Je jette mon sac à dos sur mes épaules et je sais que la journée va être compliquée. Aujourd'hui il s'agit d'une seule montée jusqu'au refuge d'Arlet de 1565 m sur 22 km. Le vrai problème est le poids de mon sac car j'ai ravitaillé à l'épicerie de Lescun pour les 5 prochains jours. On ne peut pas moduler les denrées qu'on achète en fonction des besoins. Une boîte de couscous pèse toujours 500 g quelque soit le nombre de jours à passer sous la tente. Bref j'ai facilement 20 kg sur le dos avec l'eau et ça tire méchamment sur les épaules.
En tout cas il fait un temps magnifique sans aucun nuage à l'horizon. Avec l'altitude, il fait encore frais à 8h. Bref si ce n'est le challenge du poids, la journée s'annonce belle. Et puis le challenge je suis là pour ça.
La HRP commence par utiliser le GR10 pour sortir de Lescun. En réalité, je ne sais pas combien de temps la HRP suit le GR mais je sais que dans 2 jours nous serons sur le GR 11 Espagnol. Donc cette fusion n'est que temporaire.
Une toute petite descente et la montée commence. Ça tire très très fort sur les mollets mais mes muscles commencent à se renforcer après 7 jours de bons et loyaux services. Les épaules et le dos par contre n'ont pas encore été aussi sollicités. Pour tout dire, j'en mène pas large devant l'idée de subir ce "désagrément" toute la journée.
C'est alors que je découvre devant moi un, puis 2 puis un groupe de 5 randonneurs juste devant moi... Je n'ai pas l'habitude d'autant de monde. Il s'agit des usagers du GR10. Ils s'étalent en une longue cohorte sans fin. Certains sont chargés comme des mulets et d'autres avec de petits sacs à la journée. Je suis sur l'autoroute de la randonnée et je vois beaucoup de similitudes avec Saint Jacques de Compostelle.
J'ai vraiment pas envie de jouer au petit train. Ça m'est déjà arrivé en faisant des sommets dans les Alpes et ça reste un mauvais souvenir. D'ailleurs un gars me colle pour passer. Quand je m'en aperçois, je lui dit bonjour et me pousse pour le laisser passer. Il me double sans me dire un mot dans un grand soupir énervé. Visiblement il a un train à prendre et il est aussi aimable qu'un parisien dans le métro. Le GR 10 est victime de son succès et moi je me sens pas du tout dans l'ambiance.
Je vérifie mon téléphone GPS pour m'apercevoir que le HRP a déjà quitté le GR. Je râle de devoir faire demi tour mais je me réjouis de retourner à ma tranquillité.
Le HRP part en direction du col de Pau par le chemin du même nom. Au début c'est une route goudronnée qui se transforme en chemin de terre. Au niveau de cette transformation, il y a un parking complètement saturé par des véhicules de toutes sortes. Il y a bien sûr les éternels camping cars qui ont passé la nuit là. Ils ont sorti les tables et les chaises devant le chemin pour prendre le petit déjeuner et vous ignore totalement quand vous passez devant eux. Je sais pas si c'est le sac à dos qui influence mon humeur mais ces comportements m'exaspèrent.
Le chemin grimpe vraiment raide et je suis à la peine. A tel point que Scott, le californien qui a rejoint Lescun hier soir et avec qui j'ai partagé un repas (et une bouteille de rouge), me double avec une facilité déconcertante. Il est pourtant parti une heure après moi de Lescun. Il ne sera bientôt qu'un point à l'horizon. Je ressors mon MP3 mais l'effet magique ne fonctionne pas. Je passe un sale quart d'heure.
Quoiqu'il en soit lorsqu'on met un pied devant l'autre on finit toujours par atteindre son objectif. Vers midi j'arrive au col de Pau et j'avoue que si la grimpette est difficile, la récompense est incroyable. La vue est grandiose. On voit en profondeur dans toute les directions. Les montagnes sont toutes différentes. Certains sont couvertes de prairies, d'autres composés uniquement de rochers et d'autres sont un savant mélange des deux. De tout petit point blancs parsement les flancs. Il s'agit des troupeaux de moutons qui paissent dans la prairie.
Oublié la fatigue et la difficulté. Je revis. Je suis sur le dos des géants et je touche le ciel. Mais je suis aussi une petite fourmi qui marche sur la tête d'un des géants. On se sent immense et minuscule à la fois. Il faut aller en haute montagne pour ressentir cette sensation particulière. Elle m'avait été pour l'instant interdite par la météo. Mais là le ciel cristallin me la fait vivre de manière décuplée.
Mes sensations sont à vif. Mon MP3 diffusé des chansons de manière aléatoire et j'ai droit à "La Pluie fait des claquettes" de Nougaro. Cette chanson a été utilisée par la maîtresse de mon fils Jules pour son spectacle de danse de fin d'année. L'entendre dans ce moment précis m'émeut aux larmes.
Monter jusqu'au refuge est devenu un plaisir extrême. Pourtant le chemin monte toujours et il y beaucoup de randonneurs même si ce n'est pas la cohue de ce matin. Mais ne peut entamer ma contemplation et mon plaisir.
Je retrouve Scott au refuge qui est pris d'assaut par un groupe d'Espagnols qui a visiblement retenu tous les lits. J'avale un coca et une part de gâteau au chocolat en discutant avec Scott. Il est 16h et nous voulons tous les 2 fuir le refuge pour se trouver un endroit où camper. D'après mes notes il y a une rivière et un endroit plat à 8 km.
Scott part devant pendant que je refais le plein d'eau. J'ai déjà bu 4 litre depuis ce matin et j'en ai besoin d'un supplémentaire pour finir la journée. Je reprends le chemin et à cette heure, la chaleur a fortement baissé. De nouveaux paysages se découvrent et comme il s'agit d'un chemin en balcon, la vue panoramique est tout simplement bluffante. C'est magique.
Je retrouve Scott qui m'attend devant une cabane où l'on élève de gros cochons noirs. Le berger et ses 2 fils, tous équipés de béret basque, m'ont doublé dans la descente.
Nous reprenons le chemin à la recherche de la rivière. Alors que nous sommes presque arrivés, nous tombons un espagnol, assis sur le bord du chemin. Il est complètement épuisé et lui aussi cherche un endroit où planter sa tente. Nous sommes maintenant 3 à espérer que mes informations sont fiables Je pense que nous ne sommes pas loin des 30 km et à 19h, il est temps que cette journée s'arrête.
En suivant les notes à la lettre nous trouvons l'endroit rêvé exactement à sa place. Le seul problème est de rentrer 3 tentes... Pour ma part, j'aurai 2 rochers affleurants pour passer la nuit. Mais dans l'état de fatigue dans lequel je suis ça devrait bien se passer.
Vive Le Soleil!
RépondreSupprimerComme tu as raison surtout maintenant que je sais qu'ils annoncent 3 jours de pluie depuis Gavarnie. Il paraît que les Pyrénées sont réputées pour être pluvieuses. Je suis malheureusement en train de le vérifier en direct :-( Hauts les cœurs ! Ce ne sont pas quelques gouttes d'eau qui vont arrêter Nemo (enfin j'espère)
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