Il fait plutôt chaud ce matin ce qui n'est pas désagréable. Il est tombé quelques gouttes cette nuit mais rien de très sérieux. Par contre la luminosité est minimale ce matin au point que je me suis réveillé à 6h. Je n'utilise plus de réveil depuis des mois. Le soleil aussi commence à se lever plus tard et je suis son rythme.
Je retourne au début du Trail que j'ai lâchement abandonné hier pour me blottir dans la vallée à côté de la rivière. J'y vois les traces de pas de mes australiens qui ont piétiné sur place. Ils ont visiblement beaucoup hésité avant de partir en direction de l'autoroute. J'étais en train de siroter ma bière chez Tom et je n'ai pas pu les remettre dans le droit chemin. Je ne sais pas si je les reverrai.
J'embarque sur le sentier qui a été emprunté par des motos juste avant moi. A la montée, ceci me dérange moins même si le sentier est complètement dégradé.
Lorsque je monte un peu, je m'aperçois que les nuages se sont mêlés à la fumée de l'incendie qui n'est donc toujours pas maîtrisé. La visibilité est totalement nulle.
Cela fait une bonne heure que je monte et un vent glacial se lève. La température chute vertigineusement au point que j'enfile doudoune et gants.
En passant le col, je redescends une pente escarpée occupé par une forêt décimée par les insectes.
Le vent brasse ces arbres sans vie. Le crissement des pins morts entre eux est inquiétant car nombreux sont leurs congénères qui sont au sol. J'appréciais peu de m'en prendre un sur le crâne car les bourasques sont de plus en plus violentes.
La descente couplée à mes chaussures demande son lot d'attentions mais dans l'ensemble la pente est douce car nombreux sont les zigzags qui amenent dans la vallée.
Arrivé dans celle ci, je retrouve la sempiternelle rivière que le chemin suit de plus ou moins près en fonction de la largeur des gorges.
À midi je déjeune en me couvrant de mes habits chauds. Il n'y a toujours pas de soleil et le vent glace les os.
Je reprends la route et bientôt je sors de la montagne. Une plaine brumeuse me fait face.
Je vois un immense troupeau de vache devant moi. Qui dit vache dit barbelés. Je vais donc retourner en prison !!! Mais le pire n'est pas là où je le crois.
En effet, dans la plaine, nul arbre pour atténuer les effets du vent. Pas de canyon, pas de bosquets, pas de face Sud ou Nord... Le vent souffle à plein régime et il n'y a rien pour atténuer sa fureur. Comme le soleil est noyé dans un flot de nuages noirs, il fait froid, très froid.
J'ai les doigts gelés. J'ajoute ma veste de pluie à ma doudoune pour faire coupe vent. Pour la première fois depuis le départ, j'enfile mon pantalon en pleine après midi. Hier je mourais de chaud en montant au col de la mine et aujourd'hui je claque des dents à plus savoir comment me réchauffer. Le Montana a effectivement un hiver redoutable, surtout s'il commence en août. En tout cas je comprends beaucoup mieux pourquoi tout le monde me met en garde sur l'hiver.
En attendant je dois avancer. Dans la plaine, plus question de louvoyer avec les méandres de la rivière. Il n'y a plus de rivière donc les routes sont désespérément droites.
Pour être sûr que je ne sois pas venu pour rien, j'ai le vent bien de face. Mon chapeau est retourné par les bourasques en permanence mais je n'ose pas l'enlever car il me protège un peu du vent et donc du froid. Je regarde donc mes pieds pour éviter de me le faire arracher. De toute façon quand je relève la tête, je ne vois pas le bout du chemin.
Un camion est passé juste avant moi. Rien d'extraordinaire à cela. Sauf que celui ci est équipé d'un épandeur et qu'il a répandu une grande quantité d'eau sur le chemin de terre. Je suppose que c'est un service que payent les riverains pour éviter la poussière lorsque des véhicules passent. Je patauge donc dans la boue. Merci pour cette cerise sur le gâteau !
A ce stade, entre le froid, le vent, la boue, mon seul objectif est d'atteindre le camp du soir. Car il n'est pas question de dormir entre les barbelés. Il n'y a pas la place pour cela puisqu'il y a la route. D'après mes notes, il y a la possibilité de dormir près d'une rivière dans un aménagement prévu à cet effet. J'aurai donc de l'eau à volonté en sus. Mais pas question de se laver, j'ai bien trop froid.
