La pouliche et ses 2 poulains sont venus me regarder prendre mon petit déjeuner. Elle est plus effrontée que le reste de la harde qui reste sagement en arrière. Elle doit être importante puisqu'elle une grosse cloche autour du cou. Les 2 poulains ne la lâchent d'un sabot mais reste bien derrière. Une fois sa curiosité assouvie, elle s'en va en galopant et le reste de la harde lui emboîte le pas au son sacadée de sa cloche.
Sympathique petit balais pour commencer la journée. J'avoue qu'entre hier soir et ce matin, j'ai eu beaucoup de mal à retrouver mes marques avec mon matériel. J'ai pourtant camper quotidiennement pendant 5 mois mais c'était devenu un automatisme. Je ne réfléchissais plus tellement cela faisait partie de ma vie. Mais là, c'est pathétique. Il faut que je m'y reprenne à 3 fois pour régler ma tente. J'ai perdu mes marques...
Le vent Basque est très capricieux. Il souffle en tempête, s'arrête, repart dans l'autre sens avec une violence extrême. C'est à ne rien y comprendre mais il a bien brassé la tente cette nuit. Ce matin, il est taquin et je galère à plier ma tente qui s'envole dans tous les sens.
La journée d'hier a laissé des traces et mes muscles sont un peu raides. Ça tombe bien il y a 200 m de dénivelé pour s'échauffer. Et surtout dans les mêmes conditions : pas une trace pour passer le col. Qu'à cela ne tienne, je prend une sente d'animal mais ça n'empêche pas l'effort. Je transpire déjà alors que le soleil pointe à l'horizon. Parce oui exceptionnellement il pourrait y avoir du soleil aujourd'hui si les nuages ne prennent pas le dessus. Ils n'ont pas dit leur dernier mot.
Je parviens au col et en le passant je tombe sur un plateau où paisse moutons et chevaux. Le soleil brille et la journée s'annonce belle. Il ne me reste plus qu'à descendre pour rejoindre un GR. Je crois que c'est le GR 12 mais le HRP saute de sentiers en chemind en se moquant des numéros et mêmes de l'existence réelle des traces.
En suivant ce GR, j'arrive sur une route. D'ailleurs la combinaison GR et route fait que je croise des randonneurs à la journée. Ils sentent bon le savon, signe que moi je pue comme un bouc.
La route passe devant le restaurant que je cherchais à atteindre hier. Je m'éclate de rire en voyant qu'il est fermé. Heureusement que je ne suis pas obstiné.
Je sais qu'il y un robinet d'eau dans un bâtiment plus loin sur le bord de la route. Quand j'y arrive, il y a 3 randonneurs en grande discussion. Un couple de français essaye laborieusement d'aligner 3 mots d'anglais avec... Laura. Elle a passé la nuit ici avec les campings car qui pullulent en contrebas de la route au bord de la rivière. A tel point que le bâtiment devant lequel nous nous trouvons a bien un robinet mais aussi des douches chaudes en libre disposition des touristes motorisés. Incroyable ! Je prends une douche pendant que Laura repart sur la HRP. Je n'ai jamais eu droit à un tel luxe en faisant de la randonnée.
C'est propre comme un sou neuf mais avec une chemise qui sent le bouc que je prends à mon tour la route. Nous sommes dans un cirque. Donc pour en sortir, il faut grimper. Adieu toilettage inespéré, en 5 minutes je transpire comme un bœuf.
J'enchaîne les kilomètres et j'arrive au niveau d'Iraki. Je sais qu'il y a un restaurant au col et il est 12h30. Un timing de rêve. Douche, restaurant... La France n'est pas vraiment le wilderness américain !
