vendredi 17 août 2018

17 Août - Ennis

J'ai correctement géré l'eau de Carl et j'ai pris mon petit déjeuner tout en conservant du précieux liquide pour mon Camelbak.

Je pars sur le Trail avec tout ce qu'il me faut pour faire les 12 km qui me sépare de Macks Inn, un relais routier où passe le CDT. Au lieu de ravitailler, c'est de cet endroit que je ferai du stop.

Pour l'instant je suis toujours sur une route forestière bien roulante plantée au milieu des arbres. Je ne marche pas depuis 10 minutes qu'en contrebas se trouve une magnifique rivière. Comment ce point d'eau peut il être absent de ma liste ? Je prélève un litre pour parer à toute éventualité et, en autre, celle de pouvoir manger à midi. Je ne sais pas combien de temps je vais rester sur le bord de la route à tendre le pouce.
J'ai aussi une option durant le parcours, celle de faire un détour de 4 km pour aller voir "Headwaters" qui est une des plus grosses sources du monde.
C'est vraiment un paradoxe de trouver cette curiosité dans une région où l'eau est absente, du moins jusqu'à présent. Car je trouve de l'eau partout le long du chemin. Il y a des marécages, des rivières, des étangs. Comment mes notes peuvent elles être aussi inexactes ? Je ne résoudrai pas ce mystère. Jusqu'à maintenant, les informations étaient fiables. Espérons qu'il s'agit juste de ce passage.

La présence de l'eau a permis la construction de maisons secondaires. Elles sont plutôt de bon goût. Je vois une silhouette frêle qui, en me voyant, coupe à travers bois. Vu l'heure matinale, c'est sûrement un adolescent qui a fait le mur et qui rentre de remettre au lit comme si de rien n'était. Je me mets à divaguer sur un amour à la Roméo et Juliette entre enfants de voisins qui se détestent. Je me mets carrément à rire au risque de passer pour un fou.

D'ailleurs fou, je risque de le devenir sur cette ligne droite qui n'en finit pas. Les premières voitures font leur apparition et  certains sont si pressés qu'ils n'hésitent pas à me faire manger des kilos de poussière. Je ne suis pas sûr que mes paroles qui les accompagnent soient vraiment amicales...

Je m'approche de l'intersection qui mène à Headwaters. Juste avant, je tombe sur la voiture et la caravane de Carl garées sur le bas côté.
Carl ne roule pas sur l'or mais son cœur l'est.

Il n'est pas allé bien loin après notre rencontre. A cette heure matinale, il dort encore et je n'aurai pas le plaisir de le revoir.

Lorsque j'arrive à l'intersection, j'ai la mauvaise surprise de constater que je tombe sur une route goudronnée. Hors de question de faire 4 km supplémentaire sur du goudron. Je ne verrai pas la plus grande source du monde.
Je pars dans la direction de Macks Inn. Il n'y a pas de bas côté et les touristes commencent à affluer. Je déteste la route et je ne vois pas pourquoi je m'impose de marcher jusqu'à Mack's Inn. Peut être que j'aurai la chance de tomber sur quelqu'un qui va à Ennis... Je passe de l'autre côté de la route et commence à faire du stop tout en marchant. Il y a peu de voitures et surtout des touristes. Ceux ci ne prennent pas les auto stoppeurs. C'est vrai dans tous les pays du monde. Je ne dois plus etre qu'à 2 km de Mack's Inn lorsqu'une petite voiture s'arrête. Elle ne va pas dans la direction d'Ennis mais c'est toujours 2 km de gagnés.

Je m'installe au bord de l'autoroute juste après le relais routier. Je choisis toujours avec soin l'endroit où je fais du stop. Il faut que les voitures me voient longtemps à l'avance et qu'elles aient de la place pour se garer.
Angoissant n'est ce pas ?