Je me concentre sur l'objectif et me dit qu'il faut prendre son mal en patience. Chaque pas me rapproche de l'arrivée. Un pas après l'autre, ça a toujours réussi - et pas uniquement que dans la marche.
Comme je suis à 300 m de l'arrivée, la pluie qui menace depuis ce matin se met à tomber. C'est vraiment rageant juste avant la fin. Je suis tellement frustré que je décide de l'ignorer. C'est une erreur car ça ne règle aucun problème et, sans protection, toutes mes affaires vont être trempées.
Le site tant espéré est... déroutant. Il ressemble plus à un dépotoir qu'à autre chose. Il est effectivement au bord d'une rivière qui a rejeté sur cette rive des tas de choses : des arbres et des branches bien sûr mais aussi des gobelets, des pots de glaces, des sortes de flotteurs... Ensuite l'entretien du site a été confié à des vaches. Il y a des bouses absolument partout et ses bêtes plutôt massives ont tout piétiné. Elles ont fait des trous et des bosses à chaque pluie. Ajoutez à cela que le site est près de la route, sous le vent d'une raffinerie de pétrole (la même odeur qu'à Fos sur Mer) et vous aurez une idée précise du site de "Lost Tomahawk" qui se veut une zone de camping pour le canotage.
Parce qu'en plus, le site est historique. Son nom a pour origine la fameuse expédition des capitaines Lewis et Clark de 1805. Outre d'y avoir perdu son Tomahawk, le capitaine Lewis a dormi à cet endroit le 2 août 1805. J'espère pour lui que ce n'était pas dans le même état.
De toute façon je n'ai pas le choix. Il n'y a nulle part ailleurs où m'installer. Je fais le tour du propriétaire. Même en m'enfoncant profondément le long de la rivière ou en m'en éloignant, le problème est toujours le même. Celui des vaches qui ont tout bousillé et souillé de leurs déjections. Je laisse tomber et décide de m'installer près de la route où l'accès à l'eau est le plus aisé. Ailleurs il faut traverser un marécage pour y parvenir. En revenant, je m'aperçois qu'il y a un véhicule garé à la hauteur du site. Il repart dès qu'il m'aperçoit. Ce n'est que le premier d'une longue série. Tout au long de la soirée des voitures s'arrêtent et repartent au bout d'un moment. Est ce que les gens viennent contempler cette décharge au milieu de nulle part ? Le mystère demeure entier.
Pour l'instant, j'ai trouvé un endroit abrité du vent par les arbres et relativement plat ou plutôt à moitié piétiné par les vaches. Il est à côté du seul aménagement pour le feu, fixe et en fer, que j'ai trouvé sur l'ensemble du site. Il y a des bancs sommaires de planches et de troncs de bois tout autour. Je pourrais profiter de ces bancs pour faire ma popote.
Je défais mon sac, monte la tente, gonfle mon matelas... Au moment où je glisse mon matelas dans la tente et que je descends au niveau du sol, je sens un terrible odeur d'urine. Visiblement lors du dernier feu de camp, les convives ont décidé d'uriner à l'endroit même où j'ai monté ma tente.
Je sens mon moral qui flanche. La pluie qui avait cessé le temps de monter ma tente reprends de plus belle. Je stocke tout mon matériel en urgence dans la tente, m'y réfugie et ferme toutes les ouvertures. Plus question de déménager. Je me fais à manger ditectement sous mon abri de toile car la pluie ne permet plus de manger dehors. C'est un première depuis que je suis sur le trail.
J'ai encore du whisky et j'avoue que je reprends une 2eme dose avant de me coucher alors que la pluie redouble.
Je ne sais pas si c'est l'effet de l'alcool mais je me mets à réfléchir avant de tomber dans la déprime. Il faut faire comme dans la vie "normale" et regarder l'ensemble du tableau plutôt que les tous petits problèmes même s'ils s'accumulent les uns derrière les autres. En final, je suis au chaud avec un endroit plus décent qu'un fossé qui se rempli d'eau et collé à des barbelés. J'ai de l'eau potable, je suis à l'abri du vent et de la pluie, et dès demain je serai très loin de cet endroit. Pour finir, je suis toujours sur le CDT, je continue l'aventure et tout va bien physiquement. Je suis donc "le plus heureux des hommes" (copyright Jerry, le hiker New-yorkais rencontré au Colorado).
Mes réflexions me font me sentir beaucoup mieux. De fait, je suis tellement épuisé d'avoir lutté contre le froid toute la journée que je m'endors comme une masse.
