jeudi 19 avril 2018

19 Avril - Crazy Cook Monument

Ça y est le grand jour est arrivé ! Je me pointe à la réception à 6h comme demandé. Je retrouve ceux qui seront  mes compagnons de  voyage et de galère pour les mois à venir. La population est plutôt jeune. Il y a seulement un autre "vieux" et une mère qui accompagne sa fille. Tout le monde à l'air endormi. Je vais me chercher un café. Il y a un hiker américain typique avec sa barbe et son chapeau de cowboy vissé sur la tête. Il se jette sur moi pour me serrer la main et se présenter. Je n'ose pas utiliser mon Trail Name et je vois son regard dépité à essayer de comprendre mon prénom. "Laurent" n'est jamais passé au US. Faut vraiment que je me mette à Nemo. 
Radar débarque pour nous indiquer que le Shuttle nous attend. En fait de Shuttle, il s'agit de 2 énormes 4x4 de 6 places rutilants neufs même s'ils sont couverts de poussière. Des sacs poubelles, eux aussi poussiéreux à souhait, sont disposés sur le plateau du 4x4. Il faut mettre nos sacs dedans avant d'embarquer.

Voilà la chose faite et je me retrouve avec 5 inconnus. Tout le monde se présente. En réalité sur le groupe de 10, seulement 3 personnes sont américaines. Tous les autres sont européens. Les allemands sont les plus représentatifs avec 5 personnes, plus une hollandaise et moi. Bien la peine d'avoir traversé l'Atlantique pour se retrouver avec des voisins.

Ceci étant dit, ils sont tous experts en marche. Traversée des Alpes, Pacific Crest Trail... Aucun débutant sur du long trail sauf moi. Pas de quoi me décourager. 

Après 2 heures de route goudronnée, nous arrivons à Hachita où est venu se perdre mon camarade Drew. Hachita, comment dire ? Un bidonville avec des maisons à moitié détruites. On se dirait dans un pays du tiers monde. Une station service, restaurant, drugstore, antiquaire... Bref le seul magasin du village. 
Une pause pipi plus tard nous repartons. C'était notre dernier contact avec la civilisation...
Sur la route, nous croisons des hikers. Visiblement un blessé qui doit se faire évacuer. Une simple entorse mais le voyage s'arrête là. Nous bifurquons sur un chemin de terre complètement défoncé. Il s'avère qu'il pleut très fort au mois d'août ce qui détruit le chemin. Je vois exactement de quoi il s'agit, on retrouve le même phénomène dans la colline provençale.
Nous croisons encore des hickers. C'est vraiment étonnant d'en voir autant. Certains ont décidé de passer par la route plutôt que de suivre le Trail. D'autres abandonnent car ils sont blessés ou épuisés. J'ai l'impression d'un soldat qui part au front et qui rencontre ses premiers blessés de guerre. La pression monte d'un cran et plus personne ne parle dans le 4x4. Ce n'est pas impossible qu'ils pensent la même chose que moi.
Après 2 heures à se faire secouer dans tous les sens, copieusement arrosés de poussière, nous arrivons à destination. Nous sommes tous heureux de voir ce fameux monument que nous connaissons tous en photo. Nous récupérons nos sacs et nous les installons sous le auvent prévu à cet effet. Juste derrière nous se trouve la frontière mexicaine. Visiblement les maçons de Trump sont en grève car la frontière est matérialisée par un simple barbelé. Et pour nous rappeler que c'est pas pour cela qu'un immigrant est le bienvenu, nous voyons surgir deux 4 roues montés par des gardes frontière casqués, armés et portant gilet pare-balles. Je ne sais même pas d'où ils sortent. Ceci n'affole pas nos chauffeurs qui se retournent à peine devant la démonstration de la patrouille des frontières. À mon avis, ils viennent faire leur show tous les jours à chaque arrivée de candidats au CDT. Cela doit rassurer leurs compatriotes sur le fait que la frontière est bien gardée. Manque de bol, il y a surtout des Européens ce coup ci...
Après l'inévitable séance de photos, nous mettons nos sacs sur le dos et nous voilà partis pour la grande aventure. Le début est assez simple car le chemin est bien marqué. Il y a par contre des traces dans tous les sens et il faut bien suivre les poteaux qui sont très éloignés les uns des autres.
Il fait chaud mais ça reste supportable car il y a du vent. C'est seulement quand il cale qu'on se retrouve dans la fournaise. L'air est extrêmement sec et je bois beaucoup. J'ai 4 litres avec et donc largement de quoi tenir la journée. La première cache d'eau est à 22 km et j'y serai avant de tomber à sec. J'ai le plus gros sac du groupe et donc le plus lourd. N'oublions pas que je suis l'amateur de service et malgré mes efforts je n'ai pas réussi à faire dans l’ultra-light. 
Je ne sais pas si c'est la chaleur ou le poids mais au bout de 19 km ma poche à eau est vide. J'ai ma réserve de 1 litre donc tout va bien. Quoique quand je la vide dans ma poche, elle se transforme en demi litre. Enfin la cache est à 3 km donc 1 l ou un demi litre, ce n'est pas ça qui va changer grand chose. Je marche dans le lit d'une rivière et c'est plutôt facile et agréable. Il n'y a pas beaucoup de dénivelé et c'est ce qu'il faut pour démarrer.
Brusquement le chemin part à gauche sur une pente très raide et se transforme en un jeu de cache-cache avec les balises au milieu des cactus. 3 km un peu musclé n'ont jamais effrayés un marcheur même en fin de journée... Quoique j'en ai plein les bottes et que j'aurai bien fini ma journée dans le lit de la rivière desséchée.
Je marche et galère depuis trop longtemps pour ne pas commencer à m'inquiéter. Je sors mon GPS pour m'apercevoir que j'ai manqué la cache d'eau. Elle n'était pas directement sur le trail et il fallait continuer dans la rivière pour la trouver. Je l'ai dépassée de 2.5 km. J'ai tiré sur ma réserve d'eau et il ne doit plus rester grand chose. 2 solutions se présentent à moi. Soit faire demi tour et galérer à nouveau dans l'autre sens, avec la joie de recommencer demain matin soit continuer jusqu'au prochain point d'eau. Il est indiqué à 4 km sur mon GPS. Je n'ai pas grand chose comme flotte et si les indications que j'ai trouvées sur internet ne sont pas exactes, je risque de ne pas trouver d'eau à l'arrivée. Il faudra alors faire tout le chemin en sens inverse complètement à sec. Comme je suis vraiment débile, je décide d'aller de l'avant.
 
