Ce matin c'est un concert de cloches qui m'a sorti de mon duvet. J'avais volontairement ignoré le réveil de ma montre à 6h mais à 7h les vaches ont décidé de changer de vallon en passant par la crête où je me suis installé. Elles ont été un peu surprises de me voir et après avoir rapidement étudié mes affaires, elles en ont conclu que c'était bien plus intéressant d'aller ruminer de l'autre côté. Le troupeau était assez important et comme chaque vache à sa cloche cela fait un tintamarre de tous les diables. Je ferai la grâce matinée un autre jour. Pourtant j'en aurai bien besoin et je me lève fatigué par l'ascension de la veille. Mes pieds sont bien gonflés. Le phénomène est normal et c'est pourquoi on prend toujours beaucoup plus grand que sa taille ordinaire pour des chaussures de marche.
J'ai du mal ce matin et le temps de bouclage du sac s'en ressent. En plus tout est trempé par la rosée et ce n'est pas les nuages qui remontent de la vallée qui vont améliorer la situation. Et nous voilà à nouveau dans le grand blanc. Heureusement que j'ai eu le temps de photographier le sommet d'hier pendant la brève apparition du soleil.
Je suis hors HRP. Je décide néanmoins de continuer le chemin de terre près duquel j'ai campé puisqu'il fait jonction avec la HRP. Je n'ai aucune envie de remonter sur la crête pour retrouver les nuages et le vent. J'ai déjà donné et mon entorse au tracé ne sera que de 4 km. Pas de quoi brûler en enfer.
Le chemin de terre est facile à marcher. Cela me fait des vacances par rapport à la galère d'hier. Je croise 3 randonneurs. Vraiment je ne sais pas ce qu'ils font là. De toute façon on croise des randonneurs partout. C'est impossible de passer une journée sans voir personne. C'est la grosse différence avec le wilderness américain.
A 10h, j'arrive à la Cabane d'Ardené. C'est le final d'une étape. En fait les finaux sont des endroits où on trouve de l'eau, un terrain plat pour y planter sa tente et quelques fois un refuge où on peut manger et dormir. Ici il ne s'agit que d'une cabane de berger où on peut y passer la nuit. A cette heure où j'arrive, il n'y plus personne et tous les randonneurs ont déjà repris la route depuis longtemps. Une belle rivière coule et j'en profite pour refaire les niveaux. J'étudie aussi l'étape du jour. 22 km et 1475 m de montée. Ça fait beaucoup pour cette heure tardive. D'après mes notes dès que je commence la dernière montée, je dois aller jusqu'au bout. Il n'y a ni eau ni zone où planter une tente sur les 10 derniers kilomètres.
Le dénivelé est important puisqu'ici commence la haute montagne. Fini les prairies et les troupeaux. Bonjour les roches granitique et les montées qui vont avec. En résumé, on change de nouveau de braquet et on entre dans la cour des grands.
En attendant, il faut reprendre le chemin et sortir du cirque où je me trouve. Encore une fois, le HRP ne suit aucun tracé existant. Il n'y a aucun repère et le brouillard dans lequel je me trouve ne me permet pas de visualiser le col que je dois passer. Avec la fatigue, je comme en à avoir marre de ce jeu de cache cache.
J'applique encore une fois la stratégie du sentier animalier. La direction n'est pas parfaite mais je franchis un col. Ce n'est visiblement pas le bon mais je vais me recoller au HRP. Visiblement mon ange gardien veille sur moi puisque je tombe sur un GR. Le HRP fusionne d'ailleurs avec ce même GR. Il suffit donc de le suivre. Ah quelle joie de pouvoir se laisser aller à suivre des marques blanches et rouges. Comme un bonheur n'arrive jamais seul, le soleil fait sa grande réapparition et les nuages fuient au loin. Tout est parfait si ce n'était ma petite forme physique.
Je vois enfin les montagnes magnifique et le sommet que j'ai gravi hier. Vraiment dommage d'avoir raté la vue car même d'en bas c'est à couper le souffle. Il y a toujours beaucoup de vent. Il est très irrégulier. C'est une alternance continuelle de tempêtes et de calmes plats. Cela veut dire se couvrir et se découvrir en permanence.
Au détour d'un virage, je vois une borne frontière. Je repasse donc en Espagne. Juste après, il y a une petite zone plate avant une grande montée. Il est midi et manger va peut être me redonner la vitalité qui me manque. Deux randonneurs arrivent. Ils sont espagnols. C'est vraiment étonnant : les français randonnent en France et les Espagnols en Espagne. Pourquoi ce respect absolu des frontières alors que la beauté des montagnes n'a pas de nationalité ?