Je retourne au début du Trail que j'ai lâchement abandonné hier pour me blottir dans la vallée à côté de la rivière. J'y vois les traces de pas de mes australiens qui ont piétiné sur place. Ils ont visiblement beaucoup hésité avant de partir en direction de l'autoroute. J'étais en train de siroter ma bière chez Tom et je n'ai pas pu les remettre dans le droit chemin. Je ne sais pas si je les reverrai.
J'embarque sur le sentier qui a été emprunté par des motos juste avant moi. A la montée, ceci me dérange moins même si le sentier est complètement dégradé.
Une vache descend le sentier pendant que je le monte et nous n'avons pas la place pour nous croiser...
Lorsque je monte un peu, je m'aperçois que les nuages se sont mêlés à la fumée de l'incendie qui n'est donc toujours pas maîtrisé. La visibilité est totalement nulle.
Encore une journée sans photo...
Cela fait une bonne heure que je monte et un vent glacial se lève. La température chute vertigineusement au point que j'enfile doudoune et gants.
En passant le col, je redescends une pente escarpée occupé par une forêt décimée par les insectes.
Le col dans les nuages et la fumée.
Rien à voir :-(
Le vent brasse ces arbres sans vie. Le crissement des pins morts entre eux est inquiétant car nombreux sont leurs congénères qui sont au sol. J'appréciais peu de m'en prendre un sur le crâne car les bourasques sont de plus en plus violentes.
La descente couplée à mes chaussures demande son lot d'attentions mais dans l'ensemble la pente est douce car nombreux sont les zigzags qui amenent dans la vallée.
Arrivé dans celle ci, je retrouve la sempiternelle rivière que le chemin suit de plus ou moins près en fonction de la largeur des gorges.
Le chemin qui suit la rivière. Comme je ne peux pas faire de photos d'ensemble, j'essaye de vous donner l'ambiance...
À midi je déjeune en me couvrant de mes habits chauds. Il n'y a toujours pas de soleil et le vent glace les os.
Je reprends la route et bientôt je sors de la montagne. Une plaine brumeuse me fait face.
Là je suis dos à la plaine. Comme on ne voit rien autant y mettre ma tronche...
Je vois un immense troupeau de vache devant moi. Qui dit vache dit barbelés. Je vais donc retourner en prison !!! Mais le pire n'est pas là où je le crois.
En effet, dans la plaine, nul arbre pour atténuer les effets du vent. Pas de canyon, pas de bosquets, pas de face Sud ou Nord... Le vent souffle à plein régime et il n'y a rien pour atténuer sa fureur. Comme le soleil est noyé dans un flot de nuages noirs, il fait froid, très froid.
J'ai les doigts gelés. J'ajoute ma veste de pluie à ma doudoune pour faire coupe vent. Pour la première fois depuis le départ, j'enfile mon pantalon en pleine après midi. Hier je mourais de chaud en montant au col de la mine et aujourd'hui je claque des dents à plus savoir comment me réchauffer. Le Montana a effectivement un hiver redoutable, surtout s'il commence en août. En tout cas je comprends beaucoup mieux pourquoi tout le monde me met en garde sur l'hiver.
En attendant je dois avancer. Dans la plaine, plus question de louvoyer avec les méandres de la rivière. Il n'y a plus de rivière donc les routes sont désespérément droites.
Pour être sûr que je ne sois pas venu pour rien, j'ai le vent bien de face. Mon chapeau est retourné par les bourasques en permanence mais je n'ose pas l'enlever car il me protège un peu du vent et donc du froid. Je regarde donc mes pieds pour éviter de me le faire arracher. De toute façon quand je relève la tête, je ne vois pas le bout du chemin.
Un camion est passé juste avant moi. Rien d'extraordinaire à cela. Sauf que celui ci est équipé d'un épandeur et qu'il a répandu une grande quantité d'eau sur le chemin de terre. Je suppose que c'est un service que payent les riverains pour éviter la poussière lorsque des véhicules passent. Je patauge donc dans la boue. Merci pour cette cerise sur le gâteau !
A ce stade, entre le froid, le vent, la boue, mon seul objectif est d'atteindre le camp du soir. Car il n'est pas question de dormir entre les barbelés. Il n'y a pas la place pour cela puisqu'il y a la route. D'après mes notes, il y a la possibilité de dormir près d'une rivière dans un aménagement prévu à cet effet. J'aurai donc de l'eau à volonté en sus. Mais pas question de se laver, j'ai bien trop froid.