La suite du chemin s'avère encore plus difficile et les montées éreintantes. Je commence à fatiguer et j'avale ma dernière lampée d'eau alors qu'il reste une heure de marche. Je trouve l'intersection qui doit me mener au point d'eau. Il se trouve à 1.5 km du CDT et je devrai les refaire demain matin. Ce n'est pas grave tant qu'il y a de l'eau. Le chemin descend mais je ne vois pas d'eau. Il y a au loin un forage avec son éolienne mais elle est au moins à 10 km sur le plateau. Pourvu qu'il n'y ait pas d'erreur de position géographique sur mes coordonnées. 
 
Je ne suis vraiment pas rassuré quand au détour d'un virage, le miracle se produit : une piscine olympique hors sol remplie d'eau. L'eau est verte mais mon filtre va s'en occuper. Je bois directement depuis le filtre tellement j'ai soif. En réalité je suis complètement déshydraté et je m'en suis pas aperçu tellement j'étais concentré sur mon objectif. Je bois au moins 2 litres comme un trou mais mon mal de crâne ne passe pas. Quasiment 27 km au compteur, pas mal pour un premier jour.
Finalement je suis mieux loti que le groupe qui a stoppé à la cache d'eau. J'ai de l'eau à volonté. Je me lave, je fais ma lessive et j'ai de quoi faire la vaisselle.
Alors que je prépare ma popote, je vois un cavalier à l'horizon et il se dirige directement vers moi. Comme ma seule référence sur les cowboys se limite aux westerns de mon enfance, j'espère que je ne vais pas finir au bout d'une corde pour avoir volé de l'eau.
Mon cowboy s'avère être une cavalière accompagnée d'un autre cheval qui transporte son matériel. Gillian, c'est son nom, fait elle aussi le CDT mais à cheval. Elle est de Los Angeles et à fait plusieurs fois le PCT à cheval. Elle cherchait un challenge plus exigeant et elle s'attaque au CDT pour aller jusqu'au Canada. Décidément il n'y a pas de débutants ici à part moi. Elle doit avoir dans les 30 ans et je trouve que ce petit bout de femme a vraiment du cran de traverser les USA à cheval et sans assistance ni compagnon de route. 
Nous installons nos campements de chaque côté du réservoir d'eau. 
La nuit se passe avec une tempête de vent qui manque d'arracher ma tente. Le sol est si dur que j'ai tordu les piquets sans pouvoir les planter. J'ai accroché mes cordes dans les buissons mais les fils ne sont pas tendus et la tente fait un boucan d'enfer. Le sol est couvert d'épines des buissons environnants. Pas un seul buisson sans épine ! Résultat une épine traverse le tapis de sol et me voilà au milieu de la nuit en train de réparer mon matelas gonflable.
Il faut dormir. Demain est un autre jour et je regarderai mieux mon GPS pour ne pas me refaire une blague.

4 commentaires:

  1. Et ça va être comme ça pendant 5 mois ?! ;-)
    Courage mon biquet, le monde est suspendu à ton blog.

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    1. Je sais pas si je vais effectivement tenir le rythme. Mes journées sont assez actives mais ça me fait beaucoup de bien le soir d'avoir ce moment avec vous. Alors tant que vous êtes là et que vous m'aidez à avancer, je continue. Tant pis pour vous :-)

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  2. LA VACHE ! So let's say you are meeting all the challenges at the start but with each passing day it will get better and easier! So much depends on your state of mind, so stay positive and energized and find the good in all you do! You are one step closer to your goal !!!!! YOU CAN DO IT! The girl on the horse reminds me of that true story about the girl who crossed the dessert with her horse....I know you saw it too....'Tracks'. Gros bisous ! Shelle

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    1. Thanks a lot for all the positive vibes of your message. You already gave me so much when passing by your - passive - house and you keep going. I don't know if you can feel it in my writings but I really enjoy myself being in this trip. All these little tricks are part of the pleasure of being in the wilderness and I'm looking for these. Thanks you so much for your support.

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25 août - Sospel > Menton

Il est 6h, l'heure des braves et de l'apparition du soleil. Je suis tellement proche d'eux que je réveille les squatteurs du jar...