Hier soir je me suis couché après avoir accompli ma tâche quotidienne de raconter ma journée. J'étais serein. Grosse journée bien accomplie. J'ai rangé mon téléphone. Au moment de fermer les yeux, j'ai eu la sensation de flashes qui dansaient devant mes yeux. Des lumières venaient et partaient de manière régulière. Comme si j'étais à côté d'un phare mais la mer me semble un peu loin. Je me suis dit que c'était la fatigue... Mais ça revenait avec insistance. J'ai pensé à un marcheur et sa frontale mais ça ne collait pas. Comme ça ne voulait pas s'arrêter, j'ai fini par mettre le nez dehors. C'était une succession d'éclairs dans le ciel. Comme je n'entendais pas de tonnerre, je me suis dit que c'était très loin et je me suis recouché. Sauf que le tonnerre est arrivé sur moi très très rapidement. Et avec lui les éclairs. Personnellement, la pluie quand je suis sous la tente ne me gêne pas vraiment. Je suis au chaud dans mon duvet et tout va bien. J'attends tranquillement que ça passe.
Le ciel s'est vraiment énervé et le tonnerre n'arrêtait pas de gronder. Je savais que ça allait tomber très sérieusement. Et effectivement ça s'est mis à tomber. Le bruit sur la tente était monstrueux. Je n'avais jamais connu ça. J'ai mis la main sur la toile mais je n'ai pas pu la laisser tellement les impacts étaient douloureux. J'ai allumé ma frontale et vu le sol couvert de grêlons d'un diamètre d'une pièce de 2 euros. L'intensité a augmenté et je voyais les impacts sur ma toile de tente. Je me suis dit qu'elle ne tiendrait pas. Et effectivement elle n'a pas résisté. Quand le déluge de glace à cessé, j'ai trouvé 3 trous dont un d'une longueur de 10 cm.
Je ne pouvais pas rester comme ça car l'orage continuait de tourner autour de moi et le tonnerre était de plus en plus fracassant. Il n'était tombé que de la glace et pas une goutte d'eau. Ça n'allait pas tarder. J'ai donc sorti mon kit de réparation mais j'ai pris le minimum. Je n'ai pas de quoi boucher une déchirure de 10 cm. La toile est trempée et mon scotch ne tient pas. Je fais comme je peux en attendant la pluie.
Soudain j'entends au loin un grondement qui se rapproche. Je n'arrive pas vraiment à distinguer l'origine du bruit mais plus ça se rapproche, plus c'est significatif. Il s'agit du bruit des grêlons qui se fracassant sur les rochers. Ça vient vers moi très vite comme une vague ou plutôt comme un tsunami. La pluie de sauterelles s'abattant sur les champs d'Égypte. Mon cerveau tourne à pleine allure. Une fois sur moi, ma tente va être lapidée. Il ne restera rien de mon abri comme lorsqu'une tornade arrive sur une maison. Qu'est que je peux faire ? Je ne trouve rien d'intelligent et reste planté comme un lapin devant les phares. J'espère que la pluie de grêlons va changer de direction. C'est ce que doivent se dire les victimes d'un ouragan.
Le bruit n'est plus qu'à quelques mètres et mon destin est fixé. Je vais passer à la broyeuse. L'attaque est encore plus furieuse que la première fois et la tente plie sous le poids des impacts des grêlons. Je vois distinctement le mitraillage ou plutôt le bombardement de chaque morceau de glace. Sans que je comprenne comment ma tente est encore debout lorsqu'arrive le déluge d'eau. La répartition de la déchirure n'a pas tenu et l'eau rentre dans la tente. Mais ça ne dure pas. Juste une minute comme la première phase avec les grêlons en éclaireur. Derrière vient le vent d'une violence incroyable qui écrase la tente sur moi. Les sardines tiennent le choc et la tente est encore debout lorsque la vague me dépasse et poursuit sa route. C'est terminé pour le moment.
Je fais le tour de l'abri. Recolmate les brèches, évacue l'eau et prie pour éviter une 3eme vague de grêlons. L'orage tourne en rond au dessus de moi. Il n'arrive pas à se décider à lâcher de l'eau. Le tonnerre reprend son tintamarre. Il pleut mais quelques gouttes et puis tout s'arrête, l'orage s'éloigne. C'est terminé. Il est 1h20 du matin à ma montre. Pas sûr que je m'endorme sereinement maintenant. Ma tente est cloquée de partout, mes réparations ne ressemblent à rien. Tout ce que je peux faire c'est d'attendre demain au jour pour voir l'étendue réelle des dégâts.
Bien entendu à 6h, au lever du soleil je suis parfaitement réveillé. Ma nuit courte a été agitée autant que la soirée. Je reprends mes réparations en passant le scotch qui me reste. C'est franchement moche mais ça devrait tenir. La tente est pleine de cloques mais il va falloir attendre la prochaine pluie pour savoir exactement où on en est sur l'étanchéité. Il ne me reste plus qu'à boucler mon sac et reprendre la route.
Je suis fatigué car je n'ai pas pu récupérer. La journée commence par une super descente. Nous sommes toujours dans un pierrier mais version jungle. Il y a des arbres partout. Les racines recouvrent les rochers. L'orage les a trempées et le mélange rocher, racine, boue est extrêmement glissant. Je dois faire attention à chaque pas et dès que j'essaye d'accélérer, je glisse systèmatiquement.
Le sol est recouvert de feuilles des arbres. Comme en automne mais les feuilles sont vertes. Elles ont été arrachées par les grêlons.
