J'ai bien sûr très mal dormi. J'ai fait 10 fois des cauchemars d'attaque d'ours sur ma tente dès qu'il y avait du bruit dehors. Et il y a tout le temps du bruit...
Évidemment il ne s'est rien passé mais je suis épuisé alors que j'ai 28 km à faire. La journée va être difficile.
Je mets le pied sur le Trail et je vois... D'énormes empreintes de pied d'ours.
Le seul avantage des sentiers poussiéreux est qu'on peut parfaitement distinguer les traces laissées par ceux qui les empruntent. Et hier soir ces traces n'étaient pas là. Elles sont bien distinctes et fraîches. Ma tente était juste à quelques mètres du Trail. Je m'aperçois à quel point j'ai été imprudent. Mes craintes étaient fondées. C'est une bonne leçon et j'ai de la chance que tout se termine bien. Heureusement que mon visiteur poilu était repu.
Les autres animaux qui m'embêtent vraiment sont les taons. C'est beaucoup plus petits, largement moins dangereux mais redoutables pour la santé mentale.
Depuis que je suis sur les sentiers équestres, j'ai toujours une dizaine de ces satanés écorcheurs volants qui me bourdonnent autour et qui tentent de m'enlever un morceau de chair dès qu'ils le peuvent. Comme j'ai décidé de ne pas utiliser mon MP3 à cause des Grizzlys, la seule musique qui m'accompagne est celle de leur bourdonnement horripilant qui me rend totalement fou. Vivement que le nombre de chevaux sur le CDT se réduise !
Je n'arrête pas d'observer les empreintes sur le sentier. C'est idiot et je ferai mieux de lever la tête pour essayer de voir les animaux en vrai. Mais les traces sont éloquentes. Il y a des traces d'ours de toutes les tailles et dans les 2 sens. Des traces de puma, de coyote ou de renard, d'élans, de biches... Visiblement nos amis les animaux ne sont pas plus stupides que nous et préfèrent utiliser le sentier pour se déplacer plutôt que de batailler dans la broussaille.
Je commence la matinée avec une montée pour digérer mon porridge. Je redescends vers une nouvelle vallée qui a été épargnée par le feu. Une rivière louvoie au centre et crée un marécage qui fait le bonheur des oiseaux.
J'arrive au lieu dit "Parting of the water". Il s'agit d'une curiosité que je qualifierais "d'hydraulique" faute de connaître le terme adéquat (géologique ? géographique ?). Une rivière se sépare naturellement en deux bras. Celui à l'Est se jette dans l'Atlantique et celui à l'Ouest dans le Pacifique.
C'est stupéfiant de voir cette eau de scinder en 2 en pensant que le destin de chaque goutte d'eau se décide à cet instant précis. Il suffit de quelques millimètres pour que 2 gouttes d'eau se retrouvent en final à plus de 7500 km de distance l'une de l'autre.
Le parallèle avec la vie des humains me saute aux yeux. Deux destins peuvent diamétralement s'opposer avec une simple différence comme l'environnement familial ou l'accès à l'éducation. Nous sommes tous des gouttes d'eau du "Parting of the life"...
Je repars sur le Trail et j'ai la surprise de me retrouver en train de grimper une falaise à coup de zigzags. Je n'ai pas eu le temps d'étudier la topographie hier soir et elle se rappelle à mon bon souvenir. Je dois en fait grimper à un sommet avec 600 m de dénivelé. Je ne me suis pas préparé à cette épreuve et c'est le genre de surprise que je n'aime pas. Pas le choix de toute façon il faut grimper. J'y laisse des plumes surtout avec la nuit agitée que j'ai passée. Le sentier passe une première falaise pour redescendre vers une rivière et mieux remonter. Je vois parfaitement le chemin qui monte sur la montagne qui me fait face. Au milieu, je distingue des mules et des chevaux arrêtés au milieu de la pente. Les cavaliers ne doivent pas être loin.