J'ai beau tapé dans mes provisions force est de constater que la forme ne revient pas. Je sors donc mon arme secrète : mon lecteur MP3 et un livre audio. Mon choix se porte sur L'insomiaque de Tahar Ben Jelloun. Avec de la littérature dans les oreilles, je vais arrêter de penser que je suis fatigué. Et ça marche. Le coup de l'audio book marche toujours. J'enchaîne les kilomètres en arrêtant de chouiner. A 16h30 j'arrive sur une route et un bar restaurant. Je ne résiste pas à l'appel du coca cola "con hiellos". J'y ajoute une tarta de queso qui est une pure merveille. En fait je suis au pied de la dernière montée. J'ai plus 600 m à faire. En gros refaire le final que j'ai fait hier. Le sommet est de niveau 2 d'après mon guide ce qui veut dire qu'il n'y aura pas les mêmes difficultés. En plus c'est un GR et il est donc parfaitement marqué. Au niveau timing c'est quand même une arrivée au mieux à 20h30... Pas de lavage ni de lessive en perspective. La vraie question est de savoir si j'aurai assez d'énergie pour ne pas caler au milieu. Une fois engagé, je ne pourrai pas arrêter.
Il me faut donc trouver la capacité de me dépasser. En fait, notre corps est un grand fainéant doublé d'un comédien hors pair. Quand il se plaint et nous pousse à abandonner, il joue la comédie. Il veut juste rester dans sa zone de confort et retourner regarder des séries sur Netflix. Il en a encore sous le pied. Si on ne l'écoute pas, il arrête son cirque et remplie le contrat sans problème.
C'est donc ce que je décide de faire. Je n'écoute pas le fainéant qui me joue sa grande scène. J'attaque la montée et je vais compléter la section. Ça grince un peu des dents au début mais miraculeusement le phénomène se produit. Mes douleurs musculaires disparaissent et je mets un pas devant l'autre sans y penser. Il faut dire que le paysage m'aide énormément. C'est magnifique. C'est un mélange de roches blanches striés et de pins torturés par les intempéries. Je n'ai jamais vu cela ailleurs. Le GR est superbement bien indiqué dans ce labyrinthe de rochers. Il arrive même de devoir faire demi tour pour éviter des obstacles.
Mais 600 m de dénivelé restent une épreuve et les heures passent dans ce paysage de rêve. Il est bientôt 19h et je n'ai toujours pas atteint le sommet. C'était prévu au programme donc pas de panique. Néanmoins le soleil décline à l'horizon et je n'aimerais pas essayer de planter ma tente avec ce vent qui ne m'a pas lâché de la journée. Surtout que plus je monte plus il est fort.
J'atteins le sommet à 20h15 dans un état second. Le GR que je suivais part dans une autre direction mais il y en a un autre qui mène vers mon objectif. Une chose est sûre celui-ci est beaucoup moins fréquenté. Il y a pas mal de pierriers et j'ai du mal à trouver ma voie. Je suis aussi très fatigué et je perds en discernement. Bientôt je retraverse la frontière pour revenir en France. Je comprends mieux pourquoi le GR a bifurqué. Il est resté en Espagne.
Après la montée, la descente. Elle est bien évidemment aussi raide que la montée. Mais ce n'est pas les mêmes muscles qui jouent. Mais qu'à cela ne tienne : j'ai rempli mon contrat et la satisfaction me sert de carburant. Néanmoins je n'ai qu'une hâte, arriver pour planter ma tente et enfin manger.
Dans l'état où je suis les mètres semblent des kilomètres. En contrebas j'aperçois une randonneuse. Elle a l'air épuisée et complétement perdue. D'ailleurs elle quitte le GR pour un chemin secondaire. J'espère qu'elle sait ce qu'elle fait.
J'arrive enfin à la source du Marmitou. La source s'écoule en plusieurs ruisseaux.
De chaque côté des montagnes encadrent la prairie où se trouve.. une dizaine de tentes. Je ne m'attendais pas à trouver autant de personnes. Inutile de chercher l'emplacement de rêve, il doit être déjà pris. Une zone plate pas loin d'un ruisseau fera l'affaire. Je monte ma tente, me débarbouille un peu (l'eau n'est pas si froide je me serai volontiers lavé intégralement) et je monte la tente. Le temps de manger et il est 22h. Pas de blog ce soir, je n'ai qu'une envie qui est de m'allonger et de fermer les yeux.
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