J'avoue que je n'aime pas faire du stop. J'ai l'impression de faire la charité. Un peu comme si je me retrouvais à tendre la main à la sortie d'une Église. Le pire est quand les gens font semblants de ne pas vous voir. C'est assez humiliant comme situation. D'un autre côté, je tombe toujours sur des gens  formidables quand je suis pris et je ne suis jamais resté très longtemps sur le bord de la route. Et c'est encore le cas cette fois ci.
Je dois être là depuis moins d'une heure quand un 4x4 s'arrête. La voiture est immatriculée en Californie et le gars a l'air du genre pas commode. Sa première phrase est de me demander d'attacher ma ceinture alors que j'ai à peine eu le temps de monter à bord.
Il me pose des questions et entre autre où je vais. Il me dit qu'il va à West Yellowstone, la ville à l'Est alors que je veux aller à Ennis au Nord Ouest. Je lui demande de le laisser à la bifurcation. Nous y sommes rapidement. Il regarde le panneau où est inscrit 57 miles (90 km) pour Ennis et m'annonce qu'il m'amène à destination. Il va faire 180 km juste pour me faire plaisir.
John est vraiment un gars spécial. Fils d'immigrés grecs débarqués à San Diego qu'ils n'ont jamais quitté, il a créé sa société de BTP à partir de rien et a bien gagné sa vie en construisant des maisons en plein boom Californien. A 50 ans, suite à son divorce, il a vendu sa société, mis sa maison en location et a acheté un camping car. Depuis il sillonne les États Unis dans tous les sens avec un sentiment de liberté qui le rend heureux. Il passe son temps dans les montagnes et rencontre des gens dans les petites villes qui sont plus humaines que Sans Diego. Il a maitenant des amis partout et passe les voir quand il est dans le coin. C'est ce qu'il allait faire à West Yellowstone quand il a décidé de m'amener à Ennis. John est de la génération hippies des années 70. Il retrouve maintenant ce qu'il a connu dans sa jeunesse après avoir passé 30 ans à travailler comme un acharné.
Sous sa timidité que j'ai pris pour de la froideur au début, il transparaît un sentiment de plénitude et de bonheur qu'il tient absolument à partager.
C'est un plaisir de discuter avec lui surtout qu'il a une culture européenne de part ses origines grecques. Le temps passe à la vitesse de l'éclair et nous sommes déjà arrivés.
Je propose à John de déjeuner ensemble mais il refuse. De prendre un verre ensemble, même résultat. Il m'explique qu'il a fait le trajet uniquement pour me faire plaisir et pas pour être récompensé. Il ne peut rien accepter de moi et me demande de faire plaisir à quelqu'un en retour.
Vraiment un gars très spécial...
Il repart en sens inverse et je ne sais rien d'autre que son prénom... J'espère qu'il sera encore heureux longtemps. Il le mérite.
Merci John, mon Trail Angel du jour.

Ennis est idéale pour les hikers. Elle est toute petite et tout peut se faire à pied.

Le problème c'est qu'il règne une activité inhabituelle. La ville est devenu la base arrière pour les pompiers qui luttent contre l'incendie qui m'a en partie amené ici.

Je vais à la bibliothèque pour avoir un accès Internet. Effectivement, il n'y a plus une chambre de disponible sauf dans un établissement. Je m'y rends aussitôt tout en voyant le signe "No Vacancy" (complet) affiché sur tous les hôtels, y compris sur celui que je vise.
Je rentre quand même et explique que je suis venu parce que j'ai vu une chambre sur Booking et que je veux éviter de lui faire payer la commission. Le propriétaire s'esclaffe de rire et me dit qu'il va me trouver quelque chose. Heureusement que je l'ai joué de cette manière. Je croiserai plus tard des hikers et aucun n'a trouvé de chambre. Ils sont tous au camping...

Les pompiers eux mêmes sont installés dans un vaste champ derrière l'hôtel. Ce sont des centaines de tentes qui sont installées par rangées.

Le va et vient des camions de pompiers est incessant. La fumée a envahi la plaine et les montagnes environnantes. On y voit pas à plus de 100 m. J'ai beau poser des questions ou regarder sur Internet, il n'y a pas d'information sur ce feu. Je sais juste qu'il a démarré dans un endroit inaccessible et qu'il a pu prendre de l'ampleur sans que les pompiers ne puissent intervenir. Mais que depuis qu'il s'est approché de maisons qui ont été évacuées, les pompiers luttent d'arrache pied.
Aux US, les pompiers sont en jaunes et les camions plus petits...

Visiblement le CDT n'est pas prêt d'être réouvert et le nombre de hikers dans la ville montre que je ne suis pas le seul à m'être rabattu sur l'alternative de Butte.

Le reste de la journée se déroule avec les habituelles corvées. J'ai juste la surprise lorsque je vais acheter ma cartouche de gaz au magasin d'outdoors, de tomber sur la semaine des armes. Eh oui après la semaine du blanc, voici la semaine des armes. Et il y en a de toutes les sortes. Il y a dans ce magasin déjà énorme, qui en plus squatte la moitié de la rue, de quoi déclencher la 3eme guerre mondiale. Des revolvers, des fusils, des mitrailleuses de toutes formes, de tous calibres et même de toutes couleurs. On peut y acheter des fusils couleur camouflage du plus bel effet. Le plus étonnant est de voir la clientèle : des familles, de gros monsieurs en short à fleurs, de vieux messieurs qui feraient mieux de s'occuper de leur petits enfants et surtout des femmes qui regardent si les pistolets rentrent dans leur sac. Il y a des stands de toutes les marques et certains sont tenus par des enfants (les balles principalement). Le magasin est plein à craquer car c'est la grande braderie des armes et que tout le monde veut en profiter. J'ai du mal à me faire servir et j'ai l'air d'un martien avec ma cartouche pour réchaud. Je suis impressionné de voir autant de gens repartir avec une arme sous le bras. A mon avis, les États Unis ne se débarrasseront pas du problème des armes, du moins pour les 10 ans à venir... Je ne vois même pas ce qui va pouvoir changer cette mentalité.


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