En effet, je distingue au loin 2 cowboys en train de scier à la main un tronc d'arbre qui barre le Trail. Je suppose qu'il empêche la caravane de passer. Le tronc est énorme, de la grosseur d'une roue de camion. Les deux bûcherons ont l'air d'avoir du mal. Soudain la partie découpée se détache et roule dans la pente dans un fracas étourdissant. Elle broie tout sur son passage tellement elle est grosse et lourde.
Je descends au niveau de la rivière et regarde mon GPS. Quand je relève la tête, un des cowboys est face à moi. Avec le bruit de l'eau, je ne l'ai pas entendu venir. Je ne peux pas m'empêcher de retenir un "Wow" de surprise. Il se répand alors en excuse. Je l'observe de plus près et je m'aperçois qu'il porte un uniforme de ranger (garde forestier). Celui-ci est encore plus sale que ma tenue de hiker. Il ne porte pas d'arme. Il a à la main un récipient en plastique pour prendre de l'eau. Juste derrière lui, l'autre cowboy est en réalité une femme qui porte le même uniforme crasseux et le même récipient.
Ils sont en charge de la maintenance du Trail. Je ne sais pas depuis combien de temps ils sont sur le chemin mais l'état de leur uniforme dit que cela se compte en jours.
Je leur demande pourquoi ils font leur travail en utilisant des haches et des scies au lieu d'utiliser une tronçonneuse. L'homme rigole en disant qu'il aimerait bien. La femme m'explique qu'il est interdit d'utiliser des engins à moteur dans les "Wilderness" (zones sauvages préservées) et que c'est seulement en cas d'incendie qu'ils ont le droit d'utiliser des tronçonneuses. Je reste sans voix. Je trouve que l'administration pousse le concept un peu trop loin. Je comprends mieux pourquoi les Trails sont si mal entretenus car il faut tout faire à la main. Avec le désastre des forêts décimés par les insectes, il faudrait recruter une armée de rangers. Aucune administration ne peut s'offrir une telle dépense. C'est complètement stupide. Ils ne peuvent pas entretenir leurs forêts qui s'étendent sur des milliers d'hectares. Encore une loi débile qui va à l'encontre de ce pourquoi elle a été créée.
Je laisse les bagnards du nettoyage à leur mythe de Sisyphe version bûcheron. En remontant, je vois les traces de leur travail. Le CDT a été débarrassé de tout ce qui encombraient le passage sur des km et des km. A mon avis, ça fait au moins une semaine qu'il travaille sur cette section.
J'arrive enfin au sommet. La vue est brumeuse.
Devant moi le parc de Yellowstone à une dizaine de km.
Il y a 2 lacs près du sommet dont les niveaux ont chuté de manière drastique. Je m'installe pour déjeuner à côté du plus grand qui a l'avantage d'avoir quelques arbres et donc un peu d'ombre.
Je reprends la route qui me fait descendre dans une nouvelle vallée limitrophe au parc de Yellowstone.
Comme la chasse est interdite dans le parc, je peux enfin m'approcher des biches.
Dans la prairie qui occupe une bonne partie de la vallée, un troupeau de chevaux broutte et s'ébat allègrement. Les animaux sont en totale liberté mais portent des cloches autour du cou. Je ne sais pas où sont les maîtres. En tout cas, le spectacle de leurs jeux et de leur galop est rafraîchissant. C'est bien mieux qu'un enclos trop étroit.
Juste derrière les chevaux, une large rivière. Je dois me déchausser pour la traverser. Je veux garder mes chaussures sèches pour la soirée.
Je suis à moins d'un km de la limite du parc. Je ne peux pas passer cette limite car mon permis commence demain. Je peux encore camper n'importe où. D'ailleurs, la rivière que je viens de traverser est un endroit idéal. Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai besoin de voir la limite ce soir. Peut être un autre hiker est venu se coller le nez sur la frontière en attendant le droit de la franchir.
Je fais le plein d'eau en cas de "dry camp" et je continue la route. J'arrive bientôt au panneau qui m'interdit d'aller plus en avant.
