui ai demandé la carte des desserts. Visiblement ils ne sont pas encore familiers avec les hikers.
Ce matin je viens pour le petit déjeuner et c'est une serveuse différente. Elle sera toute aussi étonnée quand, ayant fini mon 1er petit déjeuner oeuf, patates, bacon et saucisse, je lui commande un 2eme à base de gaufres. Elle aussi me regarde bizarrement car je n'ai pas du tout le physique de mes commandes avec mon air maigrichon.
À 9h, je suis prêt à partir. Il faut que je retourne à Battle Pass à 24 km où se trouve le CDT. Et à Encampment, je n'ai pas de plan B pour y aller à pied. Il faut que le stop fonctionne alors que je suis sur une route secondaire peu fréquentée.
Comme je referme la porte de ma chambre, je vois un 4x4 qui arrive sur la route. Je lève le pouce en me dirigeant vers le bord de la chaussée. Et le 4x4 s'arrête à mon niveau ! J'ai battu tous les records : j'ai été pris en stop avant d'arriver sur le bord de la route.
Seul Bémol, le chauffeur ne va pas à Battle Pass mais part dans une autre section du parc s'amuser des amis en 4x4. Il me laisse sur la route à 8 km du col.
Je refais du stop pour compléter le trajet. Je peux faire la distance restante à pied mais j'en ai pour 2 heures. En plus je déteste le goudron, sans compter le danger que cela représente avec les camions remplis de bois qui circulent sur cette route.
Je m'aperçois rapidement que la circulation est quasi nulle. Je me donne une demi heure et je prendrai la route en désespoir de cause. Quelques voitures passent mais la plupart tourne au même endroit que mon premier chauffeur. Je commence sérieusement à douter quand enfin un 4x4 daigne s'arrêter. Victoire je n'aurai pas à manger du goudron !
Il s'agit d'un couple de retraités de Encampment qui vont passer quelques jours dans leur "cabin" dans les bois. Ils sont, comme tous ceux que je rencontre, d'une gentillesse extrême. Madame qui conduit a travaillé pendant 25 ans pour les eaux et forêts. Elle connait tous les Trails et bien évidemment le CDT. Elle m'amène donc directement dans la forêt au début du sentier.
Comme à chaque départ de col, il faut monter. J'ai bien étudié le trajet et c'est la dernière montée dans les Rocheuses du Colorado/Wyoming. Derrière, nous allons descendre jusqu'à la plaine pour y rester et traverser le désert du Grand Bassin.
Aujourd'hui je me sens différent des autres reprises. Déjà, je suis reposé, du moins plus serein. Encampment est tellement petit que je n'ai pas eu à bouger. Le problème des courses était même inexistant. Le transport s'est vraiment bien passé par rapport à tout le mal qu'on m'en avait dit.
Je suis sur le Trail à 10h. Je me sens dans mon élément et le confort de la ville ne me manque absolument pas. Je dors mieux sous la tente. Cette nuit il faisait une chaleur épouvantable dans ma chambre. Je n'ai plus l'habitude d'avoir chaud la nuit. J'ai vraiment l'impression d'appartenir au Trail maintenant. En fait je crois que je suis drogué au Trail et que je suis même complètement addict. Pamela me demandait comment on peut marcher toute la journée. Là je me demande comment on peut faire autre chose que marcher toute la journée tellement on est bien. Je pense que le fait d'avoir dépassé la moitié du voyage me fait prendre conscience que j'en ai moins devant moi que derrière. Un peu comme ma vie. Je viens de basculer dans la maturité de mon voyage sur le CDT et je dois profiter de chaque instant. Quand je serai arrivé au Canada, je ne pourrai plus ressentir ce que je vis depuis plus de 2 mois. Cette dernière montée me rend nostalgique du Colorado et de ses sommets que je ne retrouverai plus sur le reste du trajet, du moins pas à ces altitudes. Une autre page se tourne après le désert du Nouveau Mexique. J'ai encore soif de tous ces paysages passés et des nouveaux qui m'attendent. Encore une fois, les parallèles avec la vie sont saisissants. Le Nouveau Mexique était mes 20 ans oû je fonçais sans finesse tout en force et en faisant des erreurs pour montrer que j'étais moi aussi capable. Le Colorado était mes 30 ans où je remplaçais la vitesse par la construction de mes parcours pour bâtir de nouvelles sensations. Le Wyoming sera mes 40 ans où je rechercherai le plaisir plutôt que l'exploit et oú je partagerai avec mes enfants. Pour le Montana, on verra plus tard parce que j'ai plus de 1000 bornes avant d'y arriver :-) Mais j'ai une vague idée de comment je vais l'aborder.