La comparaison avec la jungle n'est pas exagérée. Il fait très chaud ce matin et avec la pluie l'air est extrêmement moite. Plus je descends plus la végétation est luxuriante. A tel point que le GR a été nettoyé, sûrement à la machine, pour permettre aux randonneurs de passer.
La pente est moins forte et je suis le torrent que j'entendais gronder quand je plongeais dans la vallée. Je croise un gamin qui joue avec son téléphone. A priori, il y a du réseau dans le coin. Effectivement je m'approche d'une nationale et avec elle d'une connexion Internet.
Je profite du retour à la civilisation en tapant sur mon téléphone comme un ado. Mais je dois reprendre la route. Elle longe la nationale. Des parkings et des zones de piques niques sont aménagés un peu partout. Il y a beaucoup d'espagnols qui profitent du beau temps et font des barbecues. On dirait un Dimanche mais je n'ai aucune idée du jour qu'on est. Syndrome classique du hiker qui perd toute notion du temps.
Il est 14h et j'arrive devant un refuge qui est l'objectif du jour. Il est bien trop tôt et je décide d'entamer le jour suivant. Mais les journées sont calées pour d'abord monter puis descendre. Pour résumer, je pars dans une grimpette dans l'après midi et je n'aurai sûrement pas le temps de descendre de l'autre côté. Je ne réfléchis pas plus que ça. Je ne regarde pas mes notes mais il s'agit de grimper 1125 m. Et je vais vite m'apercevoir de l'importance du dénivelé.
Je suis content de grimper à nouveau et faire fonctionner les muscles de la montée plutôt que ceux de la descente. Ça grimpe sec face à nous sur la pente la plus raide. Le paysage est toujours aussi grandiose et je ne m'habitue pas malgré les jours qui passent et la fatigue. A cause d'elle j'avance lentement mais je me sens invincible. Je ne comprends pas d'où vient ce sentiment. Je suis en train de souffrir dans une montée qui n'en finit plus et j'ai l'impression que rien ne va m'arrêter. D'ailleurs en levant les yeux, je vois de beaux nuages noirs qui m'arrivent droit dessus. Normal il est 16h. Je me dis que la foudre ne tombe pas 2 fois au même endroit et que j'ai déjà bien dégusté hier soir. L'orage ne peut pas me tomber dessus. Oui c'est une réflexion totalement débile mais on s'accroche à ce qu'on peut pour avancer. D'ailleurs j'ai raison car à part quelques gouttes j'arrive au sommet sans encombre. Et là je ne regrette pas ma décision. Il s'agit d'un plateau entouré de chaînes de montagnes où sont enfermés des 10aines de lac.
Le site est grandiose. Je suis aux anges. Je vois des endroits où planter ma tente mais je ne sais pas si j'ai le droit et il n'est que 17h. Je continue donc ma route en suivant les marques du GR 11 comme je le fais depuis 3 jours. J'arrive au bout du dernier lac et je plonge dans la vallée. Il est 18h et je cherche maintenant un endroit discret. Je trouve quelque chose mais pas aussi beau que la zone des lacs que je viens de quitter. Je regrette de ne pas être rester là haut.
Je regarde mon GPS pour m'apercevoir que je me suis trompé. J'aurai dû quitter le GR pour rejoindre le HRP au niveau des lacs. Pas question de rester sur ce GR si je peux retourner à ma vie d'aventurier au milieu des lacs.
Au moment de partir, je croise une jeune fille. Une HRPiste que je reconnais et qui me reconnait. Forcément on se cause. Gaby était dans la même zone que moi hier soir. Elle a connu le même phénomène météorologique. De ses mots, elle a cru qu'elle allait mourir. Elle a aussi sa tente qui est déchirée mais elle n'a rien pour réparer. Elle continue le GR pour quémander du scotch au prochain refuge. Elle ne veut pas passer une nuit dehors sans réparer sa tente. Elle me montre les nuages noirs en me disant que l'orage peut revenir. Je ne suis pas du même avis et je la laisse descendre pendant que je vole vers le HRP. Enfin voler... Il faut que je grimpe tout ce que j'ai inutilement descendu.
Dès que je reconnecte avec le HRP, le changement est radical. Plus de signe rouge et blanc, quelques Cairns et surtout absolument personne. Sur le GR c'est un défilé permanent d'ultra runners, de familles et de groupes d'enfants ou de personnes âgées. Ici pas une âme qui vive et le cadre est absolument fabuleux. Des lacs partout et juste pour moi. Je choisi un emplacement au soleil entre 3 lacs. J'ai une vue à 360 degrés sur les falaises. Je me baigne pour me laver... C'est le plus beau bivouac que j'ai fait depuis le début. Gaby aurait dû rester sur le HRP...
J’admire les filles seules, si tu les recroises .. dis lui que je l’admire !
RépondreSupprimerEn fait je rencontre beaucoup de filles seules. En fait il y a beaucoup de gens seuls et quelques couples. Après sur le HRP, tu n'es pas dans le wilderness comme en Amérique du Nord. Tu croises tout le temps du monde et tous les jours tu peux dormir dans un refuge. Et puis je vois mal un pervers sexuel monter 2000 m de dénivelé en pleine montagne pour chercher une proie. Quant à la vie sauvage, cela fait bien longtemps qu'elle n'existe plus en Europe. Cela n'empêche pas qu'elles soient des super women mais tu ne peux pas comparer avec le bois au Québec. C'est physiquement plus difficile mais les risques sont bien moins importants.
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