J'essaye d'être discret car hier soir les 3 jeunes allemands ont rejoint la pension pour y passer la nuit. Je sais maintenant qu'ils sont allemands grâce à Laura qui a partagé le bivouac de la veille avec eux. Il paraît que c'est leur première grande randonnée. Il faut bien débuter quelque part mais commencer par la HRP me paraît osé.
Hier avec Laura, nous avons discuté expérience mais surtout de ce mal qui nous pousse à repartir. Elle m'a demandé quel serait mon prochain trail alors que l'on vient juste de commencer celui là. Comme je lui faisais remarquer l'étrangeté de sa remarque, elle a enchaîné avec le syndrome du post trail et de la difficulté de reprendre une vie "normale". Comme si s'envoyer des km de marche, en se retrouvant centré sur ses besoins vitaux (manger, dormir, ne pas avoir froid) était la seule "vraie" vie. Le plus étonnant est que tous les hikers souffrent du même mal et en parlent avec les mêmes mots. Quel est donc cette maladie qui ravage une partie de la civilisation occidentale ? Parce qu'il faut être à l'abri de tout problème matériel pour vouloir volontairement retourner aux besoins primaires. Encore un des échecs de la société de consommation. Suis je un des membres de la secte des irrécupérables hikers ?
Je traverse le village comme je l'ai trouvé hier. Il y a plus de tracteurs que de voitures qui passent. Tout est fermé sauf le tabac oú un livreur a déposé de la marchandise. Ça discute ferme avec propriétaire. J'espère que la tournée du gars est courte parce qu'à ce rythme, il va finir tard.
Le village est vraiment typique. On y retrouve ces maisons basques toutes blanches avec des volets rouges ou verts. Il y a bien sûr un terrain de pelote basque aussi désert que le reste de la ville.
Je fais quelques photos et me crois en vacances. Mais à la sortie du village, changement de rythme... J'ai choisi le HRP car il n'y a pas de tracé officiel. Et là je suis gâté. J'enchaîne les chemins vicinaux improbables jusqu'à me retrouver devant un sentier qui traverse un immense champ de fougères tout en pente. J'aime beaucoup les fougères. Pour une fois qu'une plante n'a pas d'épines et n'est pas urticante... Mais aujourd'hui, elles sont gorgées d'eau et elles montent à hauteur de visage. Je passe donc en mode scaphandre car les plantes vont me rincer de la tête au pied. Avec la côte de compétition c'est un vrai bonheur. En plus, une méchante averse se joint à la fête. Ça commence fort ce matin.
En haut de la côte de ce sentier des plus herbeux se trouve un abri à bestiaux. Et rien d'autre... Pas de chemin. Déjà pour arriver jusque là, j'ai tout fait au GPS. Mais les tracés du HRP ne sont pas entretenus et ce qui est valable une année ne l'est pas forcément les suivantes. Visiblement les fougères ont tout envahi et fait disparaitre le sentier si jamais il y en a eu un.
Dans ce cas, une seule solution : fixer la direction où l'on veut aller et chercher un sentier créé par un animal. Les vaches et les chevaux qui pullulent en liberté au pays basques ne sont pas plus idiots que les humains. Ils utilisent les chemins des humains quand ils existent et se tracent leurs propres sentiers quand ils y sont obligés. La présence de l'abri à bestiaux est une bénédiction car je trouve plusieurs sentes animalières. Ces sentiers mènent forcément à un chemin carrossable. Je m'engage donc dans le sentier à vaches avec la direction appropriée. La progression est difficile à cause des genêts et de leurs piquants accérés. Les animaux ont la peau dure ce qui n'est pas mon cas. Mais le combat porte ses fruits et je retombe sur un chemin carrossable. Si la journée ressemble à ce que je viens de vivre, ça sera les 13 km les plus longs de ma vie !
J'ai droit à un répit ou seule la pluie reprend ses droits. Le rythme est le même qu'hier : crachins, grosses pluies et accalmies en cascade. En tout cas ça monte méchamment et je suis aussi trempé à l'interieur qu'à l'extérieur.
Soudain le chemin s'arrête juste avant le sommet devant un portail fermé par un cadenas. Ami GPS qu'à tu donc à me dire ? Ben pas grand chose en réalité sauf que je suis sur la bonne route. C'est visiblement ma journée Koh-Lanta. Je passe par dessus les barbelés ce qui me rappelle quelques souvenirs du Nouveau Mexique. Les nuages me sont tombés sur la tête et je n'y vois pas à 10 mètres. Je me dirige vers une masse sombre fantomatique sur le sommet. Ça bouge au dessus. Des formes assez volumineuses mais je ne distingue pas du tout de quoi il s'agit. Dans le brouillard, on se dirait dans un film d'horreur. Faut que je m'approche à quelques mètres pour que les 3 vautours installés sur un gros rocher noir s'envolent simultanément en me rasant. Ces oiseaux sont énormes. Heureusement que je ne suis pas cardiaque.
Je poursuis ma traversée de la prairie sommitale interdite. Elle est spongieuse à souhait et le bruit de succion de mes chaussures à chaque pas m'interpelle. Je n'ai plus un poil de sec depuis longtemps et mes chaussures sont gorgées d'eau. Je retombe sur une rangée de barbelé et mon GPS s'excrime à me dire que je suis dans la bonne direction. Mais où est ce que j'ai pêché ces traces GPS ?