Je regarde où je peux planter ma tente et me dirige vers le bosquet d'arbres tout proche. Visiblement je ne suis pas le premier à y penser. Il y un emplacement bien dégagé et je m'y installe pour la nuit. Il semble que je sois le seul imbécile à être venu me coller le nez à la fenêtre. Il est vrai que je n'ai vu personne aujourd'hui à part les 2 rangers.
Évidemment il ne s'est rien passé mais je suis épuisé alors que j'ai 28 km à faire. La journée va être difficile.
Je mets le pied sur le Trail et je vois... D'énormes empreintes de pied d'ours.
Le seul avantage des sentiers poussiéreux est qu'on peut parfaitement distinguer les traces laissées par ceux qui les empruntent. Et hier soir ces traces n'étaient pas là. Elles sont bien distinctes et fraîches. Ma tente était juste à quelques mètres du Trail. Je m'aperçois à quel point j'ai été imprudent. Mes craintes étaient fondées. C'est une bonne leçon et j'ai de la chance que tout se termine bien. Heureusement que mon visiteur poilu était repu.
Les autres animaux qui m'embêtent vraiment sont les taons. C'est beaucoup plus petits, largement moins dangereux mais redoutables pour la santé mentale.
Depuis que je suis sur les sentiers équestres, j'ai toujours une dizaine de ces satanés écorcheurs volants qui me bourdonnent autour et qui tentent de m'enlever un morceau de chair dès qu'ils le peuvent. Comme j'ai décidé de ne pas utiliser mon MP3 à cause des Grizzlys, la seule musique qui m'accompagne est celle de leur bourdonnement horripilant qui me rend totalement fou. Vivement que le nombre de chevaux sur le CDT se réduise !
Je n'arrête pas d'observer les empreintes sur le sentier. C'est idiot et je ferai mieux de lever la tête pour essayer de voir les animaux en vrai. Mais les traces sont éloquentes. Il y a des traces d'ours de toutes les tailles et dans les 2 sens. Des traces de puma, de coyote ou de renard, d'élans, de biches... Visiblement nos amis les animaux ne sont pas plus stupides que nous et préfèrent utiliser le sentier pour se déplacer plutôt que de batailler dans la broussaille.
Je commence la matinée avec une montée pour digérer mon porridge. Je redescends vers une nouvelle vallée qui a été épargnée par le feu. Une rivière louvoie au centre et crée un marécage qui fait le bonheur des oiseaux.
C'est stupéfiant de voir cette eau de scinder en 2 en pensant que le destin de chaque goutte d'eau se décide à cet instant précis. Il suffit de quelques millimètres pour que 2 gouttes d'eau se retrouvent en final à plus de 7500 km de distance l'une de l'autre.
Le parallèle avec la vie des humains me saute aux yeux. Deux destins peuvent diamétralement s'opposer avec une simple différence comme l'environnement familial ou l'accès à l'éducation. Nous sommes tous des gouttes d'eau du "Parting of the life"...
Je repars sur le Trail et j'ai la surprise de me retrouver en train de grimper une falaise à coup de zigzags. Je n'ai pas eu le temps d'étudier la topographie hier soir et elle se rappelle à mon bon souvenir. Je dois en fait grimper à un sommet avec 600 m de dénivelé. Je ne me suis pas préparé à cette épreuve et c'est le genre de surprise que je n'aime pas. Pas le choix de toute façon il faut grimper. J'y laisse des plumes surtout avec la nuit agitée que j'ai passée. Le sentier passe une première falaise pour redescendre vers une rivière et mieux remonter. Je vois parfaitement le chemin qui monte sur la montagne qui me fait face. Au milieu, je distingue des mules et des chevaux arrêtés au milieu de la pente. Les cavaliers ne doivent pas être loin.
En effet, je distingue au loin 2 cowboys en train de scier à la main un tronc d'arbre qui barre le Trail. Je suppose qu'il empêche la caravane de passer. Le tronc est énorme, de la grosseur d'une roue de camion. Les deux bûcherons ont l'air d'avoir du mal. Soudain la partie découpée se détache et roule dans la pente dans un fracas étourdissant. Elle broie tout sur son passage tellement elle est grosse et lourde.