Quoiqu'il en soit, je finis par sortir la tête des arbres et je suis récompensé de mes efforts. À gauche, la plaine du Wyoming avec au fond le désert qui montre ses premiéres couleurs.
À droite, le Colorado et ses montagnes qui me font un signe de la main pour me dire au revoir. On s'est bien amusé ensemble...
Après la montée qui nous a amené au sommet Bridger à 3342 m, voici la descente...
Et qui dit descente dit plongée dans les arbres. La forêt est très dense et la lumière du soleil à du mal à pénétrer. Plus on descend, plus la densité augmente. Je pense que tant que nous ne serons pas dans la plaine, nous serons au milieu de la forêt. Je ne ferai pas beaucoup de photos...
Je profite d'une remontée et d'une clairière pour planter ma tente. Il est 18h30 et il fait tellement chaud que je me mets derrière un arbre. Nous sommes à 2700 m d'altitude. Le soleil est bien haut dans le ciel et aucune montagne ne va le cacher. Il faut que je change mes points de repère. Ceux du Colorado ne fonctionnent plus. Il me semble qu'il est bien trop tôt pour s'arrêter...
Mais pour le moment, je fais comme j'en ai pris l'habitude. Quand je me glisse dans mon duvet, j'entends un espèce de grognement dehors. Je suis incapable d'identifier l'animal. Le bruit se reproduit plusieurs fois. Je sors pour voir la bête mais si j'entends d'où vient le grognement, je ne vois rien. Les grognements se poursuivent et bientôt c'est un puis deux congénères qui répondent. Comme il fait nuit, je ne verrai pas les animaux. J'espère juste qu'ils ne feront pas leur réunion autour de ma tente ;-) J'entends clairement des bruits de pattes qui cassent des branches. Il s'agit donc de daims ou d'élans. Un ours ne ferait pas ce type de bruit. Le grognement est donc un brâme de cerf.
Me voilà rassuré...
Maintenant que j'y pense, il n'est plus question de dormir. Douche, bouclage du sac, coups de téléphone... Et direction le restaurant collé au Motel qui vient tout juste d'ouvrir. J'y ai déjà fait une descente hier soir. J'ai avalé une pizza 8 parts taille américaine XXL. La serveuse m'a prévenu que c'était un peu trop gros pour moi tout seul. C'est vrai que quand j'ai vu arriver la chose, je pensais ne pas pouvoir finir. Mais la pizza n'a pas touché terre et j'ai pris une tarte maison derrière. La serveuse m'a donné un drôle de coup d'œil quand je lui ai demandé la carte des desserts. Visiblement ils ne sont pas encore familiers avec les hikers.
Ce matin je viens pour le petit déjeuner et c'est une serveuse différente. Elle sera toute aussi étonnée quand, ayant fini mon 1er petit déjeuner oeuf, patates, bacon et saucisse, je lui commande un 2eme à base de gaufres. Elle aussi me regarde bizarrement car je n'ai pas du tout le physique de mes commandes avec mon air maigrichon.
À 9h, je suis prêt à partir. Il faut que je retourne à Battle Pass à 24 km où se trouve le CDT. Et à Encampment, je n'ai pas de plan B pour y aller à pied. Il faut que le stop fonctionne alors que je suis sur une route secondaire peu fréquentée.
