Ce matin nous reprenons le train pour aller à Bovernier. Ceci nous évitera de marcher pendant 2 heures dans la zone industrielle de Martigny qui présente peu d'intérêt.
Le train est rempli d'alpinistes avec casque, piolet et corde accroché à leur sac étroit utilisé pour l'alpinisme. Les pratiquants sont de tout âge mais ils sont tous affûtés et secs comme des triques. Les kilos en trop ne sont pas de mise avec ce sport. De toute façon la dépense énergétique prend bien soin de la ligne.
Je ne sais pas où vont ces dizaines d'alpinistes mais pas à Bovernier ou nous sommes les seuls à descendre. C'est d'ailleurs un arrêt "sur demande" comme pour le bus. Nous nous retrouvons dans une gare bétonnée où le tunnel pour passer sous la voie est d'une propreté étonnante pour un français. Pas un tag sur les murs et aucune odeur d'urine !
Nous devons suivre une nationale pour attaquer le sentier. Le chemin que j'ai choisi s'éloigne de la route pour passer par un sommet à 1850 m. Si la partie plate a été faite en train, il nous allons grimper 1000 m puis les redescendre sur 12 km. Le chemin "usuel" longe la nationale ce qui ne me convient pas. Je ne marche pas pour avoir le bruit insupportable des voitures dans les oreilles toute la journée.
Le problème est que j'ai attrapé deux ampoules géantes au talon. Je ne suis pas sujet à ce type de problème. Je peux bien sûr attraper de petites ampoules sans conséquence les premiers jours mais jamais les monstres que j'ai aujourd'hui et surtout au talon. Il faut dire que je choisis mes chaussures de running avec grand soin et que je cours quelques semaines avec pour éviter toute mauvaise surprise une fois en chemin. De plus je suis fidèle aux marques avec lesquelles ça se passe bien. En autre avec Saucony sur laquelle j'ai essayé avec succès pas mal de modèles y compris les Perrigrine que j'ai pris pour ce trek. J'avais apprécié la version 11 et je porte la version 13 qui viennent de sortir depuis quelques semaines. Et bien cette version m'a défoncée les 2 talons sans discernement au bout de 5 jours. Les compeed que je traine depuis des années sont tellement vieilles qu'elles ont perdu toute efficacité. Autant dire que ça fait un moment que je n'avais pas eu d'ampoules !
Pour couronner le tout, toutes les pharmacies sont fermées le dimanche. Bref j'attaque la montée en serrant les dents. C'est douloureux mais supportable sur les 2 premiers km. Nous traversons un chemin carrossable et soudain le sentier prend une dimension dantesque. La pente passe à 30% et il faut trouver une prise à chaque pas, une racine ou une roche pour se hisser. C'est physiquement très éprouvant mais dans mon cas cela reporte tout mon poid et celui de mon sac sur mes talons. Autant dire que la douleur irradie mon talon à chaque pas.
Je pense qu'une telle pente n'est qu'un mauvais passage et ne peut pas durer mais il s'avère que la pente ne s'adoucit plus jusqu'au sommet. De mémoire je n'ai jamais rencontré un sentier aussi difficile sur une telle longueur. Il arrive que l'approche d'un col ou d'un sommet présente de grosses pentes mais jamais sur 4 km. Malheureusement cette particularité arrive à un bien mauvais moment avec mes ampoules. Chaque pas est un effort surhumain qui m'épuise. J'en arrive à jeter mes bâtons et mon sac à dos de rage alors que nous n'avons réalisé que la moitié de la montée. Il faut dire que le train que nous avons quitté ce matin allait à Orsières notre destination du jour. J'ai vraiment l'impression de m'infliger inutilement un calvaire que j'aurais pu facilement eviter. En plus nous sommes en dessous de 2000 m donc dans les arbres avec de très rares visibilités sur le paysage.
Pour couronner le tout, il n'y a bizarrement pas une goutte d'eau sur le parcours. Le repas se réduit au minimum pour limiter la consommation d'eau. Pas de café réparateur ! Il faut rationner la consommation en marchant malgré la chaleur et l'effort de la montée.
Je crois que ne souhaite pas une telle journée à mon pire ennemi.
Nous arrivons néanmoins au sommet ou se trouvent des vaches à frange. Trouver du bétail est une bonne nouvelle car ceci signifie de l'eau pas très loin.
Et effectivement une source remplie les abreuvoirs. Je commets l'erreur de ne pas filtrer cette eau ce qui aura des conséquences sur nos organismes à la descente.
Descente tout aussi pentue que la montée du moins sur la première moitié. Ce qui cumulé avec la montée et les efforts que j'ai fournis pour surmonter la douleur, me laisse dans un état pitoyable. D'ailleurs la traileuse qui arrive dans mon dos se plaint de la difficulté du parcours alors que je viens de retirer mes chaussures et mes chaussettes pour soulager mes pieds. Elle qui a déjà fait des trails de 250 km ne comprends pas qu'on puisse organiser des courses sur de tels parcours. Déjà à marcher c'est toute une épreuve alors à courir...
Anne ne veut pas se refroidir et part devant alors que je discute avec la traileuse. Elles vont bientôt se recroiser et Anne va la suivre ce qui va l'envoyer sur le mauvais chemin à une intersection. Lorsque j'arrive sur l'intersection en question, je vois tout de suite le problème. Notre parcours remonte légèrement avant de redescendre alors que le chemin qu'elles ont emprunté descend directement dans la vallée.
Heureusement que nous avons nos portables ! Quelques appels et plusieurs indications plus loin nous arrivons à nous retrouver et à reprendre notre chemin vers Orsières.
Il reste 2 km mais les difficultés sont derrière nous. Nous traversons le beau village de Chez Les Reuses.
20 minutes plus tard nous voici devant une chope de bière pour nous remettre de cette journée éprouvante.
Pour moi pas question de repartir sans passer par la case pharmacie. La pluie étant prévue pour demain, ça sera donc une journée de repos et de soins. Je pense même acheter de nouvelles chaussures car j'ai encore 35 jours de marche devant moi.
Anne a passé l'épreuve comme un vaillant petit soldat et bien mieux que moi. Je suis vraiment impressionné par sa capacité d'adaptation dans des circonstances aussi difficiles. J'ai bien de la chance :-)
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