Je descends au niveau de la rivière et regarde mon GPS. Quand je relève la tête, un des cowboys est face à moi. Avec le bruit de l'eau, je ne l'ai pas entendu venir. Je ne peux pas m'empêcher de retenir un "Wow" de surprise. Il se répand alors en excuse. Je l'observe de plus près et je m'aperçois qu'il porte un uniforme de ranger (garde forestier). Celui-ci est encore plus sale que ma tenue de hiker. Il ne porte pas d'arme. Il a à la main un récipient en plastique pour prendre de l'eau. Juste derrière lui, l'autre cowboy est en réalité une femme qui porte le même uniforme crasseux et le même récipient.
Ils sont en charge de la maintenance du Trail. Je ne sais pas depuis combien de temps ils sont sur le chemin mais l'état de leur uniforme dit que cela se compte en jours.
Je leur demande pourquoi ils font leur travail en utilisant des haches et des scies au lieu d'utiliser une tronçonneuse. L'homme rigole en disant qu'il aimerait bien. La femme m'explique qu'il est interdit d'utiliser des engins à moteur dans les "Wilderness" (zones sauvages préservées) et que c'est seulement en cas d'incendie qu'ils ont le droit d'utiliser des tronçonneuses. Je reste sans voix. Je trouve que l'administration pousse le concept un peu trop loin. Je comprends mieux pourquoi les Trails sont si mal entretenus car il faut tout faire à la main. Avec le désastre des forêts décimés par les insectes, il faudrait recruter une armée de rangers. Aucune administration ne peut s'offrir une telle dépense. C'est complètement stupide. Ils ne peuvent pas entretenir leurs forêts qui s'étendent sur des milliers d'hectares. Encore une loi débile qui va à l'encontre de ce pourquoi elle a été créée.
Je laisse les bagnards du nettoyage à leur mythe de Sisyphe version bûcheron. En remontant, je vois les traces de leur travail. Le CDT a été débarrassé de tout ce qui encombraient le passage sur des km et des km. A mon avis, ça fait au moins une semaine qu'il travaille sur cette section.
J'arrive enfin au sommet. La vue est brumeuse.
Devant moi le parc de Yellowstone à une dizaine de km.
Il y a 2 lacs près du sommet dont les niveaux ont chuté de manière drastique. Je m'installe pour déjeuner à côté du plus grand qui a l'avantage d'avoir quelques arbres et donc un peu d'ombre.
Je reprends la route qui me fait descendre dans une nouvelle vallée limitrophe au parc de Yellowstone.
Comme la chasse est interdite dans le parc, je peux enfin m'approcher des biches.
Dans la prairie qui occupe une bonne partie de la vallée, un troupeau de chevaux broutte et s'ébat allègrement. Les animaux sont en totale liberté mais portent des cloches autour du cou. Je ne sais pas où sont les maîtres. En tout cas, le spectacle de leurs jeux et de leur galop est rafraîchissant. C'est bien mieux qu'un enclos trop étroit.
Juste derrière les chevaux, une large rivière. Je dois me déchausser pour la traverser. Je veux garder mes chaussures sèches pour la soirée.
Je suis à moins d'un km de la limite du parc. Je ne peux pas passer cette limite car mon permis commence demain. Je peux encore camper n'importe où. D'ailleurs, la rivière que je viens de traverser est un endroit idéal. Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai besoin de voir la limite ce soir. Peut être un autre hiker est venu se coller le nez sur la frontière en attendant le droit de la franchir.
Je fais le plein d'eau en cas de "dry camp" et je continue la route. J'arrive bientôt au panneau qui m'interdit d'aller plus en avant.
Je regarde où je peux planter ma tente et me dirige vers le bosquet d'arbres tout proche. Visiblement je ne suis pas le premier à y penser. Il y un emplacement bien dégagé et je m'y installe pour la nuit. Il semble que je sois le seul imbécile à être venu me coller le nez à la fenêtre. Il est vrai que je n'ai vu personne aujourd'hui à part les 2 rangers.
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