Comme je referme la porte de ma chambre, je vois un 4x4 qui arrive sur la route. Je lève le pouce en me dirigeant vers le bord de la chaussée. Et le 4x4 s'arrête à mon niveau ! J'ai battu tous les records : j'ai été pris en stop avant d'arriver sur le bord de la route.
Seul Bémol, le chauffeur ne va pas à Battle Pass mais part dans une autre section du parc s'amuser des amis en 4x4. Il me laisse sur la route à 8 km du col.
Je refais du stop pour compléter le trajet. Je peux faire la distance restante à pied mais j'en ai pour 2 heures. En plus je déteste le goudron, sans compter le danger que cela représente avec les camions remplis de bois qui circulent sur cette route.
Je m'aperçois rapidement que la circulation est quasi nulle. Je me donne une demi heure et je prendrai la route en désespoir de cause. Quelques voitures passent mais la plupart tourne au même endroit que mon premier chauffeur. Je commence sérieusement à douter quand enfin un 4x4 daigne s'arrêter. Victoire je n'aurai pas à manger du goudron !
Il s'agit d'un couple de retraités de Encampment qui vont passer quelques jours dans leur "cabin" dans les bois. Ils sont, comme tous ceux que je rencontre, d'une gentillesse extrême. Madame qui conduit a travaillé pendant 25 ans pour les eaux et forêts. Elle connait tous les Trails et bien évidemment le CDT. Elle m'amène donc directement dans la forêt au début du sentier.
Comme à chaque départ de col, il faut monter. J'ai bien étudié le trajet et c'est la dernière montée dans les Rocheuses du Colorado/Wyoming. Derrière, nous allons descendre jusqu'à la plaine pour y rester et traverser le désert du Grand Bassin.
Aujourd'hui je me sens différent des autres reprises. Déjà, je suis reposé, du moins plus serein. Encampment est tellement petit que je n'ai pas eu à bouger. Le problème des courses était même inexistant. Le transport s'est vraiment bien passé par rapport à tout le mal qu'on m'en avait dit.
Je suis sur le Trail à 10h. Je me sens dans mon élément et le confort de la ville ne me manque absolument pas. Je dors mieux sous la tente. Cette nuit il faisait une chaleur épouvantable dans ma chambre. Je n'ai plus l'habitude d'avoir chaud la nuit. J'ai vraiment l'impression d'appartenir au Trail maintenant. En fait je crois que je suis drogué au Trail et que je suis même complètement addict. Pamela me demandait comment on peut marcher toute la journée. Là je me demande comment on peut faire autre chose que marcher toute la journée tellement on est bien. Je pense que le fait d'avoir dépassé la moitié du voyage me fait prendre conscience que j'en ai moins devant moi que derrière. Un peu comme ma vie. Je viens de basculer dans la maturité de mon voyage sur le CDT et je dois profiter de chaque instant. Quand je serai arrivé au Canada, je ne pourrai plus ressentir ce que je vis depuis plus de 2 mois. Cette dernière montée me rend nostalgique du Colorado et de ses sommets que je ne retrouverai plus sur le reste du trajet, du moins pas à ces altitudes. Une autre page se tourne après le désert du Nouveau Mexique. J'ai encore soif de tous ces paysages passés et des nouveaux qui m'attendent. Encore une fois, les parallèles avec la vie sont saisissants. Le Nouveau Mexique était mes 20 ans oû je fonçais sans finesse tout en force et en faisant des erreurs pour montrer que j'étais moi aussi capable. Le Colorado était mes 30 ans où je remplaçais la vitesse par la construction de mes parcours pour bâtir de nouvelles sensations. Le Wyoming sera mes 40 ans où je rechercherai le plaisir plutôt que l'exploit et oú je partagerai avec mes enfants. Pour le Montana, on verra plus tard parce que j'ai plus de 1000 bornes avant d'y arriver :-) Mais j'ai une vague idée de comment je vais l'aborder.
Quoiqu'il en soit, je finis par sortir la tête des arbres et je suis récompensé de mes efforts. À gauche, la plaine du Wyoming avec au fond le désert qui montre ses premiéres couleurs.