Je saute à nouveau une rangée de barbelés et je suis sur une crête au milieu des fougères. Là encore les animaux ont fait leur oeuvre et je poursuis sur un sentier animalier dans la direction indiquée par le GPS. J'ai une pensée émue pour les 3 allemands qui risquent d'avoir du mal à trouver leurs voies. Le niveau n'est pas vraiment celui du débutant.
Le sentier de crête se termine sur une forêt oú passe un chemin. C'est celui que je dois prendre. La forêt est magnifique et s'il ne pleuvait pas autant j'aimerais faire quelques photos... Le chemin est totalement abandonné et se transforme en parcours du combattant tellement d'arbres sont tombés en travers. Là encore quelques souvenirs me remontent à la surface (pas les meilleurs j'en conviens).
Comme les ronces se mêlent aux arbres, je commence sérieusement à douter du succès de mon expédition. D'ailleurs mon ami le GPS (Monsieur j'ai toujours raison) m'indique que je me suis planté de chemin et que j'ai raté une bifurcation. Je suis un chemin parallèle en contrebas de celui que je devais prendre.
Qu'à cela ne tienne, je décide de remonter la pente pour retrouver le "bonne" voie. Ce n'est sans compter avec la boue qui se met de la partie et qui transforme l'opération en passage en force. Mais dans quelle galère je me suis mis !
Je reprends le chemin "officiel" qui reste un simple sentier au milieu des fougères mais qui a l'avantage de ne pas être encombré d'arbres morts. Il est 13h30 et l'effort a bien entamé mon énergie. Il faut que je mange mais sous la pluie battante, l'opération semble difficile.
Je finis par me réfugier sous des arbres, moralement protégé de la pluie pour avaler un ramen en vitesse. De toute manière il me reste qu'une heure de marche.
Comme l'indique le panneau d'information que je croise, je viens de repasser en France. Pour fêter ça, je me retrouve sur un GR qui m'amène facilement à la ville d'Aldudes. J'y ai réservé une chambre d'hôtes que m'a indiqué l'hôtel de la ville qui lui est en rénovation. Je ne sais pas d'où sort cette chambre d'hôtes car je n'ai rien trouvé sur Internet. La dame au téléphone m'a indiqué qu'elle était derrière l'église dans une rue en pente...
Effectivement le village est tout en longueur et l'église se voit de loin. Il y a même des panneaux indiquant l'emplacement de mon havre pour la nuit. Entre la pluie et le parcours du combattant, je suis content que ça s'arrête même s'il n'est que 15h.
Une douche et une bonne nuit ne seront pas de refus !
PS: Désolé pour le manque de photos mais il pleuvait vraiment trop.
Ça commence en grand!
RépondreSupprimerDisons que ça commence humide :-) Mais après la pluie, le beau temps ! Juste s'armer d'un peu de patience (ma spécialité c'est bien connu ;-) )
Supprimeroooooh groooos... c'est vrai que je t'avais dit que ça serait sympa de refaire un blog mais comme tu n'avais pas l'air motivé par cette idée, je pensais que t'avais laissé tombé ! C'est complètement par hasard, que j'ai cliqué sur un favori que j'avais gardé depuis 3 ans 'Laurent on the trail" et que je m'aperçois avec bonheur que finalement tu t'es décidé à reprendre tes écrit à l'occasion de ce nouveau trail ! Ca va donc me faire quelques lectures régulières à suivre ton nouveau périple jusqu'à mes vacances... et tant mieux ! Bon j'espère que le soleil va vite revenir histoire que tes chaussures puissent sécher ;-)
RépondreSupprimerBonne continuation à toi !
J'étais vraiment pas sûr de moi pour me jeter dans des écrits journaliers. Et je fais comme Tesson - toute proportion gardée bien entendu - Dès que je suis en voyage, je me mets à pondre des lignes au km (c'est le cas de le dire) que certains ont la gentillesse de lire et même de m'encourager à le faire. Bon il faut dire qu'avec mes petites journées de Mickey, j'ai du temps à revendre pour jouer les blogueurs fous. Ça sera peut-être une autre paire de manche demain puisque il n'y a plus d'hôtel réservé mais seulement la montagne et ma capacité à manger des km. Pas sûr que j'arrive à concilier efforts physiques et écriture post traumatique. On verra bien. En tout cas merci de tes encouragements et tu fais partie de ceux qui m'ont poussé à m'y remettre. Sois en remercier même si mon prof de français de 1ere doit se taper la tête contre les murs de sa maison de retraite. Bonnes vacances à toi ;-)
SupprimerJe rejoins ici Bertrand sur l’absence de motivation perçue re: Laurent & blogger.
RépondreSupprimerC’est donc avec bonheur que je retrouve donc également Nemo sur la route. Et y’a pas à dire … c’est la même prose … en plus « local » ;)
Bonne route Nemo! —> photos dés Lacs svp. Je risque pas d’aller y pêcher mais je veux bien les voir ma de ta perspective !
Pour l'instant je n'ai pas vu de lac. Par contre j'ai vu pas mal d'eau ;-). Il est effectivement prévu que je croise des lacs d'altitude et je compte sur eux pour me fournir des surfaces planes aux abords pour planter ma tente. Promis je ferai des photos. Quant à te répertorier les types ou la quantité de poissons, tu sais que tu ne peux pas compter sur moi. Je suis aussi compétent en poisson qu'à ma certitude de pouvoir aligner 4 mots sur un blog ;-) Mais je t'assure que cette inaptitude n'a rien à voir avec de la motivation. Pour le blog c'est juste un manque de confiance en moi...
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