Je me concentre sur l'objectif et me dit qu'il faut prendre son mal en patience. Chaque pas me rapproche de l'arrivée. Un pas après l'autre, ça a toujours réussi - et pas uniquement que dans la marche.
Comme je suis à 300 m de l'arrivée, la pluie qui menace depuis ce matin se met à tomber. C'est vraiment rageant juste avant la fin. Je suis tellement frustré que je décide de l'ignorer. C'est une erreur car ça ne règle aucun problème et, sans protection, toutes mes affaires vont être trempées.
Le site tant espéré est... déroutant. Il ressemble plus à un dépotoir qu'à autre chose. Il est effectivement au bord d'une rivière qui a rejeté sur cette rive des tas de choses : des arbres et des branches bien sûr mais aussi des gobelets, des pots de glaces, des sortes de flotteurs... Ensuite l'entretien du site a été confié à des vaches. Il y a des bouses absolument partout et ses bêtes plutôt massives ont tout piétiné. Elles ont fait des trous et des bosses à chaque pluie. Ajoutez à cela que le site est près de la route, sous le vent d'une raffinerie de pétrole (la même odeur qu'à Fos sur Mer) et vous aurez une idée précise du site de "Lost Tomahawk" qui se veut une zone de camping pour le canotage.
Parce qu'en plus, le site est historique. Son nom a pour origine la fameuse expédition des capitaines Lewis et Clark de 1805. Outre d'y avoir perdu son Tomahawk, le capitaine Lewis a dormi à cet endroit le 2 août 1805. J'espère pour lui que ce n'était pas dans le même état.
De toute façon je n'ai pas le choix. Il n'y a nulle part ailleurs où m'installer. Je fais le tour du propriétaire. Même en m'enfoncant profondément le long de la rivière ou en m'en éloignant, le problème est toujours le même. Celui des vaches qui ont tout bousillé et souillé de leurs déjections. Je laisse tomber et décide de m'installer près de la route où l'accès à l'eau est le plus aisé. Ailleurs il faut traverser un marécage pour y parvenir. En revenant, je m'aperçois qu'il y a un véhicule garé à la hauteur du site. Il repart dès qu'il m'aperçoit. Ce n'est que le premier d'une longue série. Tout au long de la soirée des voitures s'arrêtent et repartent au bout d'un moment. Est ce que les gens viennent contempler cette décharge au milieu de nulle part ? Le mystère demeure entier.
Pour l'instant, j'ai trouvé un endroit abrité du vent par les arbres et relativement plat ou plutôt à moitié piétiné par les vaches. Il est à côté du seul aménagement pour le feu, fixe et en fer, que j'ai trouvé sur l'ensemble du site. Il y a des bancs sommaires de planches et de troncs de bois tout autour. Je pourrais profiter de ces bancs pour faire ma popote.
Je défais mon sac, monte la tente, gonfle mon matelas... Au moment où je glisse mon matelas dans la tente et que je descends au niveau du sol, je sens un terrible odeur d'urine. Visiblement lors du dernier feu de camp, les convives ont décidé d'uriner à l'endroit même où j'ai monté ma tente.
Je sens mon moral qui flanche. La pluie qui avait cessé le temps de monter ma tente reprends de plus belle. Je stocke tout mon matériel en urgence dans la tente, m'y réfugie et ferme toutes les ouvertures. Plus question de déménager. Je me fais à manger ditectement sous mon abri de toile car la pluie ne permet plus de manger dehors. C'est un première depuis que je suis sur le trail.
J'ai encore du whisky et j'avoue que je reprends une 2eme dose avant de me coucher alors que la pluie redouble.
Je ne sais pas si c'est l'effet de l'alcool mais je me mets à réfléchir avant de tomber dans la déprime. Il faut faire comme dans la vie "normale" et regarder l'ensemble du tableau plutôt que les tous petits problèmes même s'ils s'accumulent les uns derrière les autres. En final, je suis au chaud avec un endroit plus décent qu'un fossé qui se rempli d'eau et collé à des barbelés. J'ai de l'eau potable, je suis à l'abri du vent et de la pluie, et dès demain je serai très loin de cet endroit. Pour finir, je suis toujours sur le CDT, je continue l'aventure et tout va bien physiquement. Je suis donc "le plus heureux des hommes" (copyright Jerry, le hiker New-yorkais rencontré au Colorado).
Mes réflexions me font me sentir beaucoup mieux. De fait, je suis tellement épuisé d'avoir lutté contre le froid toute la journée que je m'endors comme une masse.
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