À droite, le Colorado et ses montagnes qui me font un signe de la main pour me dire au revoir. On s'est bien amusé ensemble...
Après la montée qui nous a amené au sommet Bridger à 3342 m, voici la descente...
Et qui dit descente dit plongée dans les arbres. La forêt est très dense et la lumière du soleil à du mal à pénétrer. Plus on descend, plus la densité augmente. Je pense que tant que nous ne serons pas dans la plaine, nous serons au milieu de la forêt. Je ne ferai pas beaucoup de photos...
Je profite d'une remontée et d'une clairière pour planter ma tente. Il est 18h30 et il fait tellement chaud que je me mets derrière un arbre. Nous sommes à 2700 m d'altitude. Le soleil est bien haut dans le ciel et aucune montagne ne va le cacher. Il faut que je change mes points de repère. Ceux du Colorado ne fonctionnent plus. Il me semble qu'il est bien trop tôt pour s'arrêter...
Mais pour le moment, je fais comme j'en ai pris l'habitude. Quand je me glisse dans mon duvet, j'entends un espèce de grognement dehors. Je suis incapable d'identifier l'animal. Le bruit se reproduit plusieurs fois. Je sors pour voir la bête mais si j'entends d'où vient le grognement, je ne vois rien. Les grognements se poursuivent et bientôt c'est un puis deux congénères qui répondent. Comme il fait nuit, je ne verrai pas les animaux. J'espère juste qu'ils ne feront pas leur réunion autour de ma tente ;-) J'entends clairement des bruits de pattes qui cassent des branches. Il s'agit donc de daims ou d'élans. Un ours ne ferait pas ce type de bruit. Le grognement est donc un brâme de cerf.
Me voilà rassuré...
bonjour Némo, excellent ce passage du CDT à la "vie", tout un parallèle dans un cadre merveilleux. Qu'en est -il de Laurent face à Némo?
RépondreSupprimertoutes nos pensées positives t'accompagnent encore et toujours et nous "voyons" avec plaisir ton grand bonheur.
Grosses bises de Ganesh et Shiva
Ces derniers vont pour un temps se transformer en "Sékou" et "Naïa" dans l'aventure zambienne, seuls dans la brousse....nous ne pourrons donc pas toujours prendre de tes nouvelles. Bonne route!
J'ai peur que Laurent soit resté en France. Némo n'existe que par et pour le Trail. Il repartira d'où il est venu lorsque la frontière Canadienne sera passée, mais prêt à ressurgir lorsque ça sera nécessaire.
SupprimerJe vous souhaite un merveilleux voyage en espérant que votre expérience soit encore plus belle que la mienne. Happy Trails!
Magnifique, que ce soit ce que tu écris ou ce que tu vois et vis.
RépondreSupprimerJ’adore tes pensées: tu es dans ce que certains voyageurs ressentent quand c’est leur vie de voyager. Même si cela s’arrete un jour, on en ressort riche et heureux. Savoure chacun de ces instants, tous ces sourires échangés avec ces inconnus que tu ne reverras probablement jamais mais qui seront toujours dans ta memoire. Il en est de même pour les paysages et tu te surprendras un jour a revivre ces moments quand la vie te laissera un peu de temps pour replonger dans ces moments forts du passé. On n’oublie jamais une telle experience et c’est ce qu’on appelle notre richesse. Enjoy!
Merci beaucoup pour ce commentaire. Je sais que tu es dans le vrai. Ce sont les raisons principales qui font que les petites misères sont vite oubliées face à l'immense richesse que l'on retire au quotidien. "Hiking is the answer. Who cares what the question is" ;-)
SupprimerCela fait plaisir de voir comment tu savoures ces instants et que la contemplation t’amene à la méditation. C’est tres beau ce que tu ecris. Tu me fais penser a une phrase d’un penseur qui disait grosso modo que pour se trouver, il faut se perdre
RépondreSupprimerMerci. Pour me perdre, je ne suis pas mauvais. C'est pour me trouver que je suis moins bon. Mais je travaille dur sur le problème tous les jours :-)
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