Ce matin, les oiseaux ne m'ont pas réveillé. Normal, il n'y a en pas à 2600 m. Je prépare mon sac avec un peu d'angoisse car j'ai beaucoup de dénivelé et 4 cols à passer. Physiquement c'est une grosse journée.
Je me suis arrêté bivouaquer à mi chemin de la 1ere montée de la journée et je reprends la côte. Je suis concentré car la courbe montre que ce qui m'attend est plutôt du sérieux.
Au dessus de lac où j'ai dormi, se trouve un 2eme lac dont je ne connais pas le nom mais avec le soleil qui passe au dessus des montagnes, le site m'émerveille.
Le 1er col, celui du Marinet à 2787 m ne présente pas de difficulté. Le vrai pb c'est celui qui est juste derrière : le col de Ciallaras à 2932 m. C'est un mur qui me fait face.
Il a plu cette nuit et je ne sais pas si c'est un bien ou un mal. J'ai l'impression que l'humidité fait mieux tenir les pierres dans la terre. Et vraiment j'ai besoin de ça pour ne pas décrocher. J'entends le fracas des roches que je décroche et qui déboulent dans la pente. Je n'ai aucune envie de faire de même. Je ne regarde pas en bas et je mets un pied devant l'autre dans cette pente qui n'en finit pas. C'est tout simplement interminable.
Heureusement arrivé en haut, ma récompense est à la hauteur de l'effort.
Le problème c'est que ce n'est que le début. La descente s'avère tout aussi problématique que la montée. Même pente raide, même problème d'adhérence en petits zigzags serrés. J'ai le cœur qui bat fort de ne pas glisser avec mes semelles usées. Elles ont quand même plus de 400 km au compteur.
Le temps de me remettre de ces 300 m de descente me voici devant un nouveau mur. Il s'agit maintenant de passer le col d'El Infernetto à 2783 m. L'enfer tout un programme...
On refait le match. Même délire que précédemment sauf que le trajet se décale sur la droite. Et j'ai la surprise de découvrir une voie équipée pour passer la difficulté sommitale et arriver sur le col.
Je range mes bâtons et utilise les cordes et les câbles pour arriver au col.
Il est 10h et ma cadence est lente. De plus je consomme beaucoup d'énergie dans ces passages techniques.
La suite du programme est encore plus inquiétante. Je suis supposé descendre par la gauche alors que le seul sentier bien marqué se trouve à droite. Dans ce cas, la seule règle est de suivre les indications du GPS. Lui seul à toujours raison. Je prends donc à gauche dans un sentier a peine tracé qui s'arrête subitement. Je trouve quelques marques effacées par le temps. Personne n'est passé par là depuis des années. Entre le GPS, quelques cairns et des vieilles traces de peinture, je joue à cache cache avec le chemin que je dois suivre. Ce jeux de piste est épuisant et me fait passer par des lieux improbables comme des cours d'eau asséchés qui descendent forts. Mais bon ce n'est pas ma première fois et je finis par retomber pile sur le chemin que je dois prendre pour mon 3eme col.
Il est quand même midi et je dois refaire le plein d'énergie si je veux voir la fin de cette journée.
Il ne me reste malheureusement pas grand chose à manger et je me contente de nouilles chinoises pour jouer le reste de la partie.
L'objectif de ce début d'après midi est de monter au passo Forcellina à 2825 m. Cette montée de 500 m se fait sur 3 km. Il s'agit de grimper sur des roches noires plus ou moins stabilisées. C'est long mais beaucoup moins technique que les 2 montées précédentes. En fait le problème n'est pas la montée mais la descente. C'est une horrible pente verticale remplie de roches non stabilisées. Je m'engage dans ce cauchemar puisque c'est le seul moyen de continuer.
Arrivée à 10% de la pente, je vois une chaîne qui équipe la paroi de droite. Je range un bâton et attrape la chaîne de la main droite. Cette équipement est sécurisant et m'aide à passer des passages impossibles à réaliser sans. Néanmoins il y a beaucoup d'éboulis dans cette pente et la chaîne est ensevelie par moment. Une chose est sûre, cela fait très longtemps que personne n'est passé par là.
La chaîne d'arrête brutalement et me laisse face à un immense éboulis de petites roches instables. A 200 m je vois le chemin qui reprend. Je dois donc traverser tout l'éboulis. Pas après pas, cherchant les zones stables, je traverse en ayant peur de partir avec les roches qui se dérobent sous mes pieds. C'est pire que de traverser des névés. J'ai la bouche sèche et le cœur qui bat la chamade. Le plus compliqué est de ne pas relâcher son attention sur une longueur aussi importante. Je m'invective à rester concentré et je lâche un cri de joie lorsque j'atteins enfin l'autre côté.
Le col d'où je viens est au milieu de la photo.
Il fait une chaleur épouvantable et je n'ai plus d'eau. Il n'y a aucune source d'eau depuis le début de l'après midi et l'environnement austère dans lequel je me débats ne va pas régler mon problème. Que faire à part continuer sa route...
Le dernier col, celui de Sautron à 2680 m est une vraie plaisanterie comparativement aux autres. Seul le chemin d'accès est difficile à trouver lorsqu'on arrive du passo Forcellina.
Deux chamois me regardent en se demandant d'où sort cet extra terrestre.
Il ne me reste plus qu'à descendre 6km pour arriver à la ville de Larche. Épicerie, lavage, lessive, restaurant... La journée aura été bien remplie ! Bizarrement j'ai adoré ces difficultés et le fait de me dépasser continuellement physiquement et mentalement. J'ai vraiment l'impression d'avoir vécu pleinement cette journée. Elle restera dans les annales des bons souvenirs malgré les difficultés. Ne serai je pas un peu maso ?
Némo,
RépondreSupprimerSpectacle très minéral. La flore aussi rare soit elle des jours précédents a pour le coup disparu au bénéfice de la roche. Certes l'altitude y est pour quelque chose. La Haute Ubaye se rapproche pas mal des écrins que tu as frôlés ces derniers jours.
Une fois encore tu nous fait partager tes émotions certes mais aussi ces paysages étonnants et surprenants. Magnifique.
Et le Mercantour que t'apprêtes a traverser le sera tout autant je pense.
Quant au lac il semble ne pas porter de nom à ce jour mais serait le fruit du réchauffement climatique et de la fonte du glacier de Marinet.
Courage pour la suite de l'aventure.
Et même si malgré l'altitude la mer n'est pas encore en vue, tu t'en rapproches, non sans émotion, de jour en jour.
Bonne route.