Modane est une immense gare de triage et des trains de marchandises passent toute la nuit. Idéal pour se réveiller en sursaut.
Malgré cela, ce sont encore les oiseaux qui me réveillent ce matin. Et je n'ai qu'une hâte c'est reprendre la route.
Clemens c'est lui aussi réveillé tôt et c'est ensemble que nous quittons le camping.
L'objectif est d'aller au refuge du Thabor à 16 km avec 1500 m de montée.
Nous traversons la ville ensemble. Elle est encore plus triste ce matin à l'ombre des montagnes sans que le soleil ne l'éclaire. On dirait une ville soviétique des années 50. Les bâtiments industriels de la gare de triage n'aident pas.
Quitter Modane n'est pas une sinécure. La piste qui passe sous le viaduc de l'autoroute est particulièrement raide. Visiblement Clemens est grande forme et je le perds rapidement de vue. Heureusement pour le moral, nous nous retrouvons dans une forêt dense de sapins avec au fond de la vallée un torrent que nous suivons. La fraîcheur est agréable surtout que l'effort est violent.
Je croise Clemens à la sortie de la forêt. Visiblement sa technique est de forcer comme un malade, de se reposer et de recommencer. Tout l'opposé de moi qui avance à pas régulier sans jamais prendre de pause de la journée sauf pour manger à midi.
Nous arrivons sur des fortifications militaires françaises de la 2eme guerre mondiale qui faisaient partie de la ligne Maginot.
Le paysage change drastiquement. L'herbe est rase et complétement brûlée. Je reconnais ce type de paysage propre aux Alpes du Sud.
La montée au col ne présente pas de difficulté et nous y arrivons à 11h. Le refuge est sur notre droite à 15 mn de marche. Nous sommes arrivés à la destination du jour. Il est bien trop tôt pour s'arrêter là. Au lieu d'aller vers le refuge où nous ne pourrons même pas manger ni boire avant midi - nous sommes en France -, nous décidons de faire la portion de demain et d'aller jusqu'à Nevache.
Il s'agit d'ajouter 18 km, monter 833 et descendre 1739 m.
Je ne suis pas inquiet puisqu'on peut bivouaquer n'importe où. Nous ne sommes plus dans le parc de la Vanoise.
Juste après le col, un panneau - en fait une croix en bois gravée - nous indique que nous quittons la Savoie et entrons dans les Alpes de Haute Provence. Nous sommes bien dans les Alpes du Sud et ça se voit. Je ne peux pas m'empêcher de penser à Giono et je regrette de ne pas l'avoir en livre audio. Ça aurait été un grand moment de cheminer avec.
Il va falloir faire attention à l'eau. D'ailleurs je n'en ai plus et le soleil cogne fort.
D'après la carte, il y a une rivière et une forêt autour. Idéal pour le casse croute.
Il faut donc maintenant descendre au cœur de la vallée et l'opération s'avère compliquée entre la poussière et les cailloux qui roulent sous les chaussures. C'est très pentu et il y a du monde en ce Samedi de vacances.
La descente est longue et vers 13h nous trouvons un endroit plat à côté de la rivière pour nous restaurer.
Clemens repart alors que je prends mon temps. Je n'ai pas la pression pour arriver aujourd'hui à Nevache. Je vais à mon rythme en profitant du paysage.
J'arrive bientôt sur un parking ou toutes les voitures sont immatriculées en Italie. D'ailleurs toutes les personnes que je croise parlent Italien - en utilisant leurs mains à outrance bien entendu. Je comprends mieux les fortifications militaires que j'ai croisées.
A partir de là mon esprit propice au vagabondage bascule comme si j'étais en voyage en Italie. Je ne sais pas si c'est la fatigue qui me met dans cet état mais je plonge comme si j'étais au milieu de l'Italie.
D'ailleurs les maisons sont toutes mignonnes et les panneaux sont systématiquement dans les 2 langues.
J'arrive à un village de montagne tout en bois où les drapeaux français et italien flottent côte à côte. Le GR (lequel ?) que je suis passe devant un refuge. Il est 14h30 et toutes les tables sont occupées par des Italiens. Ça crie, ça gesticule. Il y un bazar monstre géré par 3 serveurs qui font des allers retours incessants en cuisine.
Je décide de m'arrêter boire un coca pour assister au spectacle mais il n'y a pas de table de libre. Comme je suis planté comme un piquet, une serveuse tout sourire s'approche pour savoir si je veux quelque chose. Ah oui c'est vrai nous ne sommes plus en France ! Les serveurs sont sympas et on cherche à vous rendre service. J'avais oublié !
Je bois donc mon coca à 2€50 - je vous met au défi d'en trouver un à moins de 4€ dans un refuge français - assis dans l'herbe.
Cette gentillesse m'a amèné encore plus loin dans mon voyage en Italie. Je reprends la route comme si j'étais maintenant en train de traverser un pays étranger. Toutes mes perspectives ont changé. Pourtant je reprends la direction de la France même si je continue à ne croiser aucun français. D'ailleurs il y a beaucoup moins de monde. Le chemin grimpe vraiment sec mais le paysage est si beau que je ne le ressens pas.
En haut se trouve une grande prairie aux herbes hautes comme je n'en ai jamais croisée depuis le début de ce voyage.
La redescente vers la France est encore plus magique. Les paysages sont du jamais vu avec des stries de couleurs ocres.
Il y a même des demoiselles coiffées, reste de la présence d'un glacier, au milieu des arbres.
J'arrive à Nevache à 18h. Je ne suis même pas fatigué tellement j'ai les yeux et l'esprit remplis de la beauté de la nature.
Je retrouve Clemens au camping municipal ou le gardien m'offre la douche et me fait une ristourne parce que je fais le GR.
Je vais manger à la pizzeria où le service est catastrophique. J'attends une heure et je renonce à manger un dessert pour n'avoir ni eau ni pain durant le repas. 23€ pour une pizza et une bière. Me voici bien revenu chez moi. Le voyage en Italie est bien terminé :-(
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