Ce matin, le vent fait claquer la tente comme les voiles d'un bateau. Il est temps pour le capitaine Nemo de reprendre son exploration du monde inconnu. Sauf que le Nautilus c'est mon corps et que j'espère n'avoir pas trop d'avaries...
C'est une grosse journée qui m'attend, il va falloir monter 3 cols pour un total de 1700 m de montée. La HRP consiste en gros a enchaîné plusieurs sommets dans la journée. C'est violent. Soit mon corps va s'adapter soit il va lâcher. Je vais vite être fixé...
La première étape est de descendre jusqu'au refuge Wallon au creux de la vallée. Mes muscles répondent plutôt bien et je suis confiant. Dans la vallée, des ouvriers sont en train d'installer une canalisation d'eau pour alimenter le refuge Wallon qui est train d'être entièrement refait. Je ne sais pas qui est le mégalomane à l'origine du projet mais c'est un double bâtiment en pierre et en bois d'architecture moderne qui sort du sol. Avec 2 étages, il y aura au moins 300 personnes qui pourront dormir là. C'est juste démentiel et ça n'a rien à voir avec les refuges de montagne que je connais. Ceci m'inquiéte sur la surexploitation de la montagne.
Cette monstruosité n'empêche pas la beauté du site. On y retrouve des arbres qui me manquaient un peu et aussi beaucoup de cascades.
A partir du refuge, j'attaque la première montée de 800 m de dénivelé pour le col d'Arratille à 2528 m. Mon corps se porte comme un charme et j'enchaîne les virages serrés sans en souffrir. Je suis bien concentré et le paysage de sapins et de cascades m'aide beaucoup.
Bien entendu, la pente augmente avec l'approche toute relative du col. C'est un immense pierrier qui nous fait face. Je me trompe et je suis visiblement d'anciens cairns qui n'ont plus lieu d'être. Au lieu du sentier au milieu du pierrier, je me retrouve dans les falaises à suivre un GR abandonné. Je n'ai rien sur la carte mais il va en direction du col. Au lieu de redescendre je décide de suivre cet itinéraire oublié. Visiblement à l'époque on ne faisait pas dans la dentelle et la sécurité passait au second plan. L'objectif était de trouver une voie quitte à enchaîner les passages pour le moins techniques. Heureusement je suis en forme et un peu d'adrénaline ne gâche pas mon plaisir. En final au lieu de louvoyer dans le pierrier, je suis monté tout droit par les falaises.
Je rejoins le pierrier pour le final des plus abrupts et une petite traversée d'un névé au dessus d'un lac qui aurait pu me manquer. Les jours se suivent et se ressemblent. J'arrive au col et je peux à peine tenir debout tellement le vent est violent. Je suis à nouveau en Espagne. D'ailleurs les Espagnols ont badigeonné les marques de GR que les français ont osé faire en Espagne. Ça ne m'étonnerait pas que Français fassent pareil de leur côté. Imbéciles de tous les pays du monde, donnez vous la main.
Le vent ne se calme pas et il faut maintenant faire le tour d'un immense cirque à flanc de pierrier sur plusieurs kilomètres. Le sentier ouvert dans les pierre est assez étroit et se voit sur des kilomètres.
Il est 13h. Je n'ai plus d'eau sauf dans ma réserve au fond de mon sac. De plus, je n'ai pas mangé. Quitte à m'arrêter et à démonter mon sac, je ferai bien un coup double. Quoiqu'il en soit je ne peux pas m'arrêter sur le sentier et déballer mes affaires avec si peu de place à ma disposition. Je croise quand même avec difficulté d'autres marcheurs. Comme je vois au loin de l'eau qui coule dans la pente, je demande confirmation au randonneur qui se contorsionne pour me croiser. Il me répond qu'il n'y a pas d'eau et sa femme qui le suit le confirme. Il n'y a rien avant le prochain refuge.
Je n'ai pourtant pas la berlue et je vois bien la marque de l'eau qui coule sur les hauteurs. Peut être l'eau disparaît elle dans le sol et n'arrive pas au sentier. Je décide donc de le quitter et de remonter dans le pierrier pour aller chercher l'eau. Je trouve bien l'eau où je l'avais vu et elle coule jusqu'au sentier et au delà. Les 2 comiques que j'ai croisés ont mis les pieds dedans mais ne l'ont même pas vu. Bien ma chance.
Je suis à flanc de montagne et comme je suis monté, c'est encore plus pentu. Je récupère de l'eau et je décide de me faire à manger dans une vraie position d'équilibriste. J'y arrive mais ce n'est pas très reposant. J'ai surtout peur qu'un de mes sacs ne mette à dévaler la pente.
L'énergie acquise par ce succinct repas va me permettre de passer le 2eme col, celui des Mulets à 2591 m. Je suis dans un pierrier depuis 2 heures, le sommital en est juste un avec de plus gros rochers.
Une fois le col passé, la surprise est de taille. Face au refuge que je vois au loin dans la vallée, il y a un glacier qui lui fait face.
