Ce matin plus d'eau chaude alors que j'ai pris 2 douches hier sans problème. Pas grave. Si tout va bien dans 2 heures je serai en train de suer sang et eau sur les 1400 m de montée qui m'attendent. La douche aurait été un lointain souvenir.
Je rejoins mon arrêt de bus et je revis le même voyage à l'envers. 15 minutes de retard pour me faire poser des questions sur la réalité de sa venue. Le chauffeur refuse mon billet de 20 € car il n'a soit disant pas la monnaie et me fait monter gratuitement. En fait chaque fois qu'un passager essaye de payer, il fait signe de monter. C'est spécial car visiblement il a pas le envie de se prendre la tête a encaisser de l'argent. Bienvenu en Italie. Il y a même une ado qui monte en disant qu'elle n'a ni billet ni argent. Même traitement par le chauffeur et la jeune fille s'installe.
Il a son bus bien dans l'oeil car contrairement au chauffeur d'hier il n'a pas besoin de manœuvrer pour passer les virages en épingle à cheveux. Moi qui suis sur le premier rang pense qu'on percuter le muret. Il n'en est rien et je reste pantois à chaque fois.
Je débarque à Ceresole que j'ai quitté hier. L'aventure reprend où elle s'est arrêtée. Je pourrais retourner au col de Nivolet et au refuge Savoia mais le sentier ne fait que suivre la route où c'est un défilé de motos bien trop bruyantes. Il y a aussi énormément de vélos car ce col est la Mecque des pratiquants de ce côté de la frontière. Le Tourmalet version Italienne. J'apprends d'ailleurs que le parc national Gran Paradisio est jumelé avec le parc de la Vanoise qui le jouxte. Il est d'ailleurs bien antérieur à son homologue français et a été créé pour sauver les bouquetin en voie de disparition à l'époque. Les français ont visiblement copié le concept aux italiens...
Aujourd'hui j'attaque vraiment le tracé du GTA.
J'ai un peu peur de me retrouver comme sur le GR5 avec une foule de randonneurs qui descend en troupe vers la Méditerranée. Inigo, un basque espagnol que j'avais rencontré sur la HRP est actuellement sur le GTA qu'il a attaqué depuis le départ officiel. Il me dit que le parcours est très sauvage et qu'il n'y a personne. J'ai du mal à croire que ces constatations s'appliquent ici car il est encore sur la partie non touristique contrairement à moi avec le Mont Blanc et les parcs nationaux.
Néanmoins ce matin je suis complètement seul. Force est de constater que Inigo a raison. Le GTA est extrêmement bien indiqué et le sentier est à peine marqué au sol, preuve que peu de personnes le pratique. Je dois attendre la fin de matinée pour qu'un jeune nordiste dans la 20aine me double alors qu'on arrive au col. C'est un hiker au long cours comme le montre son matériel. Nous échangeons quelques banalités en anglais et il file comme l'éclair vers le sommet. Privilège de l'âge.
La montée laisse voir un paysage fantastique sur le lac artificiel de Ceresole et les montagnes environnantes.
Arrivé au col de Crocetta à 2641 m, je tombe sur 2 québécois qui vivent à Turin depuis 13 ans. C'est bizarre de parler de Montréal sur un col italien. En tout cas eux parlent couramment italien ce qui n'est pas mon cas.
La vue de l'autre côté du col est complètement bouchée. Les nuages vont et viennent en laissant peu apparaître des montagnes qui me font face.
Je descends au lac de Vercellina afin de manger un morceau et de prendre de l'eau. Je m'aperçois que les noms sont maintenant italiens alors qu'ils étaient français jusqu'à maintenant. En fait depuis Ceresole, je suis au Piémont. Fini le val d'Aoste.
J'ai 1850 m à descendre dans la purée de pois. La pente est assez raide et ça va être long. Je sors mon lecteur MP3 et me branche "Le Grand Monde" de Pierre Lemaitre lu par l'auteur. Je plonge immédiatement au coeur de son univers et oublie ce qui m'entoure. Ça tombe bien il n'y a rien d'autre que de la brume.
A une bergerie, je retombe sur mes Québécois en train d'acheter du fromage. Ils m'ont doublé pendant que je déjeunais. Ils ont du mal à comprendre que je dorme sous la tente avec tous les animaux qui rôdent. Encore des citadins qui ont peu pratiqué le "bois" comme on dit au Québec. Ça ne les empêche pas d'être très sympathiques comme tous les habitants de la Nouvelle France.
1800 m de descente n'est pas une sinécure et je me blesse à nouveau. 2 ongles de mon pied droit sont bleus. Je vais les perdre mais en attendant ils me font bien souffrir. Un autre doigt de pied saigne sans que je sache d'où ça vient. Je ne me serai jamais autant blessé que sur ce voyage. Inigo m'envoie un message pour le dire qu'il a trop d'ampoules et qu'il pense abandonner. Il pense qu'il y a trop de dénivelé à avaler au quotidien et que c'est pour cette raison que son corps ne tient pas la distance. J'ai marché avec lui sur la HRP et c'est un grand sportif habitué à la marche. Ça m'inquiète un peu qu'il lâche prise surtout que je vis les mêmes problèmes physiques que lui.
Je complète l'étape du jour en arrivant à Piapetta. Il est 16h et vu mon état je n'irai pas plus loin. Je vais au seul hôtel du village et je prends une chambre. Il y a aussi un gîte communal réservé aux personnes qui font le GTA mais je n'irai pas dormir en dortoir même si je pense qu'il n'y a personne.
Je fais un saut à l'épicerie du coin et je retombe dans les années 60. C'est tout petit et il y a de tout partout empilé sur des étagères qui montent au plafond. Sans parler italien c'est injouable de demander quelque chose sur une étagère. J'abandonne. A la place, je vais à la boucherie pour acheter un saucisson. La aussi c'est typique. Chaque client achète tout un ensemble de charcuteries qui prennent 3 plombes a être découpés minutieusement par le boucher. Sa femme se limite à peser et empaqueter. Elle s'occupe bien sûr de la caisse. J'attends mon tour en me demandant comment faire pour commander. Heureusement il y a une étagère à l'entrée oú sont exposés des saucissons. J'en prends un que je tends au boucher. Il me demande pourquoi j'ai attendu aussi longtemps juste pour ça. La réponse est simple : Non parlo italiano.
Retour à l'hôtel pour le repas. La salle est immense et totalement vide à 19h ou on est supposé servir à manger. Bien que le lieu soit super typique, le problème c'est que personne ne parle anglais. Déjà tout à l'heure on est allé me chercher le cuisinier, un jeune qui parle anglais. Donc pas possible de comprendre comment ça se passe. 20 minutes plus tard quand je redescends, la salle est comble. Ma table est réservée avec les petits vieux qui mangent seuls. Nous sommes tous alignés au fond de la salle face à ceux qui sont accompagnés. Un serveur black essaye d'aligner 2 mots en anglais pour me faire choisir le menu. J'ai vraiment l'impression d'être un gros boulet. Je pensais m'en sortir avec l'anglais mais ça ne fonctionne pas. Je suis trop enfoncé dans les petits villages de montagne. Encore une preuve que le GTA est confidentiel. Sur le GR5 j'ai croisé pléthore des marcheurs qui ne parlait pas un mot de français.
Je veux du typique et de l'isolement et bien je suis servi. C'est juste frustrant de ne pas pouvoir communiquer... l'Europe n'est pas pour demain !
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