samedi 14 juillet 2018

14 Juillet - Fetnat Dans Le Désert

Les cervidés ont recommencé leurs échanges vocaux au lever du soleil. À priori c'est la saison des amours. Je préfèrais le chant des oiseaux. Enfin un réveil naturel est toujours bon à prendre...

Je rejoins le Trail que j'ai quitté hier soir pour aller me cacher au fond des bois.  Juste après quelques pas sur le sentier, les signes du CDT m'envoie sur la crête. J'ai beau regarder tous les tracés que je possède, c'est complètement nouveau. Le crête est totalement dégagée donc je ne risque rien. Au pire, je redescends pour reprendre l'ancien chemin.
Bien évidemment suivre la crête est autrement plus physique que d'être à fond de vallon. Mais je serai bientôt dans le désert et je n'aurai plus de montagne à portée de main avant un moment, donc autant se faire plaisir une dernière fois.


Le nouveau sentier est vraiment bien entretenu. Chaque fois que je rentre dans une forêt, tous les arbres qui gênaient ont été coupés à la tronçonneuse. Ça change la vie par rapport au parcours du combattant façon hiker. C'était d'ailleurs bien nécessaire car certaines zones des forêts font peur à voir devant le nombre d'arbres morts qui s'entremêlent sur le sol.

Alors que je vais pour traverser un chemin, un 4x4 s'arrête devant moi. Je ne l'ai pas vu mais il y a un portail que le conducteur doit ouvrir pour continuer sa route. Quoiqu'il en soit je discute avec lui et il me pose la question classique grâce à mon "léger" accent quand je parle anglais "D'où venez vous ?". À ma réponse, il me tend la main que je serre et il me dit "Welcome to America!". Sincèrement ce geste me touche et surtout il m'interpelle. Quand est ce que j'ai serré la main d'un étranger et lui souhaitant "Bienvenu en France !". La réponse est désespérante : tout simplement jamais ! Pourquoi une telle différence de comportement envers les touristes entre nos 2 peuples ? Je pense que nous avons un problème d'éducation et de savoir vivre qui nous porte préjudice. Je trouve les Américains beaucoup plus détendus et heureux que nous. Et pourtant leur vie est nettement plus précaire que la nôtre. Nous ne voyons plus tout ce que nous avons par rapport aux autres...

Ceci me fait penser à l'intégration dans la communauté des hikers. Comme toute communauté, elle a ses codes, son vocabulaire, son matériel, ses champions ultralights... D'un autre côté, c'est complètement faux. Tout le monde peut être un hiker. Il suffit de mettre une paire de chaussures et de marcher. Et qu'importe la durée, où l'on va et pourquoi. Il n'est même pas nécessaire de fréquenter les autres hikers. Il n'y a pas d'âge, de religion ou de couleur de peau qui rentre en jeu. On est accepté de facto par tout  autre hiker que l'on croise. Je ne pense pas qu'il y ait une autre communauté qui soit aussi ouverte par essence. Est ce le dernier repère de liberté dans un monde où tout est codifié ? Est ce que ce sont les nouveaux hippies ? Pourtant la démarche est très individuelle car chacun se retrouve avec son challenge et ses souffrances. Il n'y a pas d'objectif mis à part le dépassement de soi même. Et quand le chemin prend fin, tous rentrent dans le rang même si c'est temporaire jusqu'à la prochaine fois. Ce n'est donc pas un mouvement et pourtant ils sont de plus en plus nombreux à faire le pas. Ce n'est sûrement pas politique mais c'est une prise de conscience de notre environnement, de l'écologie et d'une recherche spirituelle. En tout cas c'est plus sain que le sexe, drogue et rock'n'roll des années 70, même si la portée sera beaucoup moins grande. Pour l'instant tout cela reste assez confidentiel  (4000 hikers sur le PCT en 2017 quand même) mais je suis curieux de voir ce qu'il va sortir de tout cela...

De mon côté, c'est du bois dont je sors. Devant moi s'étale le désert à perte de vue. C'est assez étonnant comment le passage est brutal. On est sur des crêtes basculant de zones dégagées à des bois impénétrables et soudain plus un seul arbre à des km à la ronde.