Celui-ci se trouve sur la face nord du Vignemale qui est le plus haut sommet des Pyrénées à 3298m. Le glacier est ridiculement petit devant sa moraine qui elle s'étend sur toute la vallée. Dans quelques années, il aura complètement disparu. Il se vide de son sang formé d'eau d'un bleu blanchâtre s'écoule en une multitude de ruisseaux qui s'écoulent sur la moraine. C'est très beau et très triste à la fois.
Le refuge des Oulettes de Gaube (2151m) offre un parfait panorama sur le Vignemale et le reste de son glacier. J'y déguste une tarte à la myrtille et un coca avant d'attaquer le gros morceau de la journée, la Hourquette d’Ossoue à 2734m soit 600 m de dénivelé (j'en ai déjà 1100 dans les pattes).
La dernière bouchée avalée, je balance mon sac à dos sur mes épaules et me voici reparti. Je vois parfaitement le sentier qui Zig Zag sur la face Est du cirque. Je m'y attaque tranquillement et le physique continue de suivre. Aujourd'hui il me semble que j'ai passé un cap et que j'ai fusionné avec le HRP. Je ne sais plus depuis combien de jours je marche et le nombre qui reste n'a plus d'importance. Je regarde autour de moi et profite de l'instant présent sachant que la magie va se répéter encore et encore tant que je marche.
Au sujet des évènements qui se déroulent autour de moi, il y a de gros nuages noirs qui s'accumulent autour du Vignemale. Il est 17h, heure habituelle des orages, et s'attaquer à un sommet dans ces conditions est déraisonnable. Mais je suis beaucoup plus près du sommet que du refuge et il me sera beaucoup plus long de faire demi-tour que de basculer sur l'autre versant. Je décide de tenter ma chance mais je n'en mène pas large avec le souvenir de l'orage que j'ai subi.
Pour me rassurer, j'entends un énorme craquement qui raisonne jusqu'aux tréfonds du Vignemale. C'est le glacier qui se fissure et qui crache quelques blocs de glace qui roulent jusqu'à la moraine. Une mort lente qui donne la chair de poule...
Je croise 2 grimpeurs casqués qui descendent à toute vitesse vers le refuge. Alors que je m'attends à ce qu'ils m'enjoignent à les suivre, ils me souhaitent gentiment une bonne ascension. Je suis dans le pierrier sommital et bataille à trouver un passage un peu moins raide pour que je puisse monter.
Le ciel est noir mais il ne pleut pas. De toute façon j'y suis et je bascule sur l'autre versant. Il y fait un vent à décorner les boeufs. Il est si violent que j'ai du mal à tenir debout. J'ai l'impression que mes boutons de chemise vont sauter.
En tout cas, je suis en sécurité. En contrebas je vois le refuge de Bayssellance qui est le plus haut des Pyrénées (2651m). Il sert de camp de base pour faire le sommet du Vignemale.
Malgré le temps maussade, j'ai une vu sur tous les sommets du cirque de Gavarnie. Si l'orage se déclenche, je serai où aller trouver abri. Tout autour du refuge, il y a des zones de bivouac. Il s'agit de petits murets de pierre qui encadre une zone ronde en terre où on peut planter sa tente. Certains de ces ronds sont occupés ou réservés par des sacs à dos. Tous attendent 19h, heure légale oú l'on peut monter sa tente pour bivouaquer dans un parc national.
Pour ma part, je n'envisage pas de grimper le Vignemale ou son glacier. Je décide donc de continuer ma route et de chercher un endroit isolé pour passer la nuit. Je me lance donc dans la descente. Elle est très longue cette descente vers Gavarnie et surtout très pentu. Il n'y visiblement aucun endroit où planter sa tente. Mais d'après mes notes, il y a un lieu entre 2 virages où s'est jouable. Espérons qu'il ne sera pas occupé.
Effectivement je tombe dessus et l'emplacement est libre. Heureusement que je suis seul car on ne peut mettre qu'une seule tente. Le seul problème est que je suis au bord du chemin. Demain matin dès l'aube j'aurai droit aux apprentis montagnards qui voudront tâter du Vignemale.
A l'heure actuelle, mon problème c'est le vent qui ne se calme pas. Monter la tente relève de l'exploit. Impossible de se laver dans le torrent, l'eau gelée passe encore mais doublée avec le vent, cela dépasse ma tolérance au froid.
Je mange donc dans la tente mais une bourrasque arrive tout de même à éteindre mon réchaud qui possède un pare-vent intégré. Du jamais vu ! Je me couche le plus vite possible en regardant les parois de ma tente se déformer dans tous les sens par un monstre fou. Pourvu que les sardines tiennent toute la nuit...
Merci beaucoup Stéphane pour ce gentil message. Grand aventurier c'est beaucoup dire ! Je ne suis pas dans la jungle amazonienne poursuivi par des pygmées carnivores (ok il n'y a pas de pygmées en Amazonie et ils ne sont pas carnivores). Quoiqu'il en soit merci de tes encouragements car je vais en avoir besoin. Les Pyrénées ça monte et ça descend vachement ! La prochaine sortie sera sur le plateau de la Crau ;-)
RépondreSupprimerBonnes vacances à toi