J'ai dormi comme une masse. La journée promet d'être épique puisque nous devons monter le pic Canigou à 2784 m. Le programme ne s'arrête pas là puisque officiellement nous devons faire au total 28 km avec 2000 m de dénivelé positif et 2200 m de négatif. C'est une journée de 10 h de marche si nous voulons la faire au complet. Cela n'est physiquement pas souhaitable et l'idée est d'en faire le maximum pour que demain nous soyons à Amélie les bains où Xavier doit prendre le bus puis le train pour rentrer à Paris.
Le Pic Canigou est une référence en soi. La face par laquelle nous l'attaquons est la plus difficile. La voie a été ouverte à coup de dynamite pour permettre le passage. Il s'agit donc de remonter une cheminée créée par l'homme en s'aidant de ses mains pour se hisser au sommet.
La première phase de la journée est donc de monter sur le pic Canigou. L'approche est évidemment assez raide et je suis un peu inquiet de n'avoir pas suffisamment récupéré de ma nuit blanche. Hier j'ai fonctionné aux nerfs, surtout pour le final que j'ai fait à fond et ce matin je sens que la fatigue est bien là. Je compte sur l'adrénaline pour effacer toute trace d'épuisement.
Nous partons alors que des randonneurs passent sur le sentier. 2 groupes de 3 personnes qui avancent vaillamment et qui nous doublent rapidement. Mais une course au sommet est une affaire de long cours et il faut manager ses forces.
L'approche du sommet est des plus classiques c'est à dire que plus on monte, plus la pente est raide et les zigzags serrés. Rien de spectaculaire mis à part la barre rocheuse qui nous fait face et dont on a du mal à voir où se fait l'accès au sommet.
Je vois bien des petits points crapahuter pour accéder aux crêtes et j'évite d'alarmer Xavier qui pourrait prendre peur avec ses appréhensions de vertige.
Nous montons et bientôt nous devons nous concentrer sur des pierriers qui tentent de nous barrer la route. Mais le chemin est bien marqué et nous nous dirigeons vers la cheminée finale. Des 2 groupes qui nous ont doublé, l'un est tout juste devant et l'autre derrière. Il est tôt et nous sommes encore peu nombreux à escalader le pic.
Une fois les pierriers passés, nous voici face à la cheminée. Il s'agit de crapahuter avec les mains pour se hisser tout en haut. Le passage n'est pas très technique mais il est très impressionnant. Je ne laisse pas le temps à Xavier de réfléchir et me jette dans la bataille pour montrer l'exemple. Le plus compliqué est de laisser passer des randonneurs qui veulent descendre la cheminée alors qu'on la monte. Sinon les prises sont assez faciles et si on ne regarde pas en bas et qu'on assure ses pas, le passage est faisable quelque soit son niveau.
Une des personnes du 1er groupe commence à paniquer et je les laisse se débrouiller entre eux. Je les double et me retrouve seul dans la cheminée. Je cherche les voies les plus sécuritaires. Certains passages acrobatiques ne seront pas référencés dans les manuels..
Je passe le crête et j'arrive directement au sommet. La vue à 360 est bien sûr à couper le souffle. Mais le plus spectaculaire pour moi est de voir la mer Méditerranée. D'un coup, je vois l'objectif après lequel je cours depuis 39 jours. Et c'est un choc car je ressens subitement que ce voyage à une fin. Je ne voyais pas la "petite mort" mais elle est bien là devant mes yeux, grand miroir à perte de vue.
Je vois toute la plaine avec Perpignan en ville principale.
Xavier émerge lui aussi de la crête en me traitant gentiment de tous les noms. La pompe à adrénaline a fonctionné à plein régime. Le peu de touristes présents s'esclaffent de rire devant sa prestation.
Le temps de faire une photo et de manger une barre céréale et nous voici parti sur l'autre face qui est la voie utilisée normalement pour monter au sommet. Elle est beaucoup plus accessible que la cheminée. Nous descendons tranquillement en direction du refuge des Cortalets à 2150 m.
Nous pique-niquons juste avant le refuge pour ne pas perdre trop de temps. Nous prendrons quand même un coca et une part de tarte pour nous récompenser de cette matinée. Il y a des VTTistes en train de déjeuner et la guerre entre les avec et sans assistance électrique est évitée de justesse grâce au magnifique accent du Sud Ouest qui gomme toute agressivité.
Nous reprenons la descente qui se fait à flanc de coteau. C'est un vrai sentier en balcon qui domine la plaine devant les Pyrénées.
Nous passons une épave d'un hélicoptère qui s'est crashé il y a visiblement de nombreuses années. Ça n'en reste pas moins impressionnant.
Nous croisons des touristes qui montent et qui vont pour la plupart au refuge. En plein soleil, les corps souffrent encore plus à la montée même si la descente n'est pas des plus facile.
Lorsqu'on rejoint une route carrossable, nous bifurquons immédiatement sur la droite sur un autre sentier en balcon qui reste à flanc de coteau.
Nous sommes impressionnés par ce chemin qui a été construit par les anciens. Il s'agit d'une ancienne voie de communication entre vallée et un travail colossal, sûrement à la mai, a été accompli.
Le chemin est écroulé à plusieurs endroits et chaque passage nous rappelle combien le sentier serait pénible sans le travail des anciens.
Les heures et les kilomètres s'écoulent et la fatigue commence sérieusement à s'accumuler. Il est 17h et nous avons fait 24 km. Belle performance qui est dû en partie au fait que nous étions à plat. Ce qui veut dire que nous avons bien 2000 m de dénivelé positif et négatif dans les pattes. La Maison Forestière de l’Estanyol (1479 m) qui se profile à l'horizon est la bienvenue. D'après mes notes, il y a moyen de camper à proximité alors que ça fait des heures que nous marchons sur un sentier escarpé.
Nous retrouvons le groupe auquel s'est joint Florent à la Maison Forestière. Ils font tous le GR 10 que nous avons rejoint après avoir fait le pic Canigou que le GR contourne. Ils ont ramassé des champions et échange une partie de leur récolte contre de l'huile d'olive.
Nous avons installé nos tentes sur un grand endroit plat au soleil. Xavier s'occupe de faire cuire les champignons et nous nous régalons de cèpes et de trompettes de la mort qui nous change de notre ordinaire.
Nous nous couchons tôt dans l'idée de manger demain au restaurant à Amélie les bains avant de se quitter.
Merci Stéphane. Effectivement il ne reste plus que 3 étapes pour arriver jusqu'à Banyuls. En plus je retourne à ma vie de solitaire en ayant perdu mon âme sœur. Mais je sais bien que tout cela va passer très vite. J'en suis à 42 jours sur le HRP et je n'ai pas vu le temps filé. Alors 3 jours... Encore merci de tes encouragements !
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