12 Juillet - Encampment

Étonnament, l'humidité n'est pas tombée sur la tente. Je pense que les branches des pins au dessus de la tente l'ont bien protégée. Néanmoins les affaires mouillées par la pluie de la veille n'ont pas miraculeusement séché dans la nuit. Mes chaussures et chaussettes entre autre sont trempées. Le ciel est couvert ce qui ne présage rien de bon. Trois jours d'affilée de pluie commencerait à jouer sur mon moral...

Il ne me reste que 18 km pour arriver sur la route pour Encampment, mais ce n'est pas pour autant que le Trail va se relâcher.
La rivière est placée au milieu d'une montée dans le CDT. Je la reprends donc où je me suis arrêté. Non seulement ça grimpe mais pour faciliter la chose, le sentier disparaît totalement. Plus de sentier car il y a énormément de roches.

Avec la pluie, les traces de mes prédécesseurs ont totalement disparu. Je dois m'en remettre aux cairns mais au milieu de ce dédale de roches de granit rose, ils sont très difficiles à discerner.
Parfois j'ai droit à des poteaux mais ils sont bien cachés par la végétation.

Je sors mon GPS toutes les 5 minutes pour m'orienter.

J'arrive au sommet mais je n'en ai pas fini pour autant.

En fait, le paysage est très vallonné. Entre chaque vallon de trouve un marécage qu'il faut traverser. Certains passages sont étudiés pour nous faire passer à sec mais certains autres ne prennent aucune considération de notre confort.

À midi, je ne suis plus qu'à 4 km de la route. Je pourrais facilement pousser jusque là mais je préfère manger avant. J'ai suffisamment de nourriture et j'ai un colis qui m'attend à Encampment. Donc ce que j'ai  dans mon sac sera en trop pour la prochaine section.

Pendant que je mange, 2 hikers passent devant moi. L'un d'eux s'arrête car il est persuadé de me reconnaître. Si j'ai une mémoire horrible des noms, surtout des Trail Names, je n'oublie jamais un visage. Et je suis sûr de ne l'avoir jamais rencontré. Quoiqu'il en soit, je me retrouve avec 2 auto  stoppeurs juste devant moi. Si comme on le dit, l'auto stop est difficile, nous allons être nombreux à tendre le pouce en même temps.

Je me remets en route et jusqu'au bout le Trail est difficile avec des montées très raides et beaucoup de rochers. J'arrive finalement à la route qui est le col Battle. Il y a un grand Trail Head avec un parking.
Juste avant d'arriver, il y a une glacière marqué "CDT Thru-hikers". Il y a des bières et des bouteilles d'eau. Un petit Trail Magic avant d'arriver fait toujours plaisir. Sur le parking, il y a un jeune homme en train de manger un sandwich devant le coffre grand ouvert de son 4x4 rouge floqué "University of Wyoming". Je le salue, échange 2 mots avec lui et je me mets en position pour faire du stop.

Je constate que les 2 hikers qui m'ont doublé à midi ne sont plus là ce qui est une excellente chose.

Le premier véhicule qui arrive est un énorme camion chargé de billots de bois. Je l'ai entendu de loin car son moteur avait du mal à monter la côte. Habituellement je ne fais pas de signe aux camions mais comme le trafic est rare, je tente ma chance. Le camion s'arrête. Je suis étonné mais je vais voir le chauffeur. Il ne veut absolument pas me prendre et s'arrête juste pour refroidir son moteur. Je retourne à mon poste. Sur le trajet, le jeune homme sur le parking me demande si je veux aller à Encampment et se propose de m'emmener si je lui laisse finir son sandwich.

Don, c'est son nom, vient de passer 5 jours dans les bois. Il a été embauché par l'Université comme job d'été. Son travail est de compter les oiseaux. Il a une carte détaillée avec des points. Sur chaque point il compte les oiseaux qu'il peut voir en 6 minutes. Cette étude se fait tous les ans dans tous les États de l'Ouest Américain et permet de voir l'évolution de la population. Il y a des métiers étonnants.

J'arrive à Encampment. Ce n'est pas petit, c'est juste minuscule. Une rue principale, un restaurant et le fameux Lodge où j'ai envoyé ma commande de nourriture.
Le Lodge fait peur à voir vu l'état de délabrement.

Je ne sais pas si je vais y passer la nuit. Il n'y a personne à la réception et il faut appeler un numéro. Alors que je suis en train d'étudier mes options sur mon portable, le propriétaire arrive. Lui aussi est dans un sale état. Je pense qu'il est alcoolisé et que ça doit être une habitude. Je commence par lui demander mon colis. Il vérifie dans l'arrière boutique et non il n'a rien pour moi. C'est très étonnant car j'ai passé plusieurs commandes sur Internet et je n'ai jamais eu de problème avec ce site.
Je demande ensuite pour laver mes affaires. Non il n'y a pas de laverie pour les clients. Comme j'en fais une condition pour prendre une chambre - il faut que je règle le problème du colis - le propriétaire accepte de s'occuper de mon linge.
Pendant que je m'enregistre, le propriétaire me dit qu'il tient à s'excuser pour le comportement de son président Trump. C'est la première fois que ça m'arrive. Pour l'instant j'en ai entendu dire du mal mais c'est la première fois qu'on me présente des excuses. Personne ne m'en a dit du bien mais j'avoue avoir éludé la question avec Robert, l'ancien policier passionné d'armes à feu...

Étonnament la chambre est nickel. Clairement ce n'est pas le propriétaire qui fait le ménage ni la décoration. Elle est parfaite pour y passer une nuit. Je m'occupe de mon linge en le mettant dans la machine de l'arrière boutique. Le propriétaire me dit qu'il le mettra dans la sécheuse mais en réalité il partira et ne mettra plus les pieds dans son établissement de la  journée. Je fais comme chez moi et j'utiliserai sa sécheuse au bout de 2 heures.
Entre temps, le propriétaire cognera à ma porte pour me donner mon colis qu'il est allé chercher à la poste. Comme j'ai pris contact avec le site, je sais que le colis y est depuis 5 jours.

En final, tout va bien. Je n'ai pas attendu pour trouver un transport, j'ai ma nourriture, mon linge est propre et j'ai même une connexion Internet décente.
Que demander de plus !