Le désert du Wyoming est très différent de celui du Nouveau Mexique. Il s'agit d'une succession de vallons où l'on retrouve la même végétation composé d'une herbe rase et brûlée au mois de juillet, plantée d'arbustes qui s'élèvent au niveau de la cheville et quelques fois au niveau des genoux.

La vie animale semble très similaire à celle du Nouveau Mexique. Des tout petits lézards moins préhistoriques que leur homologues de la frontière mexicaine.

Un serpent lui aussi tout petit et rien à voir avec un serpent à sonnettes. D'ailleurs il y en a peut être au Wyoming, je ne sais pas..

Une biche et ses 2 faons, dans une zone où en contrebas il y a quelques bouleaux rabougris. Il doit y avoir de l'eau pour que ces arbres poussent.

Ah l'eau ! Le retour du gros problème de l'eau de par sa rareté. Il faut gérer les points d'eau et charger son sac de la quantité nécessaire. J'ai transporté et consommé 5 litres d'eau dans l'après midi. En gros ma consommation est montée à 1 litre par heure de marche.

Car le soleil cogne fort. Après le repas de midi, j'ai sorti mon parapluie de combat pour me protéger du soleil et me faire de l'ombre. J'étais sur une portion de route et la seule voiture que j'ai croisée s'est arrêtée pour me demander si j'avais besoin d'eau. Le même comportement qu'au Nouveau Mexique.

J'arrive à une intersection et un choix Cornélien s'impose. À ma droite, la route goudronnée qui mène à Rawlins en 60 km. À ma gauche, un chemin de terre qui s'enfonce dans le désert et qui me mènera à Rawlins en 90 km. Au moins un jour de marche d'écart entre les deux solutions.
Devinez où je suis parti... Ben oui bien sûr !

En aucun cas, je ne vais marcher sur une route. Autant faire de l'auto stop à y être.
Je m'engage donc sur un chemin pour 4x4. Pas question de couper à travers champs avec tous ces buissons. Je vois qu'il y a une seule trace de semelles qui est passée avant moi. Ça veut dire que sur les dizaines de hikers qui me précèdent, seul un marcheur est passé par le désert. Tous les autres ont pris la route... C'est sûrement la seule option offerte par l'application Guthook que tout le monde utilise aveuglément. Je vais encore prendre une alternative et une journée de retard par rapport aux autres. Hike your own hike!

Je retrouve rapidement mes marques dans le désert. Ça me semble une éternité mais j'étais dans le Nouveau Mexique le mois dernier seulement. Ce n'est pas si vieux. Les vallons ne permettant pas d'aller aussi vite que sur du plat mais ça se passe bien. À 18h30, j'ai parcouru 34 km. Il est temps de s'arrêter. J'ai 2 litres d'eau pour le bivouac mais plus grand chose dans mon Camelback. L'eau redevient un problème. Le prochain point d'eau est à 8 km. Demain il faudra serrer les dents.

Il n'est pas facile de trouver un endroit où camper. Tout est exposé au vent et les buissons ne permettent pas d'étaler une tente. Je choisis un creux de vallon pour me protéger du vent et je m'éloigne de la route pour me cacher des rangers (on ne sait jamais ce qui est public ou privé ici).
J'ai une vue imprenable sur la vallée où j'installe ma chambre à coucher et ma cuisine juste à côté :-)
C'est un très bel endroit pour dormir !

2 commentaires:

  1. Je sens que l'on va avoir de longues discussions/débats sur ce que tu dis dans la premère partie de ton texte, je me réjouis. Bonne chance avec ton deuxième desert ...

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    1. C'est toujours avec plaisir que j'aurai des débats avec toi surtout si nous faisons cela autour d'un verre - où même plusieurs ;-) - Mais une chose est sûre j'ai toujours reçu un accueil exceptionnel partout où je suis allé. Je ne peux pas en dire autant de tous les pays (par exemple la Finlande que tu connais bien). Ton expérience est sûrement différente mais peut être n'avais tu mon âge vénérable qui amène la sagesse et la sociabilité ? ;-)

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