Je recroise Laura qui me prévient que la suite est à nouveau sans trace avec direction à la boussole. Je vais l'appeler "Laura les bons tuyaux". En tout cas, c'est une raison de plus pour prendre des forces avec un bon repas. Malgré l'heure, le restaurant est quasi désert. L'accueil est glacial et je dois donner mon pédigrée et mon portable avant qu'on m'attribue une table. Un peu plus et la matronne garde chiourme me demandait mon pass sanitaire. Je commande le plat du jour. Au pays Basque, on mange. Je vois ça aux plats de mes voisins d'en face. Un père obèse et sa fille qui prend la même voie. Pour ma part, j'ai un rumsteck avec du gratin dauphinois ET des frites. Et comme la cuisine a oublié la vinaigrette de la salade, on me remet des frites. Je n'ai pas encore la faim du marcheur et je n'arrive pas au bout de mon plat. Un café et je repars alors que des hordes de randonneurs à la journée et des familles de touristes envahissent le restaurant. Les vacanciers mangent tard.
Pour digérer et comme je repars du col d'Iraki ou les cyclistes se prennent en photo devant le panneau (une étape du tour ?), je commence par une belle côte. En fait, le col représente la fin d'une étape du HRP. J'attaque donc une nouvelle étape en début d'après midi. Celle ci fait 20 km mais il y a un sommet à faire. Je ne peux pas faire tout cela dans l'après midi donc je cherche à me rapprocher de l'ascension sans la faire.
Heureusement que Laura m'avait prévenu car le chemin jusqu'au pied du sommet est.. confidentiel. Je ne sais pas comment on peut avoir l'idée de nous faire passer là mais c'est très compliqué à trouver. Je pense encore une fois au 3 allemands et entre hier et aujourd'hui, ils doivent être devenus fous.
Dans un vallon, il y a un troupeau de brebis. L'un d'entre elle est un peu à l'écart et couchée dans l'herbe. Ce qui m'étonne c'est qu'il y a une dizaine de vautours posés juste devant elle. Personne ne semble troublé, ni le troupeau ni cette pauvre bête encerclée par les vautours qui sont totalement paisibles.
Est ce que la bête est malade ? Est ce que les vautours l'ont senti et attendent qu'elle passe à trépas ? Cette scène suréaliste prend fin à mon approche : les vautours s'envolent et la brebis se relève péniblement pour rejoindre le troupeau.
Vers 15h j'arrive au pied du sommet où je retrouve Laura en pleine réflexion. Le pic est couvert de nuages et elle ne sait pas si elle se lance à l'assaut du sommet. Elle a croisé un gars qui lui a dit que c'était assez technique et qu'il fallait utiliser ses mains. Avec les nuages, la visibilité est faible et le risque augmente. Pour ma part, j'avais l'intention de récupérer de l'eau et de passer la nuit là. Mais il n'est que 15h... Le sommet est à seulement 600 m de dénivelé et c'est de la moyenne montagne. En dessous des nuages c'est de la prairie.
Je change de plan et décide de partir avec l'eau qui me reste passer ce sommet qui me nargue. Je sais néanmoins que je suis en train de faire une belle connerie. Il n'y a pas d'eau de l'autre côté et je ne pourrai pas me ravitailler, du moins en restant sur la HRP, il n'y a effectivement aucune visibilité et surtout je suis bien entamé par ma journée qui a débuté à 6 h du mat.
Comme je fais n'importe quoi, cela incite Laura à me suivre et nous sommes bientôt rejoint par un Hollandais que j'ai croisé hier soir. Les 2 jeunes devant et papi derrière pour ne pas relentir la marche. Dès que nous arrivons au niveau des nuages, c'est un vent d'une violence extrême qui nous prend de plein fouet. Il est quasi impossible de tenir debout. Heureusement le sentier est légèrement en dessous de la crête ce qui diminue légèrement la violence du vent et lui permet d'être supportable. Néanmoins il faut suivre la crête et celle ci devient de plus en plus étroite au point que j'arrive à un passage qu'il m'est impossible de franchir. Le guide côte ce sommet à au chiffre 3 qui est le niveau le plus élevé avant expert. Pour moi même un expert ne peut pas passer là où je suis. Dans le brouillard j'ai perdu de vue les jeunes et je suis collé à la paroi à cause du vent. Je saisi quand même mon téléphone de mes doigts engourdis pour m'apercevoir que j'ai pris le mauvais côté de la crête. Je dois repasser de l'autre côté. La bascule se trouve des plus acrobatiques entre le poids de mon sac et le vent qui me bouscule dans tous les sens. Avec la purée de poix, je ne sais pas la profondeur des falaises mais il ne vaut mieux pas tomber. Mon style ne restera pas dans les annales mais je finis par passer et je retrouve Laura de l'autre côté. Je l'ai doublé lorsque j'étais du mauvais côté. J'ai le cœur qui bat à tout rompre et décide de calmer le jeu en restant avec elle. A 2 on est plus fort. Elle a son GPS en bandoulière et j'ouvre la voie sur la crête. A nouveau il est impossible d'avancer et Laura me dit qu'on doit descendre. Avec le vent j'entends mal et je me jete dans la descente. C'est vraiment très technique. Trop technique pour être là bonne voie mais je fini par tomber sur un sentier. Nous voici revenus sur une voie praticable.
