Je suis le premier à me réveiller. J'ai mal dormi car je me suis occupé de mes mails et que j'ai écris mon blog. Résultat, j'ai pu me coucher uniquement à minuit passé. Je ne peux pas faire de grosses journées de marche et maintenir mon blog. Il va falloir choisir pour que je puisse suffisamment me reposer sinon je ne vais pas tenir la distance.
Le temps de déjeuner, Scott l'américain et Inigo le basque espagnol ont plié leur tente et sont prêts à partir. Je n'ai pas du tout l'intention de marcher en groupe mais nous sommes prêts en même temps et nous partons ensemble. Scott est le plus rapide (et aussi le plus jeune, peut être une corrélation), Inigo à 40 ans mais nous avons grosso modo le même rythme. Nous nous retrouvons régulièrement même si nous ne nous attendons pas volontairement.
La journée commence par une grosse grimpette en Zig Zag au milieu des arbres. L'objectif est d'atteindre un lac d'altitude avant de rejoindre Candanchu, une station de ski côté Espagnol.
La montée me met tout de suite à l'épreuve. Derrière moi se trouve un monsieur d'au moins 70 ans, sec comme une trique, buriné par le soleil et qui monte à la vitesse de l'éclair. Il ne tarde pas à me doubler et nous discutons longues randonnées. Il a bien sûr fait la HRP. Par contre, il ne fait plus que sortie de 15 jours maximum. Alors que je pense que c'est à cause de l'âge, il m'explique qu'au delà sa capacité d'émerveillement s'émousse. Il préfère revenir en plusieurs fois que de tout faire d'un coup pour renouveler son émerveillement. Cette remarque m'interpelle profondément. Est ce que moi aussi, je ne vais pas gâcher une partie de mon voyage par habitude, par lassitude ? J'ai passé 5 mois sur le CDT, est-ce que j'ai été émerveillé quotidiennement du matin au soir ? Il y a matière à réflexion. Est ce qu'à force de voir des choses grandioses, elles deviennent ordinaires, transparentes. Devient-on insensible à la beauté à force de la côtoyer ? Est ce qu'un montagnard ne voit plus la montagne ? Un marin l'océan ? Un Nemo la beauté de la nature ? L'histoire nous le dira.
En arrivant au lac, Inigo se jette à l'eau. A 9h du matin, il est un peu tôt et surtout un peu frais pour moi car le vent souffle.
Je continue mon chemin en direction de Candanchu. Je croise de plus en plus de personnes qui elles montent vers le lac depuis la vallée qui me fait face. En fait, le lac possède une grande plage et les touristes viennent s'y baigner. Les français montent depuis le Sud et les Espagnols depuis le Nord et tout se beau monde se retrouve à barboter au même endroit. Je croise toutes sortes de touristes qui n'ont rien à voir avec des randonneurs. C'est un défilé de bobs, de shorts trop longs et de débardeurs. Le chemin a été quadruplé en sentiers parallèles par la fréquentation excessive.
Heureusement le HRP a toujours une botte secrète pour nous sortir d'une telle situation et nous bifurquons subitement sur la droite en abandonnant la foule. Il n'y a personne sur ce nouveau chemin. Il se ballade dans les bois et le long d'une falaise. Inigo connaît très bien la région (côté France et Espagne) et m'indique que nous avons un passage techniquement dangereux sur une 50aine de mètres. Il s'agit d'une pente quasi verticale constituée de cailloux instables. Il y a donc une voie avec des prises assez étroites qu'il faut bien suivre. Rien de compliqué. Il faut rester concentré, bien placer ses pieds et ne pas regarder en bas. Sincèrement ce n'est pas le Mer à boire.
Bien entendu un groupe de touristes a paniqué et ils ont décidé d'ouvrir une autre voie en dessous pour ne pas prendre le chemin "officiel" qui leur faisait peur. Ils sont en pleine galère mais finissent par rejoindre un chemin qui ramène dans la vallée. Fin de la ballade pour eux. Je leur dirai bien qu'il est dangereux de sortir des sentiers battus et que les voies déjà ouvertes sont les plus sécuritaires mais ça serait peine perdue. Autant continuer...
Bientôt nous arrivons sur le domaine skiable de Candanchu et en vue de la station de ski. Je suis toujours troublé de voir une station en été. C'est un vaisseau éventré et échoué sur la terre ferme. La neige transformera cette station en lieu magique où les touristes viendront profiter des joies de la glisse. Mais actuellement c'est une ville fantôme envahi par les herbes folles avec un parking immense sans aucune voiture.
Arrivés au centre ville, nous retrouvons Scott qui a déjà ravitaillé et mangerait bien un morceau avant de repartir. Il faut dire qu'il est midi. Candanchu est un final d'étape du HRP mais entre l'heure peu avancée et la désertification de la ville, je n'ai aucune envie de rester. Moi aussi j'envisage de repartir rejoindre les hautes montagnes. A partir de maintenant nous attaquons la région des lacs et il y a toujours des zones plates près des lacs.
Inigo est tout excité d'être en Espagne, de pouvoir acheter de la nourriture et surtout de se faire un resto espagnol. Nous nous attablons à une gargotte du soit disant le meilleur restaurant de la ville. On y vend uniquement des steaks frites et autre escalope milanaise mais Inigo est aux anges. Rien à faire la gastronomie n'est pas la même dans tous les pays.
Le repas avalé nous repartons vers la montagne. Il fait une chaleur accablante et après avoir fait un bon bout de route nous prenons un sentier qui démarre sous des télésièges. A 15h nous atteignons un premier lac après 400 m de dénivelé. Il nous tend les bras alors que nous degouttons de sueur et nous nous y jetons avec délectation. Mais l'eau est tellement froide que la trempette est rapide. Mais Dieu que cela fait du bien.
Nous repartons vers un deuxième lac où nous voulons bivouaquer. Nous y serons vers 18h ce qui est un bon timing pour arrêter la journée. Depuis que nous avons quitté le domaine skiable, nous avons retrouvé les paysages qui ont fait notre émerveillement de la veille (il n'est pas encore émoussé).
Des nuages noirs s'amoncellent sur nos têtes mais c'est un phénomène classique en montagne ou en fin d'après midi les orages peuvent se former. Je reçois quelques gouttes, Je mets à l'abri dans mes sacs étanches ce qui doit l'être, enfile mon coupe vent en goretex et sors mon parapluie. Je suis paré au cas où.
Je vois tous les animaux de la vallée, vaches et chevaux, se diriger rapidement vers la vallée suivante. Cela ne le rassure pas outre mesure mais la vallée suivante est ma destination où se trouve le lac.
Je rejoins mes camarades de jeu et nous recherchons l'endroit idéal pour planter nos tentes. Pendant cette phase de pinaillage sur les différents atouts de chaque endroit, il commence à pleuvoir. Inigo decide de s'installer près du lac alors que Scott et moi attendons que la pluie se calme sous un rocher. En fait de se calmer, elle se transforme en tempête et pluie de grêlons. Je suis sous mon parapluie mais Scott est trempé jusqu'au os.
Une accalmie se présente. Je laisse à Scott le terrain plat à côté de nous et en cherche un autre. J'ai vraiment du mal et je perds du temps. Tout est detrempé et gorgé d'eau, surtout les zones planes. Je finis par jeter mon dévolu sur une zone à côté de rochers qui semble évacuer l'eau. Je ramène mon sac et un déluge s'abat sur nous. Je vois que Scott a quasiment fini de monter sa tente alors que je n'ai même pas sorti la mienne. En plus elle est toujours au fond du sac. Je dois donc tout sortir sous une pluie battante mélangée de grêlons de plus en plus gros. J'étale ma tente pour la planter que déjà c'est devenu un récipient d'eau. Se mettre près des rochers s'avère une idée des plus brillantes. Il y a des cailloux partout et je n'arrive pas à planter mes sardines. J'en tors 2 par énervement. Je n'ai plus un poil de sec et je dégouline d'eau. Je commence sérieusement à me demander ce que je vais faire. Dans un cas comme celui-ci, la chose la plus importante est de monter sa tente pour se mettre à l'abri et justement je n'y arrive pas. Je refais le tour des sardines, cherche des cailloux, ruse avec les rochers. J'ai l'impression que ces minutes sont des heures.
Finalement, j'arrive à monter mon abri alors que le déluge n'a pas baissé d'intensité. Je rentre dans la tente pour y trouver autant d'eau dedans que dehors. Comme je n'arrive pas à l'évacuer entièrement je finis en me servant de mon bandana comme d'une éponge. J'ai rentré tous mes sacs étanches et mon sac à dos detrempé à l'intérieur. J'évacue à nouveau toute l'eau mais les choses commencent à prendre forme. Je reste un moment ébahi à reprendre mon souffle en regardant les grêlons qui rebondissent sur le sol comme autant de petites balles de tennis. Vu comment ça tombe, on est parti pour un moment. Je ne sais pas si mon tapis de sol est très étanche car les piquants du Nouveau Mexique s'était bien occupés de mes matelas. Il manquerait plus que l'eau s'infiltre, je ne pourrais pas étaler mon sac de couchage..
Mais ma priorité est de mettre d'enlever les vêtements trempés que j'ai sur le dos. Je commence à claquer des dents. J'installe mon petit pad pour m'assoir au sec et met des affaires sèches avec ma doudoune. Je revis. Bien évidemment je ne peux pas sortir mais j'ai déjà fait la tambouille dans la tente. La situation est rdonc maintenant sous contrôle. Alors qu'il continue à pleuvoir à verse, des rayons de soleil tapent la face droite de la tente. C'est vraiment un drôle d'effet. Il ne tarde pas à faire une chaleur d'enfer dans la tente et je regrette d'avoir mis ma doudoune. Un comble ! En 5 minutes la pluie cesse et le soleil brille. Je passe la tête dehors pour voir un ciel bleu et Scott tout aussi ébahi que moi. Qu'est ce qui nous est arrivé ? Je crois que c'est ce qu'on appelle un méchant gros orage de montagne. Nous allons devoir faire très attention maintenant surtout pour les sommets et les passages de col.... Pas très rassurant cette soudaineté de la tempête..
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