Par contre pas de Laura. J'ai beau scruter la pente par laquelle je suis descendu, je ne distingue personne. Je ne comprends rien. Tout d'un coup, j'entends sa voix sans la voir. En fait, elle est derrière moi. Nous avions raté une bifurcation et elle a fait demi tour pour aller la chercher pendant que je descendais dans une voie qui n'en était pas une. Elle a essayé de me prévenir mais je ne l'ai pas entendu.
Les passages techniques m'ont physiquement affaiblis. Déjà que j'étais parti en bout de course, je cumule la fatigue. Laura m'apprend alors que nous n'avons fait que la moitié de l'ascension. Il reste 300 m de dénivelé. En principe ce n'est rien du tout mais avec la descente à faire, le vent, le froid et l'absence d'eau, mon moral dégringole en chute libre. De toute façon je ne vais pas rester là.
Je dis à Laura de partir devant et que je vais monter à mon rythme, celui d'un asthmatique en fin de vie. Et j'enchaîne les pas entrecoupés des dernières barres céréales qui me restent. Le vent est hallucinant de violence. Mon coupe vent claque comme un drapeau sur un rythme de castagnettes. Je perds parfois l'équilibre à cause des rafales. Mais après une heure, je finis par arriver au sommet où je retrouve Laura. Nous ne verrons rien de ce qui se trouve autour de nous dans le blanc poisseux qui nous enveloppe.
Il est temps de descendre. Je trouve des passages aménagés avec des câbles ce qui me laisse penser que nous sommes sur la voie normale par laquelle on fait ce sommet. C'est donc beaucoup plus facile pour descendre.
Avec tout cela il est 19h et nous sommes sur une crête. Nous arrivons à l'embranchement avec une départementale. La circulation est interdite a cause du vent L'hollandais a sorti sa tente et prévois de dormir à côté de la route puisque c'est plat. Bon courage avec le vent. Laura décide de terminer la section et moi je suis comme un imbécile sans une goutte d'eau. En plus, j'ai franchement ma dose et je veux arrêter les frais.
En descendant la route, je devrai croiser des rivières. C'est ce que je fais et j'abandonne mes compagnons de fortune.
Le premier ruisseau coule très modestement est au bord de la route, donc contient toute sorte d'immondices. Je continue et tombe sur un abreuvoir occupé par 2 vaches. Je reviendrai me battre si je ne trouve rien. J'emprunte un chemin de terre qui m'éloigne de la départementale. Enfin je trouve une source et remplie mes gourdes. Ce soir je pourrais manger. Puisque ce chemin m'a porté chance je décide de le poursuivre. Il est 20h et je dois trouver un terrain plat pour poser ma tente. Alors que je suis en train de déprimer en me disant que cette journée ne s'arrêtera jamais, je tombe sur une crête avec un terrain plat. Je suis exposé mais le vent est partout et les nuages continue d'occuper tous les sommets environnants.
J'ai trouvé mon paradis pour la nuit et j'ai la vue sur 2 vallées. Je me bats encore un peu avec mon ami le vent pour planter la tente, me fais rapidement à manger et me glisse dans mon duvet pour me réchauffer. Je crois que c'était une grosse journée !
Bonne nuit Nemo!
RépondreSupprimerJe me suis effectivement couché trop tard et aujourd'hui c'est méchamment dur... Ça ira mieux demain